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Ligne METROLOGIE : Étalonnage du détecteur du télescope MXT pour la mission d’astrophysique SVOM

SVOM (Space based multi-band astronomical Variable Objects Monitor) est une mission spatiale franco-chinoise qui sera lancée en 2023 pour observer les sursauts gamma. Les positions et spectres d’émission des rayons X de basse énergie (0,2-10 keV) produits à la suite des rayons gamma seront fournis par le Microchannel X-Ray Telescope (MXT) installé sur le satellite. Pour caractériser sa réponse et son efficacité quantique à de telles énergies, le modèle de rechange du détecteur de MXT a été soumis à une campagne d’essai d’étalonnage, sur la ligne METROLOGIE. Les réglages de la ligne ont dû être grandement modifiés pour s’adapter aux contraintes du détecteur. Le principal défi a été de réduire le flux de photons de la ligne 10 millions de fois, tout en conservant la pureté spectrale du faisceau.

Les sursauts gamma sont des bouffées de rayons gamma brèves et intenses apparaissant de façon aléatoire dans le ciel. Ils sont produits par l’explosion qui suit l’effondrement gravitationnel d’étoiles massives ou la fusion de deux étoiles à neutrons organisées en systèmes binaires. Après ce flash initial de rayons gamma, une "rémanence" de plus longue durée (jusqu’à plusieurs mois) est généralement émise à des longueurs d'onde plus longues : rayons X, ultraviolets, visible, infrarouges, micro-ondes et ondes radio. La mission SVOM va embarquer quatre instruments pour étudier ces phénomènes violents. ECLAIRs et GRM (Gamma-Ray burst Monitor) dotés de grands champs de vue détecteront et localiseront les sources transitoires dans le domaine des rayons gamma. Après une manœuvre du satellite, les instruments MXT et VT (Visible Telescope) avec des champs de vue étroits fourniront une localisation plus précise de ces sources de rayonnement et observeront leur émission rémanente dans les rayons X et le visible respectivement.

Figure 1 : Schéma du SVOM indiquant les quatre instruments embarqués pour la mission

Le télescope MXT sous la responsabilité du CNES a été conçu et réalisé par le CEA-Irfu, le CNRS-IJCLab, l’université de Leicester et un ensemble d’industriels européens. La caméra inclut un dispositif à transfert de charge (pnCCD) de 19.2 x 19.2 mm², fourni par le Max Planck Institut für Extraterrestrische Physik. Le modèle de vol a été livré au CNES en mai 2021. Un modèle de vol de rechange du détecteur, du même lot de fabrication que le modèle de vol, a été conservé au CEA de Saclay pour des caractérisations supplémentaires.

Figure 2 : Détecteur au cœur du télescope MXT, dont un exemplaire « de rechange » a été testé sur la ligne METROLOGIE.

Expérience

Les mesures ont été réalisées dans la gamme d’énergie de 0,3 à 1,8 keV, qui est celle dans laquelle l’optique de MXT collecte le plus de photons. À plus basse énergie, l’efficacité de détection du télescope est limitée par le filtre UV-visible déposé sur le détecteur lui-même, nécessaire pour éviter la contamination optique lors des observations des sources X. La chaîne de détection est optimisée pour des sources astrophysiques de rayonnement très faible. En conséquence, le flux de photons utilisé pour tester le détecteur doit être de l’ordre de 1 photon/s/pixel (pixels de 75 x 75 µm²) pour éviter l’empilement de photons (le détecteur est lu à la cadence de 10 images par seconde). Or, le flux du faisceau fourni par la ligne METROLOGIE est de l’ordre de 109 à 1010 photons/s dans une tache focale de 200 x 100 µm². Le défi relevé par les équipes de SOLEIL et du CEA a donc été d’atténuer fortement le flux du faisceau synchrotron en sortie de ligne sans sacrifier sa grande pureté spectrale.

Le détecteur a été placé à 5 m du point focal -où la densité de photons est la plus élevée- pour réduire le flux par pixel en tirant parti de la divergence du faisceau. Des filtres X ont été placés dans le faisceau pour fortement réduire la quantité de photons déposés sur le détecteur. Même dans ces conditions de flux extrêmement faibles la pureté spectrale du faisceau a été maintenue à plus de 99 % en éliminant les photons qui n’avaient pas l’énergie désirée grâce à un système dit de filtre passe-bas.

Figure 3 : Sur la ligne METROLOGIE, montage expérimental utilisé pour les mesures. Le cryostat dans lequel se trouve le MXT (tout à gauche de la photo) est placé à 5 m du point focal pour que 4 % de la surface du détecteur (3 mm x 5 mm, ~2500 pixels) soit éclairée. À l’intérieur du cryostat, le détecteur est refroidi à -65°C.

Résultats

Des configurations opérationnelles du faisceau ont été trouvées pour différents domaines d’énergie avec une excellente pureté spectrale et sans empilement de photons dans le détecteur – il faut tendre vers un flux de 1 photon/s/pixel : chaque pixel ne doit être impacté que par un seul photon d’une énergie donnée ; ici, moins de 1 % des photons est mesuré au double de l’énergie. Le flux de photons était de l’ordre de 150 photons/s.

Figure 4 : Exemple de spectre mesuré par le détecteur à l’énergie de 800 eV avec un flux de 150 photons/s (1 photon par pixel ; moins de 1% des photons est mesuré au double de l’énergie). Les résultats obtenus (en noir) sont tels qu’attendus dans la modélisation (en rouge).

D’excellentes mesures de la fonction de transfert « ADU vers eV » (conversion du signal mesuré par le détecteur, en V, vers une valeur d’énergie, eV), de la résolution spectrale de la chaîne de détection, ainsi que de l’efficacité de transfert de charge du détecteur ont été obtenues. Pour obtenir l’efficacité quantique du détecteur (rapport entre le nombre d’évènements détectés et le nombre de photons réellement reçus par le détecteur), le flux incident absolu sur le détecteur doit être calculé à partir de mesures à haut flux données par une photodiode X calibrée en absolu. Cette mesure indirecte est complexe et nécessite des mesures d’étalonnage complémentaires qui sont prévues sur une deuxième campagne d’expériences.

Conclusion

Cette première campagne a été un grand succès technique démontrant la possibilité d’utiliser la ligne METROLOGIE de SOLEIL dans des régimes de flux extrêmement faibles. Ceci offre des perspectives pour la caractérisation de dispositifs à comptage de photons avec des hautes performances spectrales dans le domaine des rayons X. L’équipe du CEA prépare actuellement des améliorations techniques du montage expérimental, en lien étroit avec l’équipe de SOLEIL, pour augmenter les capacités de métrologie dans ce régime à très faible flux de photons.