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Auto-organisation d’un surfactant non-ionique sur un matériau lamellaire naturel

L’agrégation de molécules amphiphiles et leurs organisations sur diverses surfaces sont des phénomènes prépondérants dans de nombreuses applications, comme notamment le traitement de surface, les nettoyants, ou encore la préparation de matériaux composites. Lorsque les mécanismes interactionnels conduisant à l’adsorption sont équivalents aux forces intermoléculaires assurant la cohésion des molécules amphiphiles (surfactants non-ioniques) en bicouches pour la formation de différentes phases lyotropes, la structure des agrégats formés peut s’apparenter à celles existant en solution dans le système ‘bulk’ molécules amphiphiles-eau. La structure de tels agrégats a pu être observée sur des surfaces bien définies, comme du graphite ou encore de la silice. Mais c’est seulement fin 2013 que Régis Guégan (ISTO, Orléans) et Javier Perez (ligne SWING) ont pu mettre en évidence l’importance de l’état du surfactant non-ionique lors de son adsorption, et l’organisation de celui-ci sur des matériaux lamellaires naturels.

 

Adsorption de surfactants sur des minéraux argileux

Les minéraux argileux comme la montmorillonite sont des matériaux lamellaires qui présentent une forte surface spécifique, une capacité d’échange cationique ainsi que d’excellentes propriétés d’adsorption pour de nombreux composés chimiques. L’adsorption de surfactants sur les minéraux argileux s’appuie sur divers mécanismes interactionnels. Si ceux-ci sont relativement bien compris pour des surfactants cationiques où l’adsorption s’effectue par échanges ioniques avec les cations inorganiques compensateurs localisés dans l’espace interfeuillet conduisant à la synthèse des fameux ‘organoclays’ utilisés massivement comme renforts dans des matrices de polymères notamment, le problème s’avère plus complexe pour des surfactants non-ioniques.

Les travaux de recherches passés limitaient l’étude de l’adsorption de surfactants non-ioniques sur des minéraux argileux  pour une gamme en concentration en deçà ou proche de la concentration critique de formation de micelle (cmc), où le maximum d’adsorption était atteint. Bien qu’impliquant d’autres forces d’interaction avec la surface hétérogène des minéraux argileux, les surfactants non-ioniques s’agrègent suivant un mécanisme de micellisation couvrant toute la surface accessible en s’organisant en mono ou bi-couches latérales avec un accroissement de l’espace feuillet des minéraux naturels lamellaires de l’ordre de 4 ou 8 Å. Les matériaux composites obtenus montrent comme leurs analogues ‘organoclays’, préparés au moyen de surfactants cationique, une surface hydrophobe mais une augmentation relativement restreinte de leur espace feuillet, limitant par conséquent leurs possibles applications.

Rôle de l’auto-organisation du surfactant

L’adsorption de surfactants non-ioniques comprenant n-CnH2n+1(OCH2CH2)mOH abrégé (CnEm) a reçu une particulière attention en raison de leur capacité à s’auto-assembler en plusieurs phases lyotropes de type cristal-liquide au-dessus de la cmc. Plus précisément, le système C10E3-H20 s’auto-organise en une phase lamellaire caractérisée par une agrégation du C10E3 en bicouches à température ambiante, permettant l’étude, dans des conditions expérimentales relativement confortables, de son adsorption sur des surfaces et/ou la préparation de matériaux composites. Les dernières expériences effectuées sur la ligne SWING du synchrotron SOLEIL ont permis de montrer que l’auto-organisation du C10E3 en une phase lamellaire modifie le mécanisme d’adsorption du C10E3 avec le minéral argileux favorisant son agrégation en une bicouche normale qui écarte l’espace interfeuillet à de larges valeurs (de l’ordre de 40 Å) tout en conservant les cations compensateurs dans l’espace interfeuillet conférant un caractère double hydrophobe / hydrophile aux matériaux composites. D’autre part, suivant l’état du C10E3 en solution, sous forme de monomères ou s’auto-assemblant dans une phase lamellaire, l’adsorption conduit à quatre arrangements distincts du C10E3 dans l’espace interfeuillet de la montmorillonite que les résultats des expériences menées sur la ligne SWING, couplés avec des résultats obtenus par FTIR et RMN sur solide, ont pu mettre en évidence : (i) une monocouche latérale ; (ii) une bicouche latérale ; (iii) une bicouche normale ; et (iv) pour des fortes concentrations une bicouche normale réorganisée écartant plus largement l’espace interfeuillet en (Figure 1).

                                                                                                                      

Ainsi, ces résultats montrent l’importance de l’état du surfactant en solution lors de son adsorption sur une surface où la compétition entre les forces conduisant à l’adsorption et celles favorisant l’arrangement du surfactant reste équivalente. Les auteurs comptent par la suite étudier l’adsorption de systèmes équivalents s’auto-organisant dans diverses phases lyotropes de type hexagonal ou cubique sur des matériaux lamellaires en vue de développer de nouveaux matériaux composites.

 

 

Figure 1 : Spectres de diffusion des rayons X aux petits angles pour : la montmorillonite échangée avec des ions Na+ déshydratée (rouge) ; les ‘organoclays’ ou matériaux composites préparés avec ce même minéral argileux et un surfactant non-ionique (C10E3) sous forme de monomères conduisant à l’intercalation dans l’espace interfeuillet d’une mono et bi-couche latérale (en jaune et vert respectivement) et s’auto-assemblant dans une phase lamellaire pour des concentrations au-delà de la cmc menant à l’agrégation d’une bicouche normale et tiltée au sein de la montmorillonite (bleu et violet respectivement).