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Des larves de poisson-zèbre pour tester la toxicité rénale d’un antibiotique

La toxicité rénale est un aspect important à évaluer quand un nouveau médicament est testé. Pour étudier cette toxicité, des essais sur des cellules in vitro sont souvent utilisés. Malheureusement, la transposition des résultats de ces essais cellulaires aux vertébrés reste un défi. C’est pourquoi des scientifiques de l’Université de Bâle ont étudié la possibilité d’utiliser les larves de poisson-zèbre comme modèle vertébré pour détecter les changements induits dans les organes rénaux par un antibiotique, la gentamicine.

Pour visualiser la toxicité rénale induite par la gentamicine, ils ont utilisé la microtomographie X sur synchrotron (SRμCT) sur la ligne de lumière ANATOMIX de SOLEIL. Cette méthode permet d'obtenir des représentations 3D des structures rénales avec une résolution micrométrique, sans qu'il soit nécessaire de marquer préalablement les organes étudiés.

Notamment parce que l'unité fonctionnelle du rein du poisson-zèbre est très proche de l'anatomie humaine, ses larves sont bien adaptées à l'étude chez l’Homme des aberrations morphologiques rénales et constituent un modèle prédictif des lésions rénales aiguës. De plus, cet « organisme modèle » est optiquement transparent pendant les premiers stades de son développement, et peut être utilisé comme une alternative aux expériences sur les animaux chez les vertébrés supérieurs, conformément aux principes 3R du bien-être animal*. Chez le poisson-zèbre, l'utilisation de toxines rénales comme la gentamicine induit des lésions rénales aiguës, telles des dommages cellulaires des tubules rénaux (ce sont les structures qui apparaissent en vert sur l’image de larve de poisson-zèbre en figure 1). Ces lésions comprennent une entrave au développement de ces tubules, leur élargissement et leur nécrose.

La gentamicine est un médicament appartenant à la classe d'antibiotiques appelée aminoglycosides qui, chez l'Homme, sont toxiques pour les reins et l'oreille interne. Les aberrations morphologiques rénales induites par la gentamicine ne sont donc pas spécifiques aux larves de poisson-zèbre. Les scientifiques suisses ont évalué et suivi l'impact de la gentamicine sur l'anatomie rénale des larves de poisson-zèbre et ont extrapolé les résultats à la structure rénale des souris. Pour leurs études en microscopie utilisant la lumière visible, ils ont utilisé des lignées de poisson-zèbre génétiquement modifiées de façon à ce qu'une partie de leurs structures rénales (glomérules) produise une protéine fluorescente verte (GFP), ce qui facilite la visualisation des lésions potentielles de ces structures lorsqu'elles sont analysées par microscopie confocale à balayage laser.

Figure 1 : Représentation schématique de la conception de l'étude. Une comparaison entre la microscopie confocale et la microtomographie à rayons X de larves de poisson-zèbre et de biopsies rénales de souris révèle des effets similaires de la gentamicine, une néphrotoxine, chez ces deux espèces.

Mais dans les reins des larves de poisson-zèbre traitées à la gentamicine, le signal fluorescent de la GFP disparaît en raison des effets néphrotoxiques de l'antibiotique. Les chercheurs ont donc également eu recours à une autre technique d'analyse : la SRμCT, mise en œuvre sur ANATOMIX.

Des larves de poisson-zèbre et des souris, traitées et non traitées à la gentamicine, ont été imagées sur la ligne ANATOMIX. La comparaison des images de microtomographie X a révélé des effets similaires de la néphrotoxine chez les deux espèces (figure 1). En particulier, l'étude a révélé une similitude entre les aberrations morphologiques dans les larves de poisson-zèbre et les reins de rongeurs.
La microtomographie X a par ailleurs permis d'obtenir des images en 3D des organes de larves de poisson-zèbre non génétiquement modifiées pour produire la GFP (Figure 2) et des organes de souris, et ce jusqu'à l'échelle des cellules individuelles.

Figure 2 : La microtomographie X permet d'obtenir des images de larves de poisson-zèbre à une échelle de précision de l’ordre du micromètre (barre d'échelle : 500 µm). Il est ainsi possible de visualiser les effets néphrotoxiques de la gentamicine (images à droite, "Gent traited").
1 = œil, 2 = bouche, 3 = tissus musculaires, 4 = nerf optique, 5 = otolithes, 6 = foie, 7 = notochorde, 8 = cerveau postérieur, 9 = cerveau moyen, 10 = cerveau antérieur, 11 = intestin, 12 = cœur.

 

Les scientifiques ont conclu que les larves de poisson-zèbre pouvaient servir de modèle intermédiaire pour faciliter l'extrapolation aux mammifères de résultats obtenus sur des cultures de cellules.

Cette approche peut donc être utilisée pour identifier des néphrotoxines potentielles dans le cadre de la découverte de médicaments ou des sciences de l'environnement.

 

*Règle des 3R :  https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_des_3_R