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Simulation de détecteurs multi-éléments au germanium pour les techniques de fluorescence X (XRF)

Des nombreuses expériences synchrotron utilisant les techniques de fluorescence X sont actuellement limitées par la sensibilité des détecteurs dédiés. En effet, dans ce type d’expériences les paramètres clés du détecteur sont sa capacité à compter un grand nombre de photons entrants sans qu’il y ait saturation, et la qualité du signal détecté par rapport au bruit de fond.

Pour développer une nouvelle génération de détecteurs de fluorescence, une chaîne de simulation a été construite par le groupe Détecteurs de SOLEIL afin d’étudier les performances du détecteur. Des données expérimentales de la ligne SAMBA ont été utilisées pour calibrer la chaîne de simulation.

Les techniques de fluorescence X (XRF) utilisent des détecteurs semi-conducteurs multi-éléments (comme les détecteurs silicium à dérive ou les détecteurs germanium) pour identifier et quantifier la composition chimique élémentaire d'un échantillon. La sensibilité du détecteur est déterminée par trois principales caractéristiques de performance :

  • le taux de comptage maximal, qui détermine l'intensité maximale des raies de fluorescence émises par les éléments chimiques.
  • la résolution en énergie, c'est-à-dire la manière dont les raies de fluorescence sont résolues.
  • le rapport signal/bruit de fond (S/B), c'est-à-dire le rapport entre l'intensité de la raie de fluorescence et le bruit de fond - provenant essentiellement de l’effet Compton.
     

Les deux dernières caractéristiques sont fortement affectées par un effet appelé « évènements de partage des charges », c'est-à-dire les évènements où l’énergie des photons est partagée entre des pixels voisins. Cet effet indésirable entraîne une réduction de l'intensité de la raie principale de fluorescence et une augmentation du bruit de fond, ce qui entraine une dégradation de la résolution en énergie. Ces événements de partage des charges proviennent d’événements divisés : les porteurs de charge, créés par les photons incidents sur la face avant du détecteur, peuvent se propager sur plusieurs pixels voisins lorsqu'ils dérivent vers les pixels de la face arrière. Ces événements sont en général supprimés dans les détecteurs commerciaux actuels à l'aide d'un collimateur/masque placé devant le cristal de germanium, au prix d'une réduction significative de la surface active du détecteur. Cette solution technique n'est pas souhaitable dans les détecteurs où des tailles de pixels plus petites sont nécessaires.

Dans ce travail, une première chaîne de simulation complète et entièrement opérationnelle, basée sur l’environnement de travail « Allpix Squared », a été construite par le groupe Détecteurs de SOLEIL, adaptée aux détecteurs de multi-éléments au germanium, et combinée avec des simulations tridimensionnelles du champ électrique et du potentiel de pondération, basées sur le logiciel COMSOL Multiphysics®. Il est important de mentionner que l’outil de simulation « Allpix Squared » a été développé à l'origine pour des détecteurs au silicium dans des expériences de physique des hautes énergies au CERN. Un détecteur commercial, actuellement utilisé sur la ligne SAMBA, a été utilisé comme modèle (voir Figure 1) et sa performance, avec un faisceau direct de rayons X, a été simulée avec et sans collimateur.

Figure 1 : Représentation schématique du détecteur modèle multi-éléments au germanium montrant ses différents composants. La face avant est celle faisant face aux rayons X incidents.

Comme attendu, les premiers résultats obtenus en simulation (voir Figure 2) montrent une réduction des événements de partage des charges et une augmentation du rapport S/B pour les rayons X dont l'énergie est inférieure à 30 keV si le détecteur est équipé d'un collimateur, alors qu'une faible différence entre les deux configurations de détecteur est observée à une énergie plus élevée. Il faut noter que la zone de détection est augmentée de 30% en l'absence de collimateur, ce qui représente une amélioration significative pour les expériences futures si les événements de partage des charges peuvent être gérés.

Figure 2 : Rapport signal/bruit (S/B)
(a) et nombre d'événements de partage des charges
(b) en fonction de l'énergie du faisceau de photons incidents pour un détecteur multi-éléments au germanium avec et sans collimateur.

Des données expérimentales obtenues sur SAMBA en 2020 et 2021 ont été utilisées également pour calibrer et valider la chaîne de simulation. Dans l'expérience XRF réalisée, un faisceau d'une énergie de 28 keV a été focalisé sur un échantillon de référence riche en cadmium, situé à 45 degrés entre le faisceau et le détecteur. La comparaison des spectres en énergie mesurés et simulés (voir Figure 3) montre un bon accord, en particulier pour les principales raies de fluorescence (cadmium, fer, etc.). Quelques différences ont été observées au niveau du signal Compton créé par la raie du cadmium et la présence des raies de fluorescence du titane provenant du collimateur, et elles seront corrigées à l'avenir avec une modélisation plus précise du détecteur.

Cette chaîne de simulation constitue un outil puissant pour le développement des détecteurs semi-conducteurs en général, et en particulier pour une nouvelle génération de détecteurs au germanium pixellisés. Des pixels de différentes tailles, épaisseurs, dispositions et géométries (pas seulement des pixels carrés) peuvent être simulés. L'étude actuelle et future vise à optimiser la conception du détecteur afin d'améliorer sa sensibilité pour détecter des espèces chimiques à très faible concentration en un temps raisonnable.

Figure 3 : Spectre en énergie simulé (rouge) et mesuré (noir) d'un échantillon de référence riche en cadmium sur la ligne SAMBA.