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La nanofabrication « bottom-up » par superposition de films de copolymères à blocs

Les copolymères à blocs (en anglais : Block copolymers, BCP) sont omniprésents dans notre vie quotidienne en entrant par exemple dans la composition de produits tels que les rubans adhésifs et les cosmétiques. Ces macromolécules sont produites en combinant deux chaînes polymères chimiquement distinctes (les "blocs"), qui peuvent être incompatibles (comme l'huile et l'eau). À l'échelle nanométrique, la ségrégation de ces blocs produit des structures complexes. Les BCP peuvent être utilisés en nanofabrication avec des applications phares en lithographie et en optique.

Néanmoins, la gamme de motifs géométriques obtenus est limitée et la superposition de couches de BCP pourrait permettre de l’enrichir.

Depuis son avènement dans les années 1960, l'industrie des semi-conducteurs a vu le nombre de transistors présents sur une puce de microprocesseur doubler tous les deux ans. Connue sous le nom de loi de Moore, elle s’accompagne d’une diminution de la dimension des transistors extrêmement forte, passant de 10 μm en 1971 à 14 nm à ce jour. La miniaturisation des circuits intégrés nous permet de disposer d'appareils électroniques plus rapides, plus petits et moins chers. Toutefois, l'évolution de l'électronique grand public avec le développement de l'Internet des objets, conjuguée au rétrécissement de la fenêtre des capacités de lithographie optique, a placé l'industrie des semi-conducteurs à la croisée des chemins. De nouveaux matériaux et procédés sont nécessaires et des méthodologies de structuration complémentaires descendante (“top-down” : composant fabriqué par « découpage » d’un matériau) et ascendante (“bottom-up” : composant fabriqué par assemblage de sous-unités de base) sont explorées pour poursuivre la loi de Moore.

Parmi celles-ci, l'auto-assemblage de BCP en couche mince est une méthode élégante pour générer des motifs à l'échelle nanométrique. En combinant les méthodes d'assemblage dirigé et d'hybridation, la nanofabrication « bottom-up » a été appliquée à la conception de structures fonctionnelles avec des applications phares en lithographie et en optique ; les approches « bottom-up » utilisent des processus chimiques ou physiques pour auto-assembler spontanément et organiser des atomes, molécules ou « briques de construction » de taille nanométrique en structures ordonnées à plus grande échelle.

Néanmoins, la gamme de configurations géométriques est limitée par les morphologies accessibles, qui sont inhérentes au processus de minimisation de l'énergie impliqué dans l'auto-assemblage des BCP. La stratification de films minces BCP nanostructurés a été récemment proposée afin d'enrichir l'étendue des motifs géométriques obtenus.

Dans ce travail, les scientifiques ont poussé encore davantage l’exploitation de la méthode couche par couche pour générer des réseaux de nano-grilles en utilisant des films BCP nanostructurés. Ils ont tiré parti d’une combinaison subtile de forces motrices chimiques et topographiques afin de démontrer des règles de conception pour l’empilement contrôlé de couches de BCP, grâce notamment au réglage précis de l’énergie interfaciale entre les couches.

En particulier, ils ont démontré que la modification de l'énergie interfaciale entre les deux couches conduit à une disposition orthogonale ou colinéaire de la couche supérieure de BCP par rapport à la couche sous-jacente (Figure 1).

Figure 1 : Images par microscopie électronique à balayage de 2 configurations entre les couches superposées produites par auto-assemblage de BCP en film mince : (a) configuration orthogonale et (b) configuration colinéaire. Les encarts en haut à droite représentent les structures idéalisées et les FFT (transformées de Fourier rapides). Barres d'échelle : 500 nm

Plus précisément, la définition de configurations "légèrement" affines ou "totalement" neutres génère différents réseaux de nano-grilles pour lesquels l’empilement des domaines BCP de la couche supérieure est dicté par la conjonction des forces motrices chimiques et topographiques.

Les expériences de diffusion des rayons X aux petits angles en incidence rasante (GISAXS) réalisées sur la ligne SIRIUS ont été utilisées pour caractériser les différents réseaux de nano-grilles afin de retrouver les configurations expérimentales des deux couches superposées et leurs tailles caractéristiques en fonction des configurations "légèrement" affines ou "totalement" neutres (Figure 2). En particulier, les données GISAXS confirment, dans les deux cas, la formation de réseaux de nano-grilles hautement ordonnés constitués de motifs de type « ligne & espace » d'une période de 30 nm.

Figure 2 : Clichés GISAXS 2D des configurations (a) orthogonales et (b) colinéaires entre les couches superposées. La séquence des tiges de Bragg confirme, pour ces 2 configurations, la formation de motifs de type « ligne & espace » d'une période de 30 nm

Ce travail élargit l'étendue du contrôle de l'auto-assemblage de couches empilées de BCP en jouant sur les méthodes d’orientation chimique et topographique. En conséquence, de nouvelles avancées dans la fabrication précise de structures complexes à l'échelle nanométrique sont attendues en utilisant cette méthode d'empilement itératif, avec des applications potentielles en lithographie, en optique ou dans les processus de séparation.