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Des ballons de foot moléculaires dans l'espace - s'agit-il vraiment de ballons ?

Parmi plus de 200 molécules détectées dans l'espace, le buckminsterfullerène (C60) est extraordinairement élégant et symétrique avec sa forme de ballon de football. Exposé aux rayonnements ultraviolets intenses de l’espace interstellaire, le buckminsterfullerène tend à s'ioniser (perte d’un électron). 
Des chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de l’Université de Leiden (Pays-Bas) et de la ligne DESIRS ont étudié la dynamique d'ionisation des molécules C60 par les photons ultraviolets de haute énergie (VUV) de cette ligne de lumière. Les signatures spectrales des molécules C60+ ionisées révèlent qu'après avoir perdu un électron, la cage de carbone commence à se contracter dynamiquement et donc à perdre sa symétrie sphérique.

Les molécules interstellaires sont naturellement exposées à des rayonnements ultraviolets intenses, ce qui a pour effet de les décomposer ou les ioniser. Avec sa forme de ballon de football (une cage fermée comprenant des pentagones entourés d'hexagones, voir Figure 1) la structure du C60 est très robuste, c’est pourquoi cette molécule tend à s'ioniser après avoir interagi avec les photons interstellaires.

Des chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de l’Université de Leiden et de DESIRS ont étudié la dynamique d'ionisation des molécules C60 par des photos VUV (vacuum ultraviolet – UV de haute énergie). En analysant les photoélectrons les plus lents (dits de seuil) produits lors de l'ionisation du C60, ils ont pu mesurer les signatures spectrales des molécules ionisées C60+. L'analyse du spectre a révélé qu'après avoir perdu un électron, la cage de carbone commençait à se contracter dynamiquement et donc à perdre sa symétrie sphérique.

L'électron perdu provient d'une orbitale moléculaire située dans une ceinture imaginaire autour de la structure sphérique du C60. Ainsi, lorsqu'un électron est perdu, le reste de la molécule tente de « remplir le vide » et se dilate pour récupérer la densité électronique perdue. Lorsque la molécule C60 s'ionise, elle passe donc d'une forme de ballon à celle d'une sphéroïde aplatie. Comme un ballon de foot après qu’il ait été frappé.

Bien que ce phénomène ait été documenté auparavant, il semble y avoir un désaccord clair entre les mesures et les calculs, avec une différence dans la symétrie finale du « ballon frappé ». Les calculs prédisent deux structures différentes, l'une étant légèrement plus stable que l'autre. Or, les mesures effectuées sur DESIRS montrent que c’est la symétrie la moins stable qui est favorisée en phase gazeuse. 

Le raisonnement expliquant ce désaccord n'est pas établi, mais la contribution de la température du C60 dans cette expérience ne peut pas être écartée. D'un autre côté, le C60 est une molécule très grande et complexe à décrire par le calcul. C'est pourquoi en vue de futures études computationnelles, d’autres données mesurables ont été obtenues, telles que des sections efficaces de photoionisation partielle et des paramètres d'anisotropie des photoélectrons éjectés, qui pourront être utilisés comme étalons pour guider de futurs calculs.

Figure 1. Ionisation des molécules de C60 par le rayonnement de photons VUV dans l'espace. Deux des bandes de photoélectrons de plus basse énergie sont étudiées en détail dans cette étude. Les photoélectrons les plus lents forment le spectre de photoélectrons de seuil qui dévoile la symétrie caractéristique du C60+ gazeux.

Outre la dynamique fondamentale d'ionisation du C60, ces travaux pourraient aussi avoir un impact sur d'autres domaines de recherche en astrophysique. En particulier, on peut citer les recherches sur les bandes interstellaires diffuses (BID), un ensemble de pics d'absorption interstellaires dont les origines (moléculaires) sont restées mystérieuses depuis près d'un siècle.

Récemment, quatre des BID connues ont été attribuées à des transitions dans l'ion C60+, ce qui était très surprenant sachant que la molécule la plus complexe détectée jusqu'à présent dans le milieu interstellaire diffus était le C3. Bien que cette attribution soit relativement certaine, les origines de ces transitions ne le sont pas. C'est là que la symétrie de la molécule prend de l'importance en raison de son lien intrinsèque avec les excitations / transitions qui sont à l’origine des spectres des molécules. Les scientifiques espèrent que ces résultats pourront aider à faire la lumière sur ces transitions et à comprendre où trouver les autres molécules qui donnent les BID.

Cette étude a été publiée dans PCCP et sélectionnée pour la quatrième de couverture du journal.