SOLEIL est le centre français de rayonnement synchrotron, situé sur le plateau de Saclay près de Paris. Il s’agit d’un instrument pluridisciplinaire et d’un laboratoire de recherche, ayant pour mission de conduire des programmes de recherche en utilisant le rayonnement synchrotron, de développer une instrumentation de pointe sur les lignes de lumière et de mettre celles-ci à la disposition de la communauté scientifique. Le synchrotron SOLEIL, outil unique à la fois en matière de recherche académique et d’applications industrielles, a ouvert en 2008. Il est utilisé annuellement par plusieurs milliers de chercheurs français et étrangers, à travers un large éventail de disciplines telles que la physique, la biologie, la chimie, l’astrophysique, l’environnement, les sciences de la terre, etc. SOLEIL s’appuie sur une source de rayonnement remarquable à la fois en termes de brillance et de stabilité. Cette Très Grande Infrastructure de Recherche (TGIR), partenaire de l’Université Paris-Saclay, est constituée en société « civile » fondée conjointement par le CNRS et le CEA.
Résumé :
La résistance bactérienne aux traitements thérapeutiques représente une menace croissante pour la santé humaine et animale dans le monde entier. En Europe, elle est responsable d'environ 25 000 décès par an et les coûts associés sont estimés à quelque 1,5 milliard d'euros par an. De nouvelles formes de résistance apparaissent et se propagent, laissant aux cliniciens peu d'options pour le traitement des infections. En dépit de la demande en développement de nouveaux composés antimicrobiens, seules deux nouvelles classes d'antibiotiques ont été introduites sur le marché au cours des trois dernières décennies. Sur le plan scientifique, il est urgent de mieux comprendre le fonctionnement des antibiotiques, le développement de la résistance et les mécanismes moléculaires qui pourraient être exploités pour détourner la résistance bactérienne. Le programme de recherche européen IMI-TRANSLOCATION visait à mieux comprendre le transport et l'accumulation d’antibiotiques, ainsi que l'émergence de la multirésistance chez les bactéries Gram-négatives problématiques du groupe pathogène ESKAPE (Enterococcus faecium, Staphylococcus aureus, Klebsiella pneumoniae, Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aeruginosa, Enterobacter spp.). Des résultats significatifs ont été obtenus concernant (i) la translocation des antibiotiques à travers les porines de la membrane externe, et (ii) l'impact des pompes d'efflux sur l'accumulation et l'activité des antibiotiques chez les entérobactéries.
Objectifs scientifiques :
Depuis plusieurs années, la collaboration entre le laboratoire MCT d'Aix-Marseille Univ., et la ligne DISCO de SOLEIL, a permis de développer la méthode KMSF (Kinetic-MicroSpectroFluorimetry) pour quantifier l'accumulation d'antibiotiques dans des bactéries isolées in vivo. Cependant, cette méthodologie présente deux limitations majeures : (i) le dépôt des bactéries entre deux lamelles de quartz n'empêche pas leur mobilité; (ii) l'exposition des bactéries aux antibiotiques hors du microscope ne permet pas l'enregistrement du signal de fluorescence dès le début de l'expérience. Nous pensons que le couplage de l’imagerie UV à haute résolution avec un dispositif microfluidique adapté permettrait de lever ces limitations.
L'immobilisation des cellules bactériennes constitue un obstacle technique majeur à la mise en œuvre d'approches unicellulaires pour l'imagerie à haute résolution. Le traitement des lamelles de microscope par des molécules adhésives est une solution potentielle pour immobiliser les cellules bactériennes, mais les polymères cationiques traditionnels, tels que la poly-lysine (PLL), affectent profondément la physiologie bactérienne.
Nous avons commencé à prototyper un dispositif microfluidique (MF) avec le MF-Lab de SOLEIL en nous basant sur des modèles trouvés dans la littérature (figure ci-contre). Il est composé de deux entrées (pour l'injection de l'antibiotique ou de l'adjuvant), d'un canal principal (pour l'injection des bactéries) et d'une sortie.
Le premier objectif de ce stage sera de caractériser différentes stratégies chimiques pour leur (bio)compatibilité lorsqu'elles sont adsorbées sur des lamelles de quartz pour immobiliser des cellules d'Escherichia coli.
