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Communication entre les cellules humaines et leur environnement. Une avancée majeure grâce à la biologie structurale

Les cellules communiquent avec leur environnement par l'intermédiaire de récepteurs situés à leur surface. Lorsqu'une protéine-signal interagit avec ces récepteurs, ceux-ci transmettent un message à l'intérieur de la cellule, par exemple l'instruction de proliférer, ce qui peut parfois conduire à la formation d'une tumeur s’il y a une « erreur dans le message ».

Des recherches menées par une équipe internationale, et impliquant les lignes PROXIMA-2A et SWING, révèlent la structure 3D du récepteur ALK, impliqué chez l’Homme dans divers cancers et autres maladies (lupus, obésité). Ces résultats, publiés dans la revue Nature, permettront de mieux comprendre la fonction de ces récepteurs, première étape importante vers des approches thérapeutiques.

Les cellules communiquent avec leur environnement par l'intermédiaire de protéines-signal qui se fixent sur des récepteurs localisés à la surface des cellules. Ces récepteurs sont comme des antennes de communication qui reçoivent uniquement des signaux spécifiquement codés. Lorsqu'un signal approprié - sous forme d'une protéine spécifique au récepteur, telle qu’une cytokine – provenant de l'extérieur de la cellule approche de l'antenne, le signal est transmis à l'intérieur de la cellule. Cela peut déclencher différents processus cellulaires importants, tels que la croissance et la division cellulaires.

Lorsque la communication entre ces protéines et les récepteurs devient incontrôlée, excessive ou interrompue, cela peut conduire à des maladies graves telles que le cancer ou des troubles inflammatoires ou auto-immuns. Un groupe de récepteurs essentiels à la santé humaine est connu sous le nom de Récepteurs à Tyrosine Kinase (RTK). Il existe chez l’Homme 58 RTKs organisés en 20 familles. Des défauts fonctionnels de ces récepteurs sont impliqués dans plusieurs cancers, maladies auto-immunes, neurologiques et métaboliques.

La famille ALK

En raison de leur rôle critique dans ces maladies, la plupart des RTK ont déjà fait l'objet de recherches approfondies. Cependant, pour l’un des 20 groupes de RTK, la famille ALK du récepteur kinase du lymphome anaplasique (Anaplastic Lymphoma Kinase), les informations font cruellement défaut. L’existence de ces récepteurs est connue depuis plus de trente ans, mais les informations structurales sur la façon dont ils interagissent avec leurs protéines-signal étaient jusqu’à présent inexistantes.

Cette nouvelle étude, menée par Steven De Munck, doctorant de l'équipe du Professeur Savvas Savvides (VIB-UGent Center for Inflammation Research, Belgique), en collaboration avec le National Cancer Research Institute  de Tokyo, le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (New York) et la société ħ Bioconsulting LLC (Minnesota), a révélé la structure 3D de deux récepteurs de cette famille : ALK et LTK (récepteur kinase des leucocytes), ainsi que leur structure lorsqu'ils sont liés à leurs protéines-signal respectives - des cytokines. Ces structures 3D fournissent des informations essentielles pour comprendre la fonction de ces récepteurs.

Figure 1 : Structure 3D des complexes ALK-cytokine à gauche et LTK-cytokine à droite.
La cytokine (molécule signal) est en bleu dans le complexe avec ALK et en vert avec LTK. Les récepteurs ALK et LTK, lorsqu’ils fixent la molécule de cytokine, se dimérisent : les complexes contiennent respectivement 2 molécules d’ALK (en rose et blanc) et 2 molécules de LTK (en jaune et blanc).
Seule la partie des récepteurs externe à la cellule –partie qui fixe les molécules-signal provenant du milieu extérieur– est représentée ici. Elle est située au-dessus de la double couche de lipides constituant la membrane de la cellule ; ligne pointillée noire : contour de la partie transmembranaire des récepteurs, qui « ancre » les récepteurs à la cellule et transmet le signal à l’intérieur de la cellule.

Les données de diffraction des rayons X cruciales pour obtenir les structures des deux complexes récepteur-protéine signal ont été collectées sur PROXIMA-2A à SOLEIL, et l'assistance technique fournie l’équipe de la ligne de lumière a été d'une importance capitale. De plus, des expériences de diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS) ont également été menées sur la ligne SWING dans le cadre de ces travaux.

Les scientifiques ont été surpris par le caractère unique et inédit de ces protéines et de leurs assemblages. Ainsi, leurs résultats illustrent à quel point la recherche fondamentale est essentielle pour découvrir de nouveaux concepts et mécanismes participant aux processus pathologiques.

Figure 2 : comparaison entre le complexe ALK-cytokine (tout à droite) et tous les autres modes d'interaction connus à ce jour entre les différents récepteurs à tyrosine kinase et leur molécule-signal.

Bien que l'ALK et ses versions mutées soient impliquées, notamment, dans le neuroblastome pédiatrique, le cancer du côlon, le mélanome et peut-être aussi l'obésité, le manque de connaissances structurales sur cette famille de récepteurs avait jusqu’à présent empêché son ciblage thérapeutique spécifique. Ces nouveaux résultats sont donc porteurs de grands espoirs pour de futurs développements thérapeutiques.