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Une méthode fiable pour contrôler le dopage des dichalcogénures de métaux de transition (TMD) 2D sans dégrader leur qualité

Des chercheurs du C2N et de l'université de Pennsylvanie, en collaboration avec les lignes de lumière CASSIOPÉE et TEMPO, ont trouvé une méthode fiable pour contrôler les propriétés électroniques des TMD 2D sans dégrader leur qualité. En particulier, ils ont démontré que le dopage de monocouches de MoS2 peut évoluer d’un dopage d'électrons (type n) vers un dopage de trous (type p) par une exposition contrôlée à de l'hydrogène atomique à température ambiante.

Comme le graphène, les dichalcogénures de métaux de transition (TMD) bidimensionnels suscitent un grand intérêt en raison de leurs propriétés électroniques et optiques polyvalentes. Cependant, contrairement au graphène qui ne possède pas de gap, les TMDs présentent des propriétés attrayantes telles qu'une transition entre un gap indirect et un gap direct lorsque le nombre de couches atomiques diminue, ainsi qu’une forte réponse photovoltaïque. À l'inverse du graphène pour lequel une petite bande interdite (de quelques centaines de meV) peut, par exemple, être ouverte par l'application de contraintes, une grande accordabilité du gap peut être obtenue avec les TMD 2D, qui passent d'une phase semiconductrice (gap de quelques eV) à une phase métallique. Cette grande accordabilité permet d’envisager de nombreuses applications des TMD dans les dispositifs nanoélectroniques.

Par ailleurs, la présence de défauts dans la couche 2D peut induire des états dans le gap entrainant un dopage intrinsèque de ces matériaux. Dans le cas du MoS2 par exemple, les lacunes de soufre sont les défauts avec l'énergie de formation la plus faible, et donc les défauts les plus courants dans le MoS2. En particulier, ces lacunes de soufre (Sv) entraînent la présence de liaisons électroniques non saturées sur les atomes de Mo environnants et agissent comme des donneurs d'électrons responsables du dopage de type n du MoS2. L'introduction de dopants dans le réseau de MoS2 représente une voie intéressante pour obtenir du MoS2 stable avec différentes fonctionnalités. Il est par conséquent crucial de développer des techniques pour facilement contrôler les propriétés d'accordabilité du MoS2 sans dégrader la qualité des couches de MoS2.

Ce travail présente une méthode simple et efficace de dopage chimique du MoS2 par l’ajout d’atomes d'hydrogène. Il est montré que l'hydrogène atomique est un moyen efficace pour passiver les lacunes de soufre intrinsèques au MoS2.  

Etude sur TEMPO des propriétés électroniques du MoS2 dopé par de l'hydrogène

L’utilisation de la spectroscopie de photoémission à haute résolution sur la ligne TEMPO révèle le dopage de type n d’une monocouche de MoS2 avant traitement par hydrogène. Ce dopage est aussi confirmé par la mesure du maximum de la bande de valence (VBM). La figure 1(a) présente l'évolution des pics caractéristiques des niveaux de cœur du MoS2 (Mo 3d et S 2p) pour le MoS2 avant et après trois doses successives d'hydrogène atomique. Après exposition à différentes doses d'hydrogène, les pics des niveaux de cœur de Mo 3d et S 2p présentent un décalage vers les énergies de liaison inférieures (1e dose = -0,1 eV 2e = -0,3 eV, et 3e = -0,5 eV). En parallèle, le pic de photoémission correspondant aux lacunes de soufre (Sv) disparaît complètement, ce qui indique une saturation complète des lacunes de soufre. La saturation de ces lacunes a progressivement réduit le dopage de type n du MoS2, ce qui a réduit la distance entre le VBM et le niveau de Fermi (FL), comme l'indique la figure 1 (b), de 1,25 eV pour le MoS2 avant traitement à 0,95 eV (presque au milieu du gap, en supposant un gap de de 2 eV) pour la deuxième dose d'hydrogène. Ceci est la cause du décalage rigide de l'énergie de liaison de tous les niveaux de cœur. Lorsque la dose d'hydrogène est plus grande encore, les pics des niveaux de cœur se décalent vers les plus faibles énergies de liaison (-0,5 eV), ce qui correspond à une distance du VBM au FL d'environ 0,75 eV. Cela signifie que le MoS2 acquiert alors un dopage de type p. La formation de liaisons Mo-H et la saturation des lacunes de soufre remplacent l'état de bande donneuse présent dans le MoS2 pur (type n) par un nouvel état de bande accepteuse (type p) lié à la formation de liaisons Mo-H, comme le confirment les calculs de DFT.

Figure 1 : (a) Mesure XPS du MoS2 pour plusieurs doses d'hydrogène atomique Gauche : Niveau de cœur Mo 3d.  Droite : niveau de cœur S 2p à hn = 340 eV. Après la troisième dose, les nouvelles composantes présentes aux énergies de liaison inférieures par rapport aux pics doublets principaux (~ 0,8 eV) sont probablement liées à la formation d'une phase 1T octahédrique de MoS2 induite par la haute densité d'atomes d'hydrogène dans l'échantillon. (b) Diagramme des bandes d'énergie indiquant l'évolution du niveau de Fermi du MoS2 ; avant hydrogénation, après la 2e dose, et après l'hydrogénation complète (3e dose).

Etude sur CASSIOPEE de la structure électronique et de la stabilité du MoS2 hydrogéné

Le MoS2 hydrogéné, conservé pendant un mois dans des conditions ambiantes après l'hydrogénation (5.103 L), a été étudié par spectroscopie de photoémission résolue en angle sur la ligne CASSIOPÉE. La figure 2 présente l’image énergie-vecteur d’onde avant et après l'hydrogénation, autour du point Γ de la zone de Brillouin (BZ) du MoS2. Le signal attendu pour la bande de valence d’une monocouche de MoS2 est bien visible. La forme de la bande de valence n'est pas modifiée mais seulement décalée vers le niveau de Fermi en raison de l'exposition aux atomes d'hydrogène. En outre, on remarque le même décalage pour les autres bandes au voisinage de -3 eV et -4 eV (position indiquée par les cercles blancs). L'hydrogénation induit donc un décalage uniforme de toutes les bandes qui constituent la structure de bandes de valence du MoS2. La structure de bandes expérimentale contrastée et intense de la figure 2 confirme que le processus d'hydrogénation préserve la haute qualité structurale  duMoS2.

Figure 2 : Mesures ARPES à température ambiante (a) d'une monocouche de MoS2 avant traitement, à hν = 50 eV, et (b) d'une monocouche de MoS2 hydrogénée à hν = 100 eV autour du point Γ.

En résumé, une étude détaillée de l'interaction de l'hydrogène atomique avec le MoS2 monocouche a été réalisée.

Les chercheurs considèrent donc que ce processus d'hydrogénation est une méthode efficace pour réduire les défauts du MoS2, ainsi que pour contrôler et faire passer du type n au type p le dopage intrinsèque existant après la croissance.

Un tel contrôle du dopage des TMD 2D est d’une importance considérable pour les applications potentielles nanoscopiques de dispositifs souples basés sur ces matériaux.