De l’eau et de l’électricité pour produire de l’hydrogène : c’est l'électrolyse de l'eau, réaction que nombre de lycéens ont réalisé en TP de chimie. Une réaction qui semble simple, mais « casser » les molécules d’eau nécessite un apport conséquent d’énergie.
C’est là qu’interviennent les catalyseurs ! Ou plutôt LE catalyseur : le platine, utilisé aujourd'hui pour produire l'hydrogène qui sert à faire rouler les véhicules… à hydrogène.
Mais le platine est un métal rare et coûteux, ce qui freine le développement de ce procédé écologique à grande échelle.
D’où l’intérêt de trouver d’autres catalyseurs, composés de métaux abondants, qui soient stables, moins onéreux, mais tout aussi efficaces que le platine.
Suivez les scientifiques du consortium français HYKALIN, venus sur la ligne SAMBA tester de nouveaux catalyseurs pour cette réaction de production d’hydrogène.
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Voix off
Une cuve remplie d'eau saline, un courant électrique qui la traverse, et hop, les liaisons de la molécule d'eau cèdent pour donner d'un côté de l'hydrogène et de l'autre de l'oxygène.
Cette expérience vous rappelle des souvenirs ?
Il s'agit de l'électrolyse de l'eau, que nombre de lycéens ont réalisé en TP de chimie.
Marion Giraud, Chimiste et Maîtresse de conférences. Université Paris Cité.
Ça paraît assez simple comme ça, parce que l'équation-bilan de la réaction n’est pas très compliquée, mais effectivement, il faut quand même un apport énergétique assez conséquent pour pouvoir réaliser cette électrolyse et vraiment casser cette molécule.
Et donc, c'est pour ça qu'on a besoin de catalyseurs qui vont réduire cette dépense en électricité nécessaire.
Voix off
Et pour cette réaction, un catalyseur efficace existe déjà, c'est le platine que l'on utilise d'ailleurs aujourd'hui pour produire l'hydrogène qui sert à faire rouler les véhicules à hydrogène.
Seulement voilà, ce métal est rare et coûteux, ce qui freine le développement de ce procédé écologique à grande échelle.
Marion Giraud
Donc finalement ce qu'on cherche, c'est à trouver des substituts au platine qui notamment sont moins onéreux tout en restant très efficaces, et à partir de métaux qui sont abondants. C'est pour ça que nous, on s'intéresse à des catalyseurs bimétalliques à base de nickel, qui est moins limitant que le platine en termes de disponibilité.
Voix off
Et pour observer l'efficacité de ces catalyseurs bimétalliques composés de nickel et d'une petite quantité de ruthénium, les chercheurs réalisent aujourd'hui des expériences sur la ligne SAMBA du Synchrotron SOLEIL, une ligne qui permet d'étudier la structure des matériaux grâce aux rayons X.
Marion Giraud
C'est un outil crucial pour nous qui nous permet vraiment de faire ce qu'on appelle de « l'operando », c'est-à-dire de regarder le catalyseur quand il est en train de fonctionner.
Benedikt Lassalle. Scientifique de ligne. Synchrotron SOLEIL
Très souvent les gens qui vont relire nos articles et nous faire des commentaires nous demandent : avez-vous été au synchrotron pour enregistrer des données pour qu'on sache si le catalyseur que vous avez mis au point est toujours actif pendant la catalyse ?
Parce que c'est la grande question : on peut synthétiser les catalyseurs qu'on a imaginés sur le papier ou avec des calculs, mais la réalité est parfois différente.
Voix off
Au programme du jour donc, suivre en temps réel l'action des deux métaux constitutifs de ce nouveau catalyseur, chacun ayant un rôle bien précis dans la réaction de l'électrolyse de l'eau.
Marion Giraud
Ces deux métaux vont travailler de concert pour pouvoir accélérer cette réaction et la faciliter.
On suppose et on essaie de montrer sur les manipes qu'on fait à SAMBA, que le ruthénium va d'abord adsorber l'eau, casser cette liaison OH pour former des atomes d'hydrogène qui vont aller sur le catalyseur de nickel, qui va les faire ensuite réagir ensemble pour former du dihydrogène.
Live (B.L., F.D.)
- Les références, et les échantillons ?
- Oui, il y a différentes compositions de nickel et de ruthénium.
Voix off
Les chercheurs commencent par réaliser des mesures de référence grâce aux puissants faisceaux de rayons X de la ligne, puis s'attellent au catalyseur.
Ce dernier est déposé sous forme d'encre sur une électrode puis intégré à une cellule semblable à une mini cuve d'électrolyse.
Marie-Sophie Dias Fernandes. Doctorante en électro-chimie. SOLEIL/École Polytechnique
On a là où tout se passe, donc le carré central, où on va avoir ici avec des tuyaux l'électrolyte qui va rentrer. Le faisceau va arriver directement au centre, il va d'abord taper notre électrode de travail avec le dépôt de nos matériaux. Il va taper comme ça, ça sera à 45°, et repartir.
Benedikt Lassalle
On va d'abord regarder un élément, par exemple le ruthénium, on va d'abord s'intéresser au ruthénium. Les rayons X vont exciter les électrons, ça va induire un certain nombre de processus physiques, physicochimiques, donc une relaxation qui va émettre à nouveau des photons et on va mesurer ces photons, c'est ce qu'on appelle de la fluorescence, on va mesurer ces photons et ça nous donne une information sur cet élément, le ruthénium : est-ce qu'il est oxydé ? est-ce qu'il est réduit ? est-ce qu'il est de petite taille, de grande taille ? qu'est-ce qu'il a comme voisin ?
Voix off
Et après de nombreuses heures de mesure pour capter les rares émissions de fluorescence du ruthénium, ce sera au tour du nickel.
Live (B.L., M.G.)
- Je pense qu'on peut avancer le détecteur un peu encore.
- Ah, il est beau. Ça, c'est le premier scan.
Voix off
In fine, les scientifiques de ce consortium français baptisé HYKALIN espèrent pouvoir identifier la composition et la structure du catalyseur bimétallique le plus efficace et le plus stable, au moins autant que celui actuellement utilisé pour les véhicules à hydrogène.
Marion Giraud
C'est notre cas, c'est-à-dire qu'on a des catalyseurs qui sont aussi efficaces que ce qui peut être fait avec le platine.
Benedikt Lassalle
Quand les utilisateurs viennent, qu'ils repartent avec des bonnes données, qu'ils ont compris des choses qu'ils n'avaient pas comprises avant et qu'ils ne peuvent l'obtenir qu'ici ou, disons, dans un synchrotron, là on se sent quand même un petit peu utiles !