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Vitraux de Notre-Dame de Paris : l’expertise de SOLEIL sollicitée

Lors de l’incendie du 15 avril 2019 qui a détruit une grande partie de la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les 120 vitraux ornant les façades ont pu être préservés. Mais le nuage de particules généré par l’incendie a laissé un dépôt à leur surface dont il faut désormais identifier la nature chimique avant d’envisager une décontamination. C’est pourquoi, parmi les 8 groupes de travail créés dans le cadre du chantier scientifique de restauration de la cathédrale, l’un est consacré au verre. Sollicitée pour son expertise sur les vitraux médiévaux, Myrtille Hunault, scientifique sur la ligne de lumière MARS et docteure en sciences des matériaux, y représente le Synchrotron SOLEIL.

Les vitraux des verrières qui éclairent Notre-Dame de Paris ont été créés entre le XIIIe et le XIXe siècle. Les propriétés du verre des pièces qui les composent (couleurs, transparence) varient en fonction de la composition chimique et des réactions qui surviennent entre les différents composants du verre au cours de sa fonte et de sa mise en forme. La surface du verre est particulièrement sensible et subit divers phénomènes d’altération au cours du temps, en fonction des contraintes environnementales (abrasion, corrosion, etc.). Ces phénomènes d’altération font l’objet d’études scientifiques permettant de guider les méthodes mises en œuvre par les restaurateurs.

Après l’incendie qui a touché la cathédrale Notre-Dame de Paris, un grand « chantier scientifique » a été mis en place par le ministère de la Culture afin que des recherches soient menées non seulement pour aider à sa restauration mais aussi pour approfondir les connaissances disponibles sur l’édifice. Ce chantier scientifique coordonné par le CNRS implique 175 personnes appartenant à une cinquantaine de laboratoires partout en France et se structure autour de huit groupes de travail thématiques. Ayant déjà mené des recherches significatives dans le domaine du verre et des vitraux, Myrtille Hunault, scientifique sur la ligne de lumière MARS du Synchrotron SOLEIL, fait partie des 20 scientifiques regroupé-e-s au sein du groupe de travail consacré au verre, sous la direction de Claudine Loisel, responsable du pôle Vitrail au Laboratoire des Recherches des Monuments Historiques (LRMH).

Myrtille Hunault, Docteure en sciences des matériaux et Scientifique sur la ligne de lumière MARS du Synchrotron SOLEIL.

Copyright : Synchrotron SOLEIL - Vincent MONCORGE

Myrtille Hunault a construit son expertise par ses travaux de doctorat sur la couleur des vitraux médiévaux. Elle a notamment déterminé l’influence de la composition chimique des verres sur la couleur bleue donnée par le cobalt, en utilisant la spectroscopie des rayons X au synchrotron Advanced Photon Source (Chicago) et la spectroscopie dans la gamme d’énergie des UV et de la lumière visible. D’autres informations sur les conditions d’élaboration des verres, telles que l’atmosphère des fours anciens, peuvent être obtenues en déterminant le degré d’oxydation de certains éléments comme le fer ou le manganèse. Après avoir participé à la première étude de grande ampleur sur la couleur des vitraux, dans le cadre de la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle de Paris, Myrtille Hunault a participé, sur la ligne de lumière LUCIA de SOLEIL, à une étude de spectroscopie des rayons X menée par le LRMH sur un corpus de vitraux représentant les visages de personnages, dans le but de comprendre la maitrise des couleurs par les verriers du Moyen-Âge.

Pièce de verre d’un vitrail de la cathédrale d’Angers (vers 1190-1210), installée dans la chambre à vide de la station expérimentale de la ligne de lumière LUCIA au Synchrotron SOLEIL.

Les 19 et 20 octobre 2020, un premier colloque a permis d’établir un état des lieux et de dessiner les perspectives pour chacun des groupes de travail du chantier scientifique de Notre-Dame. Ont notamment été abordées les méthodologies mises en œuvre pour recenser, collecter et organiser les différents vestiges issus de l’incendie. Dans tous les domaines, les chercheurs mobilisent les techniques de pointe pour comprendre les matériaux endommagés et préservés, afin de servir le chantier de restauration, tout en rassemblant des données archéologiques uniques. Dans le cadre des vitraux, qui étaient destinés à être restaurés, l’objectif premier mené par le LRMH a été de coordonner leur mise en sécurité, mais une partie des vitraux du transept est encore inaccessible. La mise au point d’un protocole de décontamination du plomb issu des fumées de l’incendie est une priorité pour permettre la réouverture de l’édifice.

Prochaine étape : structurer les recherches et les mettre en œuvre. Pour les vitraux de Notre-Dame de Paris, deux axes principaux de travail sont engagés. Le premier est la caractérisation des dépôts plombifères notamment dans le but d’optimiser les protocoles de décontamination, caractérisation étudiée dans 2 projets de recherche : (i) un post-doctorat intitulé « PlombND » impliquant le LRMH et le Laboratoire Inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA), et financé par la Région Île-de-France dans le cadre de son Domaine d’Intérêt Majeur « Matériaux Anciens et Patrimoniaux » ; (ii) une thèse associant EDF, le Centre de Recherches et de Restauration des Musées de France (C2RMF) et le LRMH. Le deuxième axe concerne la mise à jour de la connaissance de l’histoire de ces vitraux d’origines très variées et du matériau verre en tant que tel.

En parallèle de ces investigations préliminaires, Myrtille Hunault a également été sollicitée par la Délégation académique à l’action culturelle du rectorat de Versailles, pour intervenir dans le cadre des Journées académiques interprofessionnelles Patrimoine, culture scientifique & technique : « Notre-Dame : passé, présent, avenir » destinées aux professeur-e-s de l’enseignement secondaire, quelle que soit leur discipline. Dans sa conférence, Myrtille Hunault présentera le Synchrotron SOLEIL et son rôle dans l’étude des matériaux du patrimoine en prenant pour exemple les vitraux du Moyen-Âge. Initialement prévu le 6 novembre 2020, l’événement a été reporté à une date ultérieure en raison du contexte sanitaire lié à la pandémie de CoViD-19.