Nous avons identifié plusieurs substrats de la famille des organosilanes disponibles dans le commerce (i.e., APTES: 3-aminopropyltriéthoxysilane, APTMS: 3-aminopropyltriméthoxysilane, GPTS: glycidoxypropyltriéthoxysilane, ODMCS: octyldiméthylchlorosilane, OTS: octadécyltricholorosilane, et EDS: N-(2-aminoéthyl)-3-aminopropyltriméthoxysilane) ainsi que des réactifs commerciaux (à savoir Vectabond®, CellTack™ et Polysin™) qui pourraient être utilisés pour revêtir des lamelles en quartz.
La fluorescence résultante des différents substrats devra être testée dans la gamme d'UV utilisée à DISCO. Ensuite, la survie et l'attachement des bactéries devront être évalués. Les bactéries seront imagées immédiatement après leur immobilisation pendant 30 minutes. La mort cellulaire devra être évaluée à l'aide d'une coloration au l'iodure de propidium pour marquer les cellules mortes. Des méthodes de suivi temporel individuel des bactéries devront être développées sur la ligne DISCO afin d'étudier la transition vers un attachement irréversible (différent du retournement, de la rotation ou du détachement des bactéries). Nous espérons ainsi identifier un substrat (bio)compatible qui améliorera le taux de dépôt des bactéries.
Des essais d'accumulation de ciprofloxacine, un antibiotique bien caractérisé de la famille des fluoroquinolones (voir l'organigramme ci-dessous), seront réalisés avec des souches d'E. coli AG100 (type sauvage), AG100A (efflux de médicaments défectueux).
Les médicaments antibactériens sont de petites molécules. Pour comprendre leurs efficacités, il est nécessaire de comprendre leur interaction initiale avec l'enveloppe bactérienne responsable de la régulation de l'absorption de ces petites molécules. Cette enveloppe est composée d'une combinaison unique de protéines et de phospholipides qui peuvent modifier de manière significative son interaction avec ces petites molécules. En particulier, les bactéries Gram-négatives sont caractérisées par une membrane externe hautement imperméable composée de lipopolysaccharide et de protéines de la membrane externe, qui organisent des canaux pour la diffusion de petits composés hydrophiles.
L’objectif complémentaire de ce stage est d'explorer de façon couplé le signal de seconde harmonique (SHG) et la fluorescence à deux photons (TPF) afin d'examiner les différences entre les bactéries Gram-positives et Gram-négatives. Pour cela, nous utiliserons le microscope confocal multiphotonique Nikon A1 MP+ disponible à SOLEIL. Le vert de malachite, une molécule émettant un signal SHG, sera utilisé avec des souches Gram-positives (Streptococcus pneumoniae et Staphylococcus aureus) et Gram-négatives (E. coli et Pseudomonas aeruginosa) pour évaluer la perméabilité de leurs membranes. Des études ont montrées, que l'adsorption sur le feuillet externe de l'enveloppe bactérienne entraîne une augmentation du signal SHG, tandis que les molécules qui pénètrent par diffusion dans le feuillet interne produiront un SHG avec une phase opposée, ce qui entraînera une diminution du signal SHG détecté au cours du temps. Des essais de compétition avec des antibiotiques pourront également être expérimentés.
Missions :
- Microfluidique sous lumière UV : caractériser différentes stratégies chimiques pour leur (bio)compatibilité lorsqu'elles sont adsorbées sur des lamelles de quartz pour immobiliser des cellules bactériennes; effectuer des essais d'accumulation d'antibiotiques et comparer les données avec la configuration précédente ("sandwich de lamelles de quartz").
- SHG/TPF : examiner la perméabilité membranaire des bactéries Gram-positives et Gram-négatives en utilisant le vert de malachite; effectuer des essais de compétition avec des antibiotiques
Profil attendu du candidat :
Diplôme de M1 (ou équivalent) en physique avec des bases en biologie et chimie. Le candidat doit avoir des bases en photonique (notamment en microscopie de fluorescence et/ou en microscopie SHG/TPF). Des compétences en programmation Python pour l'analyse de d’images biologiques. Une première expérience pratique dans l'un de ces domaines (stage de Master 1). Le candidat doit avoir un intérêt profond pour la recherche proposée, de bonnes compétences en communication orale et écrite, des capacités d'analyse et de résolution de problèmes, et faire preuve d'esprit critique.
Encadrements et contacts :
Encadrant: Dr. Hugo Chauvet (beamline scientist)
Email: hugo.chauvet@synchrotron-soleil.fr
Référente scientifique: Dr. Muriel Masi (associate professor Aix-Marseille Univ & research associate SOLEIL),
Email(s): muriel.masi@univ-amu.fr ; muriel.masi@synchrotron-soleil.fr