Les cellules photovoltaïques organiques (OPVs) présentent plusieurs avantages par rapport aux cellules solaires en silicium, notamment leur flexibilité, leur faible coût et leur légèreté. Cependant, les solvants halogénés utilisés dans leur fabrication posent des problèmes environnementaux et de santé, freinant leur commercialisation. Des scientifiques de l’ICPEES (Strasbourg), ont développé de nouvelles méthodes pour produire des cellules solaires organiques (OSC) respectueuses de l’environnement, en utilisant des encres à base d’eau composées de nanoparticules (NPs) composites. Leur étude a mobilisé la microscopie X à transmission par balayage (STXM) sur la ligne de lumière HERMES et la diffusion des rayons X à incidence rasante à grand angle (GIWAXS) sur la ligne de lumière SIRIUS à SOLEIL pour examiner les transformations morphologiques des NPs.
Les OPVs ont connu des améliorations significatives au cours de la dernière décennie, devenant des alternatives viables aux cellules solaires en silicium traditionnelles. Malgré leurs performances prometteuses, leur production nécessite des solvants halogénés et des traitements à haute température, ce qui pose des défis environnementaux et sanitaires et limite leur commercialisation. Cette étude porte sur l’utilisation d’encres aqueuses contenant des dispersions de nanoparticules de semi-conducteurs organiques comme approche écologique. Dans ces OPVs, les NPs sont composées de composants donneurs (D) et accepteurs (A), formant des hétérojonctions D/A avec des morphologies favorisant un transport efficace des électrons.
Les chercheurs se sont concentrés sur un polymère fluoré à faible bande interdite, le PF2, comme donneur. Ce polymère, grâce à sa structure incluant une unité de benzo[2,1,3]thiadiazole et de longues chaînes alkyles ramifiées, favorise une cohésion élevée dans l’empilement, menant à de bonnes efficacités de conversion de l’énergie (power conversion efficiency, PCE). La molécule de fullerène PC71BM a été utilisée comme accepteur. La faible solubilité du PF2 dans des solvants non toxiques nécessite un procédé de mini-émulsion pour former les NPs. La synthèse par cette méthode et le contrôle de la morphologie par recuit thermique ont été étudiés grâce à une combinaison de techniques de laboratoire et de caractérisation par synchrotron.
Figure 1 : Structure chimique de PF2 (donneur) et PC71BM (accepteur)
Caractérisation par STXM
Les mesures d’énergie de surface indiquent que le PF2 fluoré se localise principalement dans la coquille des NPs, tandis que le PC71BM occupe le cœur. La microscopie X à transmission par balayage (STXM) sur la ligne HERMES a confirmé cette morphologie cœur-coquille : avant le recuit, le cœur est constitué d’environ 70 % en poids de PC71BM, tandis que la coque contient seulement 25 % en poids de PC71BM pour 75 % de PF2. La Figure 2 montre un exemple de carte d’épaisseur et de composition des NPs sans recuit. Après un recuit à 150°C, la teneur en PC71BM dans la coquille passe à 42 % en poids. À une température intermédiaire de recuit de 100°C, la combinaison entre la mobilité des électrons et celle des trous est favorable, et améliore l'ECP à 1,6%.
Figure 2 : Images STXM de NP composites PF2:PCBM 1:1 dialysées. Cartes d'épaisseur (a, b) et cartes de composition (c, d) du PF2 (a, c) et du PCBM (b, d). La barre d'échelle représente 400 nm.
Caractérisation par GIWAXS
Les études GIWAXS réalisées sur les lignes de lumière SIRIUS à SOLEIL et PLS-II au Pohang Accelerator Laboratory (Corée) ont permis d’examiner des films minces recuits à différentes températures, en corrélant les changements structuraux aux mobilités des porteurs de charge et aux PCE. Après un recuit à haute température (>150 °C), une diminution de l’efficacité est observée, car le PF2 pur s’aligne en configuration « edge-on » (sur la tranche), améliorant la mobilité des électrons le long du plan du substrat tout en réduisant légèrement celle des trous dans la direction perpendiculaire. Pour les NPs composites, une périodicité lamellaire est observée dans les échantillons avant et après recuit, avec l’apparition de nombreuses réflexions dans l’échantillon recuit, révélant une transformation de phase (figure 3).
Figure 3 : Diffractogrammes GIWAXS d'un film NP composite (PF2:PC71BM), tel que préparé et après recuit à 150°C, et représentation schématique des changements morphologiques au cours du recuit.
Les résultats montrent qu'une séparation de phase donneur-accepteur conduit à une structure cœur-coquille finale des NP. L’encre est ensuite utilisée pour imprimer la couche active de la cellule solaire. Après le recuit, un frittage des NP avec réorganisation des phases se produit, améliorant le transport des électrons et l'efficacité du dispositif.
Cette recherche démontre que la synthèse écologique des NPs peut permettre de « customiser » la morphologie interne des NPs, en particulier sous traitement thermique, ouvrant la voie à des technologies photovoltaïques organiques plus durables. Les futures études incluront l’optimisation de la taille et de la composition des nanoparticules ainsi que la combinaison de différents paires donneur-accepteur pour atteindre des efficacités plus élevées et un meilleur contrôle morphologique. Les connaissances acquises dans ce travail contribueront certainement au développement de technologies photovoltaïques respectueuses de l’environnement et répondant aux exigences de sécurité industrielle. Dans ce contexte, un projet de doctorat commun entre SOLEIL et l’Université de Strasbourg est en cours.