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Première mondiale à SOLEIL : imagerie 3D aux rayons X des dommages induits par l’hydrogène gazeux dans l’acier

Des chercheurs du Centre des Matériaux – Mines Paris (PSL) ont réalisé une première mondiale au synchrotron SOLEIL : l’imagerie 3D en temps réel, par rayons X, de la déformation et de la rupture de l’acier sous hydrogène gazeux sous pression. L’objectif est clair : comprendre comment l’hydrogène fragilise les aciers utilisés dans les infrastructures de transport, un enjeu fondamental pour garantir la sécurité des futurs réseaux hydrogène.
En utilisant la ligne de lumière PSICHE et une machine de traction sous hydrogène spécialement conçue et fabriquée avec la PME française Top Industrie, l’équipe a pu visualiser et quantifier in situ l’évolution des dommages en présence d’hydrogène. Les premiers résultats, présentés à EUROMAT 2025, révèlent l’influence de la ferrite delta sur la fragilisation par l’hydrogène d’un acier inoxydable 316L.

 

L’hydrogène, un défi pour les matériaux

L’hydrogène est un levier clé de la transition énergétique, notamment pour le transport et le stockage. Cependant, son interaction avec les aciers conduit souvent à la fragilisation par l’hydrogène, un phénomène critique qui réduit la ductilité et la ténacité et peut compromettre la sécurité des infrastructures. Jusqu’à présent, la plupart des études reposaient sur des analyses post-mortem ou des mesures indirectes, avec peu de preuves directes sur l’initiation et la propagation des endommagements dans des aciers exposés à l’hydrogène gazeux.

Résultats inédits

En juillet 2024, une expérience pionnière a été menée sur la ligne de lumière PSICHE à SOLEIL (proposition 20241968). Pