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Vers des stratégies thérapeutiques contre les tumeurs cancéreuses – des rayons X pour surveiller, à l'échelle nanométrique, la température de nanoparticules dans des cellules tumorales

La température joue un rôle essentiel dans la régulation des mécanismes de l'organisme, et des augmentations locales de température supérieures à 42 °C dans les tissus tumoraux tuent les cellules cancéreuses. Ceci a conduit au développement de stratégies thermo-thérapeutiques à base de nanoparticules. D’où l’importance croissante en recherche de la surveillance des changements de température au cœur des nanoparticules, à l'aide de la nanothermométrie.

Dans des tissus imitant les tumeurs, une technique de thermométrie à l'échelle nanométrique, directe et universelle, s'avère prometteuse pour détecter les fluctuations nanothermiques. La spectroscopie d'absorption des rayons X, réalisée sur la ligne SAMBA, a été utilisée pour suivre les processus thermiques pendant la photoexcitation de nanoparticules.

L'hyperthermie est un traitement anticancéreux qui vise à élever les températures à l'intérieur des tumeurs pour éliminer les cellules cancéreuses, en insistant sur une application localisée pour épargner les tissus sains. À l'échelle nanométrique, les nanoparticules peuvent fonctionner comme des « nano-chauffages », permettant un contrôle précis des dommages cellulaires et facilitant la libération ciblée de médicaments.

L'amélioration de la capacité thermique des nanoparticules est essentielle pour un contrôle précis de la température thérapeutique, car un chauffage localisé peut être thérapeutiquement efficace sans provoquer de changements de température macroscopiques significatifs. Cependant, mesurer la température à l'échelle nanométrique au cœur des nanoparticules reste un défi, et de nombreuses méthodes de nanothermométrie reposent sur des approches indirectes.

La méthodologie décrite ici est quant à elle basée sur une approche nanothermométrique directe : dans les cellules tumorales, des nanoparticules sont chauffées avec de la lumière du proche infrarouge (NIR) et la température locale est contrôlée en suivant grâce à la spectroscopie d'absorption des rayons X (EXAFS) les paramètres atomiques des nanoparticules qui dépendent de la température. Les mesures ont été effectuées sur la ligne de lumière SAMBA à SOLEIL en raison de sa grande stabilité de faisceau, de son instrumentation de haute qualité et de sa polyvalence. Un schéma du dispositif expérimental est présenté à la figure 1A.

Dans ces travaux ont été utilisées des nanoparticules d'or et d'oxyde de fer combinées (Figure 1B). Ces nanohybrides ont été choisis parce qu'ils peuvent être chauffés par la lumière NIR et restent stables lorsqu'ils sont internalisés dans un modèle in vitro de tumeur 3D de glioblastome. Ce modèle, appelé sphéroïde (agrégat sphérique de cellules de glioblastome auto-assemblées), fournit une représentation réaliste d'un scénario in vivo (Figures 1B et 1D).

Cette étude est complètement novatrice du fait de la possibilité de mesurer directement la température des nanoparticules sous photo-excitation NIR à l'intérieur de tissus imitant les tumeurs, sans avoir à utiliser des éléments chimiques ou des marqueurs supplémentaires. Il suffit de suivre l'évolution des spectres EXAFS de l’élément or, à différentes températures (figure 1C). Ce système fonctionne essentiellement comme un thermomètre universel -c’est l’or qui a été ‘suivi’ ici, mais cela pourrait être d’autres éléments chimiques- à l'échelle nanométrique - et ce dans une large gamme de températures, ce qui en fait un outil polyvalent pour l'étude des fluctuations thermiques (voir figure 1C).

Cette technologie avancée peut être appliquée à divers nanomatériaux pour relever des défis biomédicaux dans des environnements cellulaires. L'adaptabilité et la polyvalence de la nanothermométrie EXAFS permettent également de la mettre en œuvre dans des applications non biologiques. Par exemple, elle peut être utilisée pour contrôler la température d'éléments chimiques en microélectronique, en catalyse, dans les piles à combustible ou dans le développement de matériaux thermochromes.

Figure 1 :

A) Schéma du dispositif expérimental pour l’enregistrement des données EXAFS nanothermique à l'intérieur des cellules, en appliquant simultanément des rayons X et une irradiation laser dans le proche infrarouge à des nano-chauffages à l'intérieur de sphéroïdes tumoraux en 3D.

B) Images de microscopie électronique en transmission de nanohybrides d'oxyde d'or et de fer synthétisés et internalisés dans des cellules de glioblastome.

C) Signal EXAFS transformé par Fourier (FT) dans la gamme d'étalonnage (100-375 K) et courbe du facteur de Debye-Waller (σ2) en fonction de la température (courbe d'ajustement de l'étalonnage) (symboles ouverts). Les symboles pleins correspondent aux valeurs calculées sous excitation photothermique.

D) Images confocales d'un sphéroïde marqué, ayant internalisé des nanohybrides – marquage en rouge : cytosquelette (qui donne leur forme aux cellules constituant le sphéroïde), en bleu : les noyaux des cellules (contenant leur ADN).