Il existe mille et une façons de scruter la matière avec la lumière, pas seulement celle que notre œil perçoit, mais aussi les lumières invisibles, l'infrarouge, l'ultraviolet et les rayons X. Ce sont les lumières que produit le synchrotron SOLEIL avec une exceptionnelle brillance, ce qui permet aux chercheurs de voyager dans l'infiniment petit, au cœur des molécules et des atomes. Pour réaliser leurs expériences, ils placent les échantillons au bout des lignes de lumière, comme des cibles. Chaque ligne est spécialisée dans un domaine d'énergie, ou de longueur d'onde, ce qui revient au même, et les analyses reposent sur l’interaction de la lumière avec la matière. Dans ce film, découvrez les lignes de lumière SMIS, DISCO, PROXIMA-1 et SWING, et les modes d'interaction lumière-matière qui y sont exploités pour, entre autres, la biologie.
Les lumières de SOLEIL pour la biologie
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Il existe mille et une façons de scruter la matière avec la lumière, pas seulement celle que notre œil perçoit, mais aussi les lumières invisibles, l'infrarouge, l'ultraviolet et les rayons X.
Ce sont les lumières que produit le synchrotron SOLEIL avec une exceptionnelle brillance, ce qui permet aux chercheurs de voyager dans l'infiniment petit, au cœur des molécules et jusqu’aux atomes.
Pour réaliser leurs expériences, ils placent les échantillons au bout des lignes de lumière, comme des cibles. Chaque ligne est spécialisée dans un domaine d'énergie, ou de longueur d'onde, ce qui revient au même, et les analyses reposent sur la façon dont la lumière interagit avec la matière.
Parmi les nombreux modes d’interaction, nous allons en présenter 4.
D'abord le rayonnement infrarouge. Il a la propriété de faire vibrer les molécules de l'échantillon qu'il éclaire. Chaque molécule entre en résonnance à une longueur d'onde spécifique, qui est alors absorbée. On voit au ralenti la molécule absorber le rayonnement infrarouge. L'enregistrement de la lumière absorbée, en fonction de sa longueur d’onde, permet d'obtenir la composition chimique de l'échantillon. C'est la spectroscopie d'absorption.
La spectroscopie d’absorption existe aussi en ultraviolet. Mais nous allons nous intéresser à une autre technique : la fluorescence.
Quand un échantillon est éclairé par un rayonnement d’énergie plus élevée que les infrarouges, il est absorbé, et certains électrons passent sur un niveau d’énergie supérieur. La désexcitation peut alors se faire en restituant une lumière de plus grande longueur d’onde que celle du rayonnement incident, dite lumière de fluorescence. Les longueurs d’onde restituées sont caractéristiques des atomes de l'échantillon dans le cas des rayons X, ou des molécules pour les ultraviolets.
C'est la spectroscopie de fluorescence.
Enfin les rayons X, avec lesquels on peut faire –entre autre- de la spectroscopie d’absorption, de la fluorescence et de la diffraction. C’est de cette dernière technique dont nous allons parler.
Lorsqu'ils frappent la matière, certains photons X sont diffusés par le nuage électronique des atomes. L'enregistrement de leur trace sur un détecteur permet de remonter à la cartographie des atomes dans l'échantillon. Dans un échantillon « désordonné », les photons X sont diffusés dans toutes les directions. Quand l'échantillon est cristallisé, c'est-à-dire ordonné à l’échelle atomique, les photons X suivent des directions préférentielles ; on parle alors de diffraction.
Nous allons maintenant analyser un échantillon de matière vivante sur quatre lignes de lumière du synchrotron SOLEIL qui utilisent les différentes lumières : SMIS, DISCO, PROXIMA 1 et SWING.
Commençons par la ligne SMIS
Trois appareils équipent le poste de spectrométrie infrarouge : le dispositif de conditionnement du faisceau dans lequel celui-ci est rendu parallèle, le spectromètre où il est modulé, et le microscope où il est focalisé sur l'échantillon avant d'être analysé.
Le spectre obtenu montre des pics d’absorption qui permettent d’établir la composition chimique de l’échantillon. Par exemple ce spectre d'une coupe de tissu de foie montre les liaisons caractéristiques des protéines et des lipides. L'étude du spectre est souvent complétée par l'imagerie. L’image de la répartition du composé est ainsi superposée à celle de la microscopie optique afin d'obtenir la carte chimique de l'échantillon. Les plus petits détails sont de l'ordre de 5 micromètres, c'est-à-dire 5 millièmes de millimètre, à peu près la moitié de la taille d'une cellule humaine. Ici, les cellules gorgées de graisse indique une stéatose du foie.
On voit tout l'intérêt de cette méthode qui, à partir de petits prélèvements de tissus, permet de détecter à un stade précoce la présence de cellules malades. Cette maladie a-t-elle évolué vers la fibrose ? Pour le savoir, il faut voir plus en détails, changer de technique et de lumière et aller sur la ligne DISCO.
Nous sommes au bout de la ligne de lumière DISCO,
Sur le poste d'imagerie de fluorescence UV. Le rayonnement traverse d'abord la chambre à miroirs, puis le monochromateur qui sélectionne la longueur d’onde désirée, avant d'aboutir au microscope où il éclaire l’échantillon par le bas.
L'échantillon absorbe l'énergie des UV et la restitue partiellement sous forme de fluorescence de plus grande longueur d’onde. Les longueurs d’onde réémises sont caractéristiques des molécules d’intérêt. La fluorescence, le rayon vert ici, est collecté vers le bas, par le même objectif, puis renvoyé vers la caméra, qui produit une image.
Cette image fait suite à l'étude réalisée sur SMIS en infrarouge. Nous sommes descendus à une résolution de 150 nanomètres, bien en deçà de la taille d'une cellule humaine. On voit le collagène qui, sous excitation synchrotron ultraviolette, fluoresce dans le bleu. Le collagène est la protéine qui confère aux tissus leur résistance mécanique dans un organisme. L'imagerie de fluorescence UV permet de le localiser très précisément et de vérifier s'il n'est pas en excès, ce qui serait le signe d'un début de fibrose.
C'est un outil essentiel en biologie, car il permet d'étudier à l'intérieur d'une cellule les différents acteurs biologiques, comme les protéines. Si maintenant, on cherche à connaitre la structure même d'une protéine, il faut voir encore plus petit, changer de technique et de lumière et aller, par exemple, sur la ligne PROXIMA 1.
La ligne PROXIMA 1 utilise les rayons X
pour déterminer la structure en trois dimensions des macromolécules biologiques, notamment des protéines.
L'expérience implique que l’échantillon, placé dans fine boucle à l’extrémité d’une fine aiguille, soit préalablement cristallisé. C’est la condition indispensable pour que le faisceau X qui frappe l’échantillon soit diffracté. L’échantillon est conservé sous un jet d’azote gazeux à -170°C, afin de ralentir les dommages dus à l’irradiation par les rayons X. L’impact des rayons diffractés est enregistré sur le détecteur.
Chaque image de diffraction est composée de taches qui constituent "l'empreinte digitale" de l’échantillon cristallisé ; elles sont caractéristiques de la structure atomique des protéines.
De l’enregistrement de ces taches, on calcule la position des nuages électroniques de la protéine, et donc celle de ses atomes. On peut alors construire un modèle de la structure 3D de la protéine, en connaissant préalablement sa séquence, c’est-à-dire l'enchainement des acides aminés qui la constituent. Finalement, on modélise sa structure 3D complète à une résolution proche de l'Angström, c'est la haute résolution, la résolution atomique.
La structure d’une protéine est un agencement complexe de feuillets et d’hélices. C’est grâce à cet agencement très précis que la protéine peut accomplir sa fonction chez les organismes vivants. D’où l’importance de cette technique pour comprendre certaines maladies et concevoir des médicaments appropriés.
Mais, pour savoir comment les protéines interagissent avec d'autres protéines, ou étudier leur changement de structure sans les contraintes de la cristallisation, il faut changer de technique et aller sur la ligne SWING.
SWING utilise les rayons X,
comme PROXIMA. Ce n'est donc pas la lumière qui change, mais la préparation de l'échantillon, qui n'est pas cristallisé. Les protéines sont ainsi dans des conditions proches de celles du milieu cellulaire. L'échantillon circule dans un capillaire très fin qu'on aperçoit dans cette cavité. Le faisceau X incident qui frappe l'échantillon de protéines est légèrement dévié. Il ne s'agit pas de diffraction car la solution est désordonnée, mais de diffusion. La ligne SWING est spécialisée dans la diffusion des rayons X aux petits angles, une technique qu'on nomme également SAXS.
SAXS : Small-Angle X-ray Scattering
Il faut maintenant enregistrer la figure de diffusion sur un détecteur qui se trouve dans cette immense cuve cylindrique où règne le vide. Comme les rayons sont quasi-parallèles, le détecteur est reculé jusqu'au fond pour accéder à de très petits angles de diffusion. C’est une caméra qui enregistre point par point l'impact des photons X. La figure représente l’intensité des photons, sur une échelle de couleurs, en fonction de l'angle de diffusion. Elle traduit l’organisation des atomes et des molécules de l'échantillon. L’information structurale est obtenue à basse résolution, aux environs de 10 Angströms. La forme en 3D des macromolécules est vue sous un œil de myope par rapport à PROXIMA, mais on en tire une information essentielle : la manière dont les protéines s'assemblent et s'arriment entre elles.
La compréhension de ces mécanismes moléculaires est particulièrement importante, à la fois pour la biologie fondamentale et pour ses applications thérapeutiques.
De fait, les images de SWING sont souvent couplées avec celles de PROXIMA. La structure de protéines individuelles est déterminée par diffraction des rayons X tandis que leur arrangement au sein du complexe est abordé par la diffusion aux petits angles.
La visite de ces quatre lignes de lumière confirme une règle, certes approximative, mais utile, à savoir que les plus petits détails observables sur les images ont la taille de la longueur d'onde de la lumière utilisée, quelques micromètres pour l'infrarouge, une centaine de nanomètres pour l'ultraviolet, et l'Angström pour les rayons X.
La deuxième conclusion concerne la complémentarité des lignes de lumière. La connaissance de la structure 3D d'une protéine ne suffit pas à déterminer sa fonction. Encore faut-il observer ses interactions avec les autres protéines, et la suivre dans son environnement cellulaire.
Loin d'être en concurrence, loin de se substituer les unes aux autres, les différentes méthodes d'analyse se complètent et se combinent pour mieux comprendre le fonctionnement du vivant. La diversité des lumières et des techniques d'analyse fait du synchrotron SOLEIL un instrument de recherche incontournable.