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Matériaux multifonctionnels. Approche structurale des propriétés pseudocapacitives d’Hydroxydes Doubles Lamellaires à base de Cobalt

Avec de nombreuses applications possibles dans des domaines comme l’énergie, l’environnement, la santé ou les polymères, les matériaux Hydroxydes Doubles Lamellaires (HDL), particulièrement adaptés à l’élaboration de matériaux multifonctionnels, font actuellement l’objet d’importantes recherches.

Dans le but de maîtriser les performances de ces matériaux, plusieurs études menées récemment par l’équipe Matériaux Inorganiques de l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (ICCF) reposent sur l’utilisation du rayonnement synchrotron. Leurs derniers résultats, obtenus notamment sur la ligne CRISTAL de SOLEIL, ont été publiés dans la revue Chemistry of Materials.

Les matériaux Hydroxydes Doubles Lamellaires (HDL) ont pour formule générale [M2+1−x M3+x(OH)2][Xm−x/m,nH2O]. Leur richesse de composition, tant au niveau des métaux (M2+, M3+) constitutifs des feuillets hydroxydes que des espèces interlamellaires (Xm−), mais aussi leur capacité d’échange anionique élevée, en font des candidats particulièrement adaptés à l’élaboration de matériaux multifonctionnels. À cette malléabilité chimique et structurale, il faut aussi ajouter les nombreuses voies de synthèse et possibilités de mise en forme de ces matériaux qui agrandissent leur champ d’application.

La maîtrise des performances de ces matériaux nécessite une compréhension de plus en plus fine de leur structure ainsi que des relations entre la synthèse/structure (composition)/propriétés d’emploi.

Pour ce faire, différents aspects de la structure des phases HDL ont été étudiés par l’équipe Matériaux Inorganiques (ICCF) à partir de mesures en diffraction et diffusion des rayons X enregistrées à grand Q (vecteur de diffusion) sur la ligne CRISTAL : la structure moyenne par la méthode de Rietveld, la microstructure via l’analyse du profil des raies de diffraction, le désordre structural et la présence de défauts via l’analyse de la fonction de distribution de paires (PDF). Ces travaux ont permis d’enrichir le front des connaissances de la structure des phases HDL, d’aborder de manière plus précise la description structurale et la microstructure de ces matériaux mal cristallisés.

 

Des matériaux HDL développés pour la conversion et le stockage de l’énergie

La présence au sein des feuillets HDL de cations électro-actifs comme Ni2+, Co2+ et/ou Co3+ est à l’origine de propriétés pseudocapacitives remarquables. Les composés à base de cobalt présentent ainsi une capacité de charge pouvant aller jusqu’à  1500 F g-1.

Une approche combinée de mesures ex-situ et operando a été appliquée, qui a permis de rendre compte à la fois des changements structuraux et des processus redox intervenant au sein de ces matériaux en accord avec les caractéristiques du comportement électrochimique. Les mesures été réalisées sur le diffractomètre 2-cercles de CRISTAL avec l’analyseur multi cristaux pour les mesures ex-situ et le détecteur à pixel hybride dans le cas des mesures operando; un faisceau monochromatique λ=0,4368Å (28,2518 keV) a été utilisé donnant accès à un grand domaine de Q: Qmax =25,4 Å–1. En complément, une cellule électrochimique conçue pour réaliser des mesures operando par diffraction des rayons X en incidence rasante a été utilisée.

Les mesures operando sur une phase Co2Al, en cours d’expérience de voltammétrie cyclique (CV), ont été menées sur un film mince déposé sur une électrode d’ITO dans l’électrolyte KOH. Celles-ci ont permis de révéler une dynamique d’échanges d’ions dans l’espace interlamellaire de la phase HDL, concomitante à  des transferts électroniques au sein des feuillets hydroxydes. Ces mouvements d’espèces chimiques à l’interface HDL/électrolyte ont pu être quantifiés à l’aide de mesures complémentaires par microbalance à quartz électrochimique (EQCM).

Figure 1 : Mesures operando par diffraction des rayons X en incidence rasante en cours d’expérience de voltammétrie cyclique (CV).

D’autre part, des données de diffusion totale de rayons X de haute qualité ont enregistrées pour des échantillons oxydé et réduit préparés ex-situ par électrolyse. L’analyse structurale par la fonction de distribution de paires montre l’existence d’un important désordre dans les feuillets hydroxydes qui apparaît dès la deuxième sphère de coordinance autour des cations r> 5-6A, y compris pour le matériau de départ. Les changements structuraux accompagnants les changements d’états d’oxydation du cobalt au sein de ces feuillets ont pu être caractérisés par affinement de la PDF à courte distance. Ces affinements montrent que la coexistence sur un même site cristallographique des espèces Al et Co est favorable à la réversibilité électrochimique de l’oxydation du cobalt.

Figure 2 : Analyse structurale par la fonction de distribution de paires d’échantillons oxydé et réduit préparés ex-situ.

La nanostructure et le désordre qui caractérisent les phases HDL font donc partie intégrante du mécanisme d’accommodation des changements d’état d’oxydation des cations électro-actifs dans ces matériaux, à l‘origine de leurs performances pseudocapacitives.

Remerciements

Les auteurs remercient vivement P. Vialat, S. Peulon (UMR 8587 CNRS - Lambe, Univ Evry) et H. Perrot (UMR 8235 CNRS – LISE, UPMC) pour leur contribution essentielle à ces travaux ainsi que E. Elkaim (SOLEIL, Gif-sur-Yvette) pour l’aide précieuse lors des expériences synchrotron.