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Le comportement de couches minces de conducteur super ionique LaF3 étudié sous rayonnement synchrotron

Les électrolytes solides sont en pleine expansion, compte tenu de la quantité d’applications potentielles (piles à combustible, super condensateurs, matériaux « actifs », batteries…). Le fluorure de lanthane (LaF3), de structure cristalline très marquée, a souvent servi de modèle de conducteur ionique.

Des couches minces épitaxiées de LaF3 de différentes épaisseurs ont été étudiées sur la ligne de lumière GALAXIES par spectroscopie de photoémission des rayons X de haute énergie (HAXPES). La réactivité et la composition des couches minces de LaF3 ont été suivies temporellement sous irradiation, pulvérisation d’ions Ar+, ce qui permet habituellement d’accéder aux informations sur les couches plus profondes. Une équipe internationale a montré que des sections très pures de LaF3 présentent une interface extrêmement nette avec un substrat de silicium, et réagissent très rapidement en surface sous l’effet de l’irradiation ou du bombardement ionique. S’en suit alors une perte de fluor, une agrégation métallique et une oxydation du lanthane.

Figure 1: Image obtenue par AFM d’une section mince de 40 nm de LAF3 sur un substrat de silicium. Différents types de défauts sont représentés par des flèches (défauts linéaires, A ; dislocations « vis », B ; lacunes, C). Sur la droite, une vue de la maille de LaF3 orientée par rapport au silicium.

Les composés fluorures ont souvent été utilisés comme des modèles du transport ionique, en raison de leur comportement ionique voire super ionique. Ceci est lié à la possibilité de créer des couches et des super réseaux épitaxiés très ordonnés, plans et surtout avec des interfaces très nettes avec les matériaux adjacents aux propriétés de conduction différentes. Il est alors possible d’étudier le rôle fondamental des limites aux interfaces dans le transport ionique. Sur la droite de la figure 1, l’image par microscopie à force atomique d’une section de LaF3 déposée sur du silicium montre une structure cristalline de qualité.  La collaboration internationale de plusieurs équipes de recherche (Italie, Russie, France, Afrique du Sud) a permis de mener des expériences sur la ligne GALAXIES, afin de suivre l’évolution de couches de LaF3 sous irradiation X, bombardement ionique ou encore chauffage. Les résultats de ces travaux ont été récemment publiés dans le Journal of Physical Chemistry.

Figure 2 : HAXPES aux niveaux de cœur La3d5/2, F1s and O1s. Les différentes courbes ont été acquises pour des durées d’irradiation croissantes : 0, 15, 30 min pour La3d5/2, F1s et 44, 88, 176min pour O1s.

Les modifications de LaF3 induites par irradiation X sont visibles sur cette figure. On peut remarquer une perte progressive de fluor à partir de la surface. Même si la couche intacte est pure, la substitution du fluor par l’oxygène suit l’irradiation. Cet effet peut s’expliquer par la grande mobilité de l’oxygène dans les espaces vacants laissés par les ions fluor. Ce procédé semble toutefois assez localisé en surface.  La formation de composé complexe avec l’oxygène en surface est également confirmée par l’étude des niveaux 1s de l’oxygène. La quantité moyenne d’oxygène augmente d’ailleurs presque linéairement au cours du temps, suggérant une réaction entre la surface de La et les résidus gazeux à l’intérieur de la capsule expérimentale après l’irradiation.

 

Effets du bombardement d’ions Ar+

 

L’étude en profondeur de couches minces est généralement faite par bombardement avec des atomes de gaz noble, typiquement l’argon. Les niveaux de cœur de La 3d5/2 et la bande de valence (VB) d’une couche de 40 nm ont été mesurés immédiatement après 15 minutes de bombardement par des ions Ar+. La figure 3 présente les résultats obtenus sous rayonnement synchrotron à flux croissant sous vide. Même 8 minutes d’irradiation suffisent à créer en surface un agrégat métallique de La (courbe en vert sur la figure de gauche). Les mesures dans la bande de valence révèlent une structure associée à du La métallique à 17 et 34,4 eV, qui correspondent respectivement aux niveaux 5p3/2 et 5s du La sous forme métallique. Si l’irradiation se poursuit on observe une oxydation progressive de la surface.

Figure 3 (gauche). Spectres HAXPES des niveaux 3d5/2 d’une épaisseur de LaF3 de 40 nm après 15 minutes de bombardement par Ar+. Energie des photons : 2500 eV.

Figure 3 (droite). Spectres HAXPES de la région de la bande de valence et des niveaux de cœur superficiels pour une incidence rasante après 15 minutes de bombardement par Ar+.

 

On peut remarquer que 30 minutes après le bombardement, les structures qui s’apparentent à des métaux sont plus prononcés que juste après le bombardement. Ceci semble indiquer que la migration et l’agrégation du La en surface sont des processus dynamiques sous le faisceau de rayons X, par analogie avec la surface non bombardée.

 

 

Ces résultats suggèrent que la caractérisation en profondeur par bombardement ionique n’est pas si évidente ; toutes les données acquises devraient faire l’objet d’analyses comparatives, si l’on veut déterminer la composition en volume d’une couche de fluorure. Des conclusions erronées peuvent facilement être imaginées dans le cas contraire.

Sur la base de ces arguments, on peut imaginer utiliser des traitements d’échantillon (irradiation sous rayons X, bombardement ionique, cycle de chauffe) pour modifier et ajuster les propriétés d’un système fluoré, ce qui pourrait donc avoir une influence sur les propriétés de transport ionique du matériau.