Défenseur du projet SOLEIL depuis ses débuts et auteur d’articles qui en retracent son histoire [1], le prof. Alain Michalowicz a formé à la spectroscopie d’absorption des rayons X, collaboré avec et aidé par ses développements de logiciel et son expérience bon nombre des scientifiques qui opèrent aujourd’hui les lignes EXAFS de SOLEIL. Sa contribution à la formation de leurs utilisateurs à sa chaîne de programme d’analyse EXAFS tant dans le passé via les écoles HERCULES que durant les 16 années d’opération de SOLEIL (2007-2023) par sa participation active à l’école d’initiation à la spectroscopie d’absorption X de Montpellier a eu un impact fort dans le développement de la spectroscopie auprès d’une large communauté de scientifiques qu’ils soient chimistes, biologistes ou physiciens. Touchés par sa disparition le 29 juin 2024, nous voulons brièvement retracer ici sa carrière.
La carrière universitaire d’Alain Michalowicz a commencé en septembre 1974 comme assistant professeur en intégrant le laboratoire de physico-chimie structurale de l’université Paris 12 à Créteil, alors dirigé par Michel Renaud et Roger Fourme. Intégrant une équipe résolument décidée à s’orienter vers la cristallographie des protéines pour laquelle le rayonnement synchrotron alors en plein développement au LURE (Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique, Orsay) offrait toutes les promesses, il a activement contribué à la construction de la ligne D1 du LURE associé à l’équipe de Physique du Solide dont Denis Raoux, Pierre Lagarde et Anne-Marie Flank faisaient notamment partie. Sous l’impulsion de Roger Fourme, il s’est tourné vers l’étude des métallo-protéines par spectroscopie d’absorption des rayons X pour laquelle il installa le premier détecteur de fluorescence X sur la ligne EXAFS 1. Sa rencontre avec José Goulon, alors chargé de recherches CNRS à Nancy et fraichement rentré de SSRL à Stanford, a été déterminante dans le développement pour la communauté scientifique des outils d'analyse EXAFS, avec un grand souci d'accessibilité simple à tous et de pédagogie : d'abord la chaine EXAFS pour le Mac et plus récemment MAX : Multiplatform Applications for XAFS. Les méthodes et programmes d’analyse des spectres d’absorption des rayons X appliqués à l’étude de l’ordre local et du désordre cristallin dans les matériaux inorganiques ont d’ailleurs été au cœur de sa thèse d’état dirigée par Michel Renaud et soutenue en 1990 à Paris 12.

De gauche à droite : Alain Michalowicz, Gilberto Vlaic, Jaques Moscovici et Karine Provost lors d'une session de mesures au synchrotron.
Auteur de plus de 100 articles, Alain s'est intéressé tant aux applications de l’EXAFS aux matériaux qu'aux applications dans le domaine biomédical. On peut citer en particulier la caractérisation de complexes à transition de spin, de composés électrochromes et pérovskites ferroélectriques, pour le premier domaine, et les composés cobalamines, dérivés de la vitamine B12, et les complexes anticancéreux à base de platine pour le second.
Alain a toujours été particulièrement intéressé par la complémentarité entre diffraction des rayons X et spectroscopie d'absorption X, avec un goût marqué pour les aspects statistiques et méthodologiques, et une rigueur, qui lui ont valu une reconnaissance internationale. En siégeant dans la commission XAFS de l’IUCr de 1999 à 2008, il a contribué significativement en 2000 à l’écriture du rapport sur le traitement des erreurs dans l’analyse EXAFS, rapport qui fait encore référence aujourd’hui. Il a d’ailleurs enseigné de 2007 à 2023 le calcul des erreurs en EXAFS à l’école récurrente d’initiation à la spectroscopie d’absorption des rayons X de Montpellier. Sur la fin de sa carrière, il s'est intéressé à l’analyse multivariée des spectres d’absorption X pour répondre au problème de mélanges d’espèces lors du suivi de réactions chimiques. Il a alors complété sa chaîne de programme en conséquence. Jusqu'à ces derniers mois, il aura eu le souci que ses programmes puissent rester librement accessibles à l'ensemble de la communauté scientifique.
Son enthousiasme, sa capacité de travail, son incroyable mémoire et sa bonne humeur nous manqueront.
[1] Alain Michalowicz, Henri Ostrowiecki, Isabelle Martelly et René Bimbot, « De Frascati à Soleil, histoire du rayonnement synchrotron (1963-2013) », Histoire de la recherche contemporaine, Tome III - N°1 | -1, 6-7.