Des chercheurs de la Fundación Instituto Leloir en Argentine et des lignes PROXIMA-1 et PROXIMA-2A à SOLEIL ont décrit, à l’échelle moléculaire, les changements de conformation déclenchés par un capteur de lumière présent dans la bactérie responsable de la pourriture noire chez les plantes crucifères. L'étude, publiée dans la revue "Science Advances", décrypte les mécanismes généraux qui sous-tendent la photoréception bactérienne et jette les bases du développement futur de stratégies contribuant au contrôle de ce parasite responsable de grandes pertes agricoles.
C’est une première : une équipe de scientifiques argentins a réussi à caractériser au niveau moléculaire les différents états adoptés par une protéine qui fonctionne comme un capteur de lumière rouge dans la bactérie Xanthomonas campestris pv. campestris. Ce micro-organisme est responsable de la pourriture noire, une maladie qui génère d'énormes pertes économiques sur les cultures de crucifères telles que le brocoli, le chou de Bruxelles, le chou, le chou-fleur et le radis. Dans de précédentes études, l'équipe avait établi que ce photorécepteur régule la virulence de la bactérie pathogène en réponse aux changements de la lumière environnante.
Bien que l'équipe de chercheurs, dirigée par Hernán Ruy Bonomi, Jimena Rinaldi et Lisandro Otero, (laboratoire de microbiologie et d'immunologie moléculaires, Fundación Instituto Leloir) ne travaille pas directement sur des stratégies antimicrobiennes contre Xanthomonas, leur description des changements à l'échelle atomique qui se produisent dans ce capteur de lumière pourra servir à d'autres scientifiques pour concevoir des stratégies d'interférence visant à réduire sa virulence.
La conformation structurale du photorécepteur du bactériophytochrome "XccBphP" a pu être décrite dans deux états différents et un modèle a été construit pour son cycle réversible de conversion des photons (Figure 1). Dans l'état dit "Pr", c’est sous forme d’un dimère parallèle que XccBphP absorbe la lumière rouge, tandis que dans l'état "Pfr", il adopte une forme de dimère antiparallèle pour absorber la lumière rouge lointaine. Il a également été démontré, à l'aide de tests biologiques, que les changements de conformation de ce récepteur de lumière ont des effets sur la virulence de X. campestris.

Figure 1 : Modèle proposé de photoconversion de XccBphP. Les structures schématiques de Pr et Pfr sont représentées dans les encadrés à gauche et à droite, ainsi que les 7 étapes hypothétiques de photoconversion par la lumière rouge/rouge lointain (i à vii).
Pour décrire en détails ce système transducteur photosensoriel, les scientifiques ont appliqué des approches biophysiques, biochimiques et informatiques telles que la diffusion de la lumière, la spectroscopie UV-Visible, la réticulation, la spectrométrie de masse, les simulations de dynamique moléculaire et la cristallographie aux rayons X, une technique très puissante pour déterminer la structure des protéines. Toutes les informations cristallographiques ont été collectées sur les lignes PROXIMA-1 et PROXIMA-2A à SOLEIL.

Figure 2 : Dans la loupe sont représentées les deux principales structures cristallographiques de l'étude. A gauche, XccBphP dans son état Pr (données collectées sur PROXIMA-1) ; à droite : état Pfr (données PROXIMA-2A).
La description moléculaire du photorécepteur XccBphP permet de comprendre l'une des plus grandes énigmes concernant le mécanisme fonctionnel des phytochromes et ouvre un nouvel horizon dans la caractérisation des processus qu'ils régulent, non seulement chez les bactéries mais aussi chez les plantes, les champignons et les algues, où ils sont largement répandus.
L'équipe argentine a déjà réalisé un grand nombre d'expériences à SOLEIL pour plusieurs projets depuis la signature d'un accord de coopération entre le synchrotron et le ministère argentin des Sciences en 2011.