Comment un neurochirurgien peut-il être sûr qu'il a bien enlevé toute la tumeur cérébrale de son patient, tout en préservant les tissus sains, lorsqu'il opère ? Pour l'y aider, des chercheurs et médecins collaborent pour mettre au point une caméra capable de distinguer avec fiabilité pendant l'opération, les cellules saines des cellules malades. Pour cela, elle va analyser la fluorescence naturellement émise par les tissus, riche en informations, et comparer le résultat à une banque de données, avant de donner son verdict final : tissu sain ou tissu tumoral. Pour constituer cette base de données, les chercheurs viennent, entre autres, au synchrotron SOLEIL, sur la ligne DISCO, pour établir les caractéristiques des différents types de cellules dans l'ultraviolet.
Remerciements :
- Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, l'AAP (2012-2014-2016/ MEVO & IMOP) - PLAN CANCER
- Agence Nationale pour la Recherche au titre du programme « Investissements d’avenir » - FLI
- Mission pour l’interdisciplinarité « l’instrumentation aux limites » - CNRS
- Plateforme « PIMPA », Paris Sud
- Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité
- Laboratoire IMNC-UMR 8165-CNRS/IN2P3, Université Paris-Saclay
Un grand MERCI au Professeur Bertrand Devaux qui est co-porteur de ce projet depuis le début, et à Pascale Varlet, neuropathologiste.
Cette vidéo a été en partie tournée au Centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris.
Lumière sur les cellules tumorales
Transcription Audio
VOIX OFF
Cette chercheuse est venue ce matin au bloc opératoire pour récupérer un échantillon de cerveau provenant d’un patient. Ici, à l’hôpital Sainte-Anne, rien d’anormal. Car depuis maintenant 6 ans, un projet de recherche est en cours pour faciliter l’extraction de tumeurs cérébrales.
Johan Pallud - neurochirurgien au Centre Hospitalier de Sainte-Anne à Paris
La tumeur que l’on a opérée aujourd’hui fait partie d’un gliome infiltrant : c’est-à-dire une tumeur cérébrale qui envahit le cerveau et n’a pas de limites propres. Et la difficulté est de retirer le cerveau malade en préservant les zones importantes, que l’on dit « éloquentes », pour ne pas aggraver l’état du patient. Clairement à l’œil nu ou au microscope opératoire, qui est une loupe grossissante, on n’a aucun moyen de voir l’infiltration tumorale à l’échelon cellulaire.
VOIX OFF
Malgré son expertise et son savoir-faire, le chirurgien ne peut distinguer, au cours de l’opération, les limites exactes de la tumeur. Pour s’assurer que toutes les cellules tumorales ont bien été retirées du cerveau, des tissus sont alors prélevés puis soumis à l’œil expert d’une neuropathologiste pour un examen microscopique. Mais cette vérification intervient APRES l’opération…
C’est pourquoi, la chercheuse Darine Abi Haidar, en collaboration avec les médecins de l’hôpital Sainte-Anne, a décidé de mettre au point nouvel outil capable de guider les chirurgiens lors de leurs interventions et de leur dire, en temps réel, s’ils se trouvent face à un tissu sain ou tumoral.
Darine Abi Haidar - enseignante-chercheuse en physique (Paris 7 – IMNC)
Nous avons pensé à aider le médecin pendant l’opération à l’aide d’une fibre que l’on introduit dans un outil qu’utilise d’ordinaire le médecin, qui est le trocart. En fait, c’est une caméra.
VOIX OFF
Cette caméra miniature de haute résolution doit être simple d’utilisation mais doit également être capable de distinguer avec fiabilité les cellules saines des cellules malades. Pour cela, elle va analyser la fluorescence naturellement émise par les tissus, riche en informations, et comparer le résultat à une banque de données, avant de donner son verdict final : tissu sain ou tissu tumoral.
Tous les échantillons de cerveau prélevés au bloc vont justement servir à constituer cette banque de données. Et pour exploiter au mieux les informations contenues dans ces tissus – notamment celles apportées par la fluorescence – les échantillons vont subir 3 séries d’analyses : à l’hôpital, à Orsay sur la plateforme d’imagerie PIMPA, puis au synchrotron SOLEIL. Là, sur la ligne DISCO, cellules saines et cellules cancéreuses vont livrer leurs caractéristiques dans l’ultraviolet.
Darine Abi Haidar
Par exemple, c’est une coupe de la tumeur. Là [PIMPA] c’est le résultat de ce que l’on obtient quand on excite dans l’infrarouge, où l’on peut avoir des informations spatiales très intéressantes sur la nature de chaque tissu. Ces informations sont complétées par les images acquises au synchrotron SOLEIL, dans l’ultraviolet, qui permettent d’avoir des informations plus précises sur chaque composant de cet échantillon.
À SOLEIL, aussi, en plus de la réponse spectrale, on peut avoir une image en plein champ donc une image globale de notre échantillon.
Live (D A.-H.) : Ce qui serait pas mal c’est que cette nuit tu passes 4 tumeurs rares. On essaye de ne faire que la fluorescence vraiment très bien – la suite de ce que dit D.A-H est couvert par la voix off : avec les 4 filtres on regarde les différentes molécules, et après tu peux passer sur le spectral (…)
VOIX OFF
Grâce à la ligne DISCO, une carte d’identité moléculaire sera clairement établie pour chaque type de tumeur et viendra compléter les informations glanées par les autres instruments. A ce jour, plus de 250 échantillons de tumeurs ont ainsi été analysés et caractérisés avec finesse, chacun venant compléter la bibliothèque de données et enrichir la mémoire de la caméra.
Johan Pallud
Le « produit fini » entre guillemets, ce serait un outil utilisable soit tenu en main, comme un stylo ou un stylet, soit tenu par un porte-instrument. Après, l’idée est d’appliquer cette sonde contre le tissu pour lequel on se pose la question : « reste-t-il, à cet endroit-là, de l’infiltration tumorale ? » et d’avoir en temps réel un retour d’information nous disant « signal normal » ou « signal anormal », c’est-à-dire : infiltration tumorale.
VOIX OFF
Au final, l’outil pourrait ressembler à ça : une fibre optique introduite dans un trocart, qui s’allumerait en vert pour indiquer la présence de tissu sain et en rouge pour signaler au chirurgien des cellules cancéreuses à extraire.
Darine Abi Haidar
Le prototype qui existe depuis 2 ans, on va l’amener au bloc pour faire les premiers tests sur la taille du stylo, pas mal d’aspects techniques…
On espère d’ici maximum deux ans avoir des choses plus concrètes, que ce soit ou bloc opératoire (sur l’outil) ou sur la banque de données. Mais jusqu’à maintenant le projet a pris un élan très important et a bien avancé.