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Spectroscopie VUV à très haute résolution : quand les mesures de laboratoire viennent éclairer l’espace

Depuis peu, la ligne de lumière DÉSIRS dispose d'une branche expérimentale dédiée à la spectroscopie d’absorption en phase gaz dans l’UV et le VUV. Cette branche associe un spectromètre unique à très haute résolution spectrale et une chambre d’environnements-échantillon permettant des mesures sous des conditions très variées, afin de simuler en laboratoire les situations rencontrées dans certaines régions de l’espace.

La détection récente d’ondes gravitationnelles ouvre peut-être la voie à une nouvelle astronomie, mais à ce jour le rayonnement électromagnétique reste notre source d’information la plus importante. Il est le fondement de notre compréhension de l’univers, des planètes du système solaire à l’espace interstellaire et au-delà. Avec l’avènement de l’instrumentation embarquée sur des satellites, des mesures dans des gammes spectrales difficilement accessibles à cause de l’absorption due à l’atmosphère terrestre sont maintenant disponibles. C’est notamment le cas des mesures dans l’UV profond (appelé VUV comme Vacuum Ultra Violet ou UV du vide, pour des longueurs d’onde inférieures à 200 nm), très abondant dans l’espace avec, par exemple, le fameux rayonnement Lyman a dû à la désexcitation de l’hydrogène atomique. Le VUV est responsable d’une riche photochimie, sur des gaz comme sur des grains glacés, capable d’engendrer des molécules complexes à partir de très simples précurseurs.

C’est dans ce contexte astrophysique, entre autres, qu’a été développée sur la ligne de lumière DÉSIRS une branche expérimentale dédiée à la spectroscopie d’absorption en phase gaz dans l’UV et le VUV. Cette branche associe un spectromètre unique à très haute résolution spectrale et une chambre d’environnements-échantillon permettant des mesures sous des conditions très variées, afin de simuler en laboratoire les situations rencontrées dans certaines régions de l’espace. En effet, en astrophysique, il est très souvent nécessaire de croiser les données issues de l’observation avec les données de laboratoire. Sans ces dernières, les modèles physiques qui permettent de comprendre la chaîne de processus menant aux conditions observées restent incomplets. C’est particulièrement important dans le VUV où les transitions électroniques sont impliquées, selon une spectroscopie complexe qui demande une modélisation totalement quantique poussée. Il faut prendre en compte les mécanismes de relaxation de l’état excité, comme par exemple la dissociation qui peut fortement limiter la survie de certaines des espèces présentes.

Figure 1 : Section efficace d’absorption de la molécule CO autour de 115 nm à différentes températures. Jet moléculaire en noir (~48 K), cellule sans hublots à température ambiante en bleu, et haute température en orange (~ 971 K). Le spectromètre TF de la ligne DESIRS permet d’enregistrer les spectres avec un pouvoir de résolution suffisamment élevé pour observer la structure rotationnelle de la molécule.

Pour comprendre, et dans certains cas, simuler cette photochimie qui peut être à la fois très riche et très complexe, il est important de s’approcher en laboratoire des conditions (pression, température) rencontrées dans des environnements astrophysiques variés. Dans ce but, des cellules d’absorption diverses ont été développées sur la branche de spectroscopie par transformation de Fourier (TF) de la ligne DESIRS. En particulier, cette branche peut aujourd'hui accueillir une cellule refroidie à l’azote liquide, une cellule chauffée pouvant atteindre des températures de l’ordre de 1000 K, ainsi qu’un dispositif de jet moléculaire permettant de réduire la température rotationnelle des espèces jusqu’à environ 10 K (figure 1). Ces dispositifs, proposés à la communauté d’utilisateurs de la ligne, permettent de modifier relativement rapidement les conditions expérimentales de mesure. Ils offrent notamment la possibilité d’obtenir des probabilités absolues d’absorption (sections efficaces), nécessaires aux modèles globaux qui tentent de prédire la composition moléculaire de l’espace interstellaire ou de l’atmosphère des planètes. D’autres dispositifs sont en cours de développement, par exemple pour l’étude d’espèces radicalaires et transitoires très réactives que l’on produira dans une cellule à décharge électrique (figure 2) et que l’on pourra également venir sonder en absorption sur la branche TF.

Figure 2 : Le faisceau synchrotron VUV de la ligne DÉSIRS permet de sonder en absorption les espèces transitoires, tels que les radicaux, produites dans une décharge électrique.