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Comment les armures anciennes étaient-elles fabriquées ? Etude de productions d’un célèbre atelier du XVIe siècle

Depuis plusieurs années des recherches interdisciplinaires sur l’armement sont réalisées afin d’interroger la place des armes dans les sociétés anciennes à travers l’étude de la matière. Les méthodes d’analyses physico-chimiques permettent en effet –de préciser la nature et l’origine des matériaux employés ainsi que les savoirs techniques, des données cruciales du point de vue de l’histoire de l’art mais aussi de l’histoire économique et des techniques -. Dans ce cadre, un certain nombre de pièces d’armures nurembergeoises issues des collections du musée de l’Armée et une grande armure du musée des Beaux-arts de Rennes ont été étudiées par diffraction des rayons X sur la ligne DIFFABS à SOLEIL.

Les études matérielles d’armures anciennes étaient jusqu’à présent limitées à des analyses métallographiques, qui consistent à déterminer la microstructure d’échantillons métalliques polis par observation au microscope optique. -Ces investigations ont permis de mettre en évidence l’emploi d’alliages ferreux de teneurs en carbone variées, ainsi que des traitements thermiques spécifiques pour durcir le métal. - Si elles révèlent des informations précieuses sur la nature des alliages utilisés, –ces analyses ont le désavantage de nécessiter la réalisation de prélèvements de quelques millimètres sur les objets, qui ne peuvent évidemment être découpés qu’aux endroits les plus cachés des pièces. De plus, elles ne permettent de rendre compte que d’une vision partielle de la nature des matériaux à l’échelle des pièces complètes.

Pour y remédier, des techniques non invasives comme la diffraction des rayons X sont bien adaptées pour identifier la présence de différentes structures cristallines, caractéristiques des alliages ferreux, telles que la ferrite ou la cémentite (Fe3C). Dans ce but, des mesures par diffraction des rayons X ont été réalisées sur la ligne DIFFABS (Figure 1).

1 - Emilie Bérard, post-doctorante au LAPA/IRAMAT (CNRS/CEA) positionne un élément d’armure (cuissard) pour les mesures par le diffractomètre de DIFFABS

La géométrie complexe des pièces d’armures a nécessité la mise en place d’un montage et d’une méthodologie adaptés à l’analyse de ce type d’objet.  Cette méthodologie a ensuite été appliquée pour l’étude exceptionnelle d’une dizaine de pièces, dont une grande armure issue du musée des Beaux-Arts de Rennes, toutes frappées du poinçon du célèbre atelier nurembergeois de Valentin Siebenbürger et déposées à cette occasion par le musée de l’Armée qui en assure la garde.

Figure 2 :  Vue globale du montage d’analyse, avec au centre un casque positionné pour les mesures de diffraction.

L’acquisition rapide des diffractogrammes a permis de multiplier les analyses sur un même objet afin d’estimer la variabilité des alliages utilisés (teneur en carbone, traitements thermiques...) à l’échelle de chaque pièce. Des hétérogénéités relatives à la nature du métal, révélées par des variations d’intensité et de forme des pics de certaines phases (cémentite et ferrite), ont ainsi été mises en évidence et soulèvent de nouvelles interrogations quant aux procédés de mise en forme des armures.

Figure 3 : Exemple de diffractogrammes enregistrés sur la ligne DIFFABS à deux positions distinctes d’un même gantelet

Le croisement des données récoltées par la diffraction des rayons X et par les autres techniques d’analyse (spectrométrie de fluorescence X, analyses métallographiques et inclusionnaires d’échantillons de métal par microscopie optique,  microscopie électronique à balayage, spectrométrie de masse couplée à l’ablation laser…) mais aussi avec les sources historiques apportera des éléments de réflexion inédits sur des enjeux non élucidés, relatifs à l’organisation du travail au sein d’un atelier, les choix en matières premières opérés par les fabricants pour garantir la qualité du produit fini en fonction de son usage, et les modalités de contrôles de celle-ci.

Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’un programme de recherche incluant les laboratoires listés à droite, et bénéficiant du soutien financier de la Fondation des Sciences du Patrimoine.