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Un classique revisité sur SEXTANTS : nouveaux états et imagerie des fonctions d'onde dans la molécule d’azote N2

Depuis des décennies, pour calibrer une expérience de spectroscopie d’absorption des rayons X « mous » (énergie inférieure à 2000 eV) ou optimiser une ligne de lumière mettant en œuvre cette technique, les scientifiques se réfèrent à la mesure du spectre de la molécule diatomique N2. Et, depuis des décennies, ils utilisent des approximations pour décrire les spectres obtenus, approximations applicables du fait de la configuration de la molécule (symétrique N-N) et de l’énergie des rayons X employés. Mais ces approximations sont-elles valides ?
Une équipe internationale de scientifiques de Suède (Université d'Uppsala), d'Allemagne (Helmholtz Zentrum Berlin, EuXFEL) et de France (Université Sorbonne) a cherché à répondre à cette question en mettant en œuvre la diffusion inélastique résonante de rayons X (RIXS) sur la ligne de lumière SEXTANTS.
Leurs résultats, publiés dans Physical Review A, prouvent que l’absorption d’un photon X par N2 peut en effet être complètement décrite dans l’approximation dipolaire.

Lors de l'optimisation d'une ligne de lumière de rayons X mous, on mesure typiquement le spectre d'absorption de la molécule de N2. Cette transition envoie un électron de cœur dans la première orbitale vide, et les excitations vibrationnelles qui l'accompagnent créent un spectre caractéristique qui peut être comparé aux mesures réalisées sur de nombreuses lignes de lumière au cours de l'histoire du rayonnement synchrotron.

En raison de la symétrie d'inversion de la molécule de N2 et de la possibilité d'appliquer l'approximation dipolaire, la transition change la parité de la fonction d'onde. L'état fondamental étant pair (gerade), l'état excité doit être impair (ungerade). Ainsi, la lacune de cœur dans l'état excité ne brise pas la symétrie d'inversion mais est dans une superposition cohérente d'états localisés. Ceci est démontré par la désintégration radiative de l'état excité de cœur, car la même règle de sélection dipolaire s'applique et seuls des états finaux de type gerade sont observés.

Ce processus d'absorption-émission est strictement un évènement de diffusion inélastique résonante de rayons X (RIXS) où les interférences entre diverses voies d'excitation-émission doivent être prises en compte. Dans cette étude sur la ligne SEXTANTS, il a été démontré que, malgré la description approximative fournie par le modèle d'absorption-émission à deux étapes, il était essentiel de prendre en compte les interférences entre états vibrationnels (LVI) pour comprendre les spectres RIXS. Les LVI se manifestent dans les décalages des positions des pics et l'intensité redistribuée en raison de la durée de diffusion limitée.

Les processus RIXS peuplent également un nouvel état multiplement excité fortement dissociatif dans les molécules de N2 neutres dans les continuums de valence. Cet état est peuplé via un réarrangement électronique radiatif qui traduit une corrélation électronique couramment décrite par une méthode d'interaction de configuration.

L'état final est fortement dissociatif et sa courbe de potentiel a une pente presque constante dans le champ de vision. Dans cette situation, les fonctions d'onde vibrationnelles des états excités de cœur sont observées directement dans les spectres RIXS, et l'évolution temporelle à l'échelle de la femtoseconde est suivie via les effets de LVI (Fig. 1).

Figure 1. Les courbes de potentiel de l'état fondamental, l'état de trou de cœur excité π* ainsi que l'état répulsif final sont présentés dans le volet de gauche. Dans le volet de droite, des calculs de modélisation et des expériences prouvent que l'évolution de la fonction d'onde vibrationnelle est directement visible dans les spectres RIXS.

Ces résultats prouvent donc que seuls des états finaux de type gerade sont observés, validant le fait d’appliquer l’approximation dipolaire pour interpréter les spectres d’absorption X de N2.