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Ligne MARS : mise en lumière de l’impact des conditions de synthèse sur la taille, la forme et la structure locale des colloïdes intrinsèques de plutonium

Les activités humaines en lien avec l’industrie du nucléaire civil et militaire (tests nucléaires, conquête spatiale, accidents industriels...) conduisent au relargage de particules radioactives dans l’environnement. Prédire leur comportement et leur réactivité une fois relarguées nécessite de les caractériser finement, si possible dans leur milieu natif.

Dans ce contexte, des chercheurs du Laboratoire de Sonochimie dans les Fluides Complexes de l’Institut de Chimie Séparative de Marcoule (UMR 5257 – CEA/CNRS/UM/ENSCM), en collaboration avec les chercheurs de l’ICSM, du CEA/DMRC et de la ligne MARS, ont caractérisé sur cette ligne des colloïdes intrinsèques de Plutonium Pu(IV), grâce à la diffusion des rayons X aux petits angles et à la spectroscopie d’absorption des rayons X.

Des études récentes ont démontré que le Plutonium, considéré jusque-là comme fortement immobile (très faible solubilité dans les systèmes aqueux, forte capacité d’adsorption sur les phases minérales), peut, sous forme colloïdale, migrer à l’échelle du kilomètre. Les formes colloïdales du Pu seraient ainsi potentiellement impliqués dans la migration environnementale des actinides. Il existe deux sortes de colloïdes de Pu : les pseudo-colloïdes et les colloïdes intrinsèques. Les pseudo-colloïdes font généralement référence aux colloïdes naturels sur lesquels le Pu a été incorporé ou adsorbé, tandis que les colloïdes intrinsèques reposent sur la capacité du Pu à précipiter et à former son propre colloïde. Les progrès de la recherche sur ces composés sont cependant particulièrement difficiles en raison de la chimie complexe de l'élément Pu –en milieu acide, il possède la propriété exceptionnelle de pouvoir simultanément exister en solution sous quatre degrés d’oxydation différents– et de la radioactivité élevée de tous ses isotopes, qui doivent être manipulés avec énormément de précautions.

Une caractérisation rigoureuse de ces espèces colloïdales apparaissait donc nécessaire, étant donné que la solubilité des colloïdes dépend fortement de la taille des nanoparticules constituant les suspensions. De plus, cette solubilité et les interactions avec l'environnement (dissolution, réactions rédox, adsorption sur des surfaces, complexation…) peuvent être significativement impactées par la spéciation des nanoparticules et la nature chimique de leur surface.

Les techniques de diffusion et/ou d'absorption des rayons X sont très utiles pour sonder la taille et la morphologie des nanoparticules directement dans le milieu dans lequel elles se forment (in situ), et pour étudier la nature de l'interaction des particules (structure locale, spéciation) sans préparer d'échantillon spécifique. Ce sont des techniques idéales pour étudier les systèmes colloïdaux de Pu.

A l’intérieur de la cabine d’expérience de la ligne de lumière MARS

Les propriétés structurales à différentes échelles de taille de colloïdes intrinsèques de Pu(IV) ont ainsi été sondées sur la ligne MARS de SOLEIL. La taille et la morphologie de ces espèces colloïdales ont pu être caractérisées par diffusion des X aux petits angles (SAXS) de façon quasi-simultanée à l’étude de leur structure locale, quant à elle réalisée par spectroscopie d’absorption X (XANES/EXAFS au seuil LIII du Pu).

Deux types de suspensions colloïdales intrisèques stables de Pu(IV) ont été préparées : par hydrolyse de Pu(IV) dans l’eau pure, ou par sonolyse (désintégration par ultrasons) d’une poudre de PuO2 dans de l’eau sous atmosphère réductrice (Ar / (10%) CO).

Les différentes caractérisations permettent de décrire les colloïdes obtenues par hydrolyse comme des nanoparticules cœur-coquille constituées d’un cœur oxyde (PuO2) et recouvertes d’une coquille de Pu(IV) hydrolysé, combinée à des ions nitrate. La sonolyse conduit quant à elle à la formation de structures de 5,7 nm d’épaisseur et de longueur supérieure à 30 nm (Diagrammes SAXS présentés Figure 1a.).

Alors que les colloïdes hydrolytiques sont en accord avec les données préalablement obtenues par microsopie MET-HR, la différence observée pour les colloïdes sonochimiques (10 nm par MET-HR) est probablement liée à l’agrégation des nanoparticules en l’absence d’ions de terminaison. L’analyse des données XANES confirme la prédominance du degré d’oxydation (+IV) pour le plutonium. Les mesures EXAFS comparées à un oxyde type « bulk » de PuO2 et à un cluster de Pu soulignent que la diminution de la taille des particules caractérisées par SAXS est fortement corrélée à (i) une réduction significative des amplitudes des deux sphères de coordination Pu-O et Pu-Pu, et à (ii) une forte distorsion de la sphère de coordination Pu-O (Figure 1b.). Ces deux caractéristiques sont d’autant plus importantes pour les colloïdes obtenus par hydrolyse.

 

Il est important de noter que ce travail a permis de relier quasi-simultanément et pour la première fois, la taille des particules colloïdales sondées par SAXS à leurs propriétés structurales multi-échelles sondées par EXAFS/XANES. Cette approche a par ailleurs permis de discuter les forces et faiblesses des modèles utilisés pour l’ajustement de données EXAFS sur les nanoparticules de type « PuO2 ».

Des expériences futures sont envisagées avec différentes forces ioniques pour clarifier la nature de l’interface de ces nanoparticules et d’approfondir le lien entre la taille des particules et leurs propriétés structurales multi-échelle.

Figure 1:
(a.) Diagrammes SAXS expérimentaux obtenus pour une suspension colloïdale hydrolytique à 10 mM (bleu) et sonolytique à 0.8 mM (rouge). Insert : représentation schématique du meilleur modèle obtenu pour la caractérisation du colloïde hydrolytique.
(b.) Transformées de Fourier du signal EXAFS obtenus pour différents colloïdes intrinsèques de Pu(IV) obtenus par hydrolyse (HC) et par sonolyse (SC) bornées par des données de référence : PuO2 massif (noir) et un cluster d’une nanoparticule Pu38 (rose).