Aller au menu principal Aller au contenu principal

Sonder le transfert d'électrons à ultra-haute vitesse avec les rayons X sur GALAXIES

Le besoin urgent de dispositifs électroniques à faible consommation exige de nouveaux matériaux pouvant fonctionner à grande vitesse et à moindre coût. Les matériaux 2D sont très prometteurs à cet égard. La spectroscopie des rayons X peut capturer le transfert ultrarapide d’électrons dans GeSe, un semi-conducteur 2D, avec une sensibilité chimique. Cette méthode pourrait aider à concevoir de nouveaux dispositifs.

Le transfert ultrarapide d'électrons à la surface des matériaux est un processus clé qui détermine les limites fonctionnelles et les propriétés pour les applications potentielles telles que les dispositifs de commutation et optoélectroniques, le stockage d'énergie et les nanodispositifs.

L'étude de ce phénomène nécessite des techniques capables de prendre des instantanés des propriétés électroniques à très haute vitesse. Il est possible d’y parvenir par une approche pompe-sonde dans laquelle des impulsions laser très courtes sont utilisées pour exciter un matériau et sonder ses propriétés temporelles. Cependant, la résolution temporelle d'une telle spectroscopie est limitée par le laser lui-même et par l'ensemble du dispositif instrumental à quelques femtosecondes (10-15 s).

Bien que très rapide, ce n'est parfois pas assez rapide pour attraper les électrons !

Il est également possible d'étudier la dynamique des électrons à l’aide d’une technique spécifique aux rayons X appelée spectroscopie « core-hole clock ». Cette technique utilise une échelle de temps intrinsèque, la durée de vie d'un niveau électronique spécifique : lorsqu'un photon interagit avec le matériau, il peut expulser des électrons d'un niveau atomique spécifique, laissant un trou dans la structure électronique. Peu après, cette lacune est comblée par d'autres électrons, produisant des électrons secondaires (Auger) et des photons. Plus la lacune est profonde, plus le processus est rapide ! Cela permet d’étudier la dynamique des électrons sur une dizaines d'attosecondes (1 as = 10-18 s) en utilisant des rayons X durs qui peuvent exciter des électrons profonds avec des temps de vie très courts (cf. Figure 1). En outre, cette technique offre la possibilité d'étudier la dynamique des électrons d'états électroniques spécifiques en sélectionnant correctement l'énergie des photons incidents, même si cela n'a jamais été démontré auparavant.

Figure 1 : spectroscopie Auger « core-hole clock » dans GeSe : les rayons X incidents expulsent un électron du niveau électronique Ge ou Se 1s. Un réarrangement des électrons a lieu dans les quelques centaines d'attosecondes (10-18 s) qui suivent l'interaction avec les photons, produisant des électrons secondaires (Auger) qui sont utilisés pour sonder la dynamique des électrons du Ge ou du Se.

Récemment, des chercheurs du LPS (Orsay), du LSI (école Polytechnique, Palaiseau) de l’Université de Nanjing (Chine) et de SOLEIL ont démontré que le semi-conducteur séléniure de germanium (GeSe) présente une dynamique ultrarapide des électrons dépendant des états électroniques en utilisant la spectroscopie « core-hole clock ». Les mesures ont été effectuées sur la station HAXPES de la ligne GALAXIES à SOLEIL. Grâce à la géométrie de cette expérience (Figure 2a), il a été possible de sonder sélectivement les électrons des niveaux Ge 1s ou Se 1s vers des états finaux spécifiques. Les résultats illustrés dans la Figure 2b-c montrent que les électrons dans GeSe réagissent sur une échelle de temps dans le domaine attoseconde et presque trois fois plus vite pour les atomes de Ge que pour ceux de Se (150 as contre 470 as).

Cette observation démontre que la spectroscopie « core-hole clock » est un moyen efficace d'étudier la dynamique sélective des électrons, en complément des techniques pompe-sonde. Le temps de délocalisation attoseconde observé dans le GeSe pourrait servir avantageusement à concevoir des dispositifs ultrarapides basés sur des semi-conducteurs en couches ou des structures artificielles combinant plusieurs matériaux 2D.

Figure 2. La géométrie de l'échantillon et des rayons X incidents dans l’expérience (a), et les cartes Auger résonants de Ge KLL (b) et Se KLL (c), ainsi que les spectres correspondants pris pour l'estimation du temps de délocalisation des électrons. SA et NA représentent la contribution Auger normaux et la contribution Auger spectateurs, respectivement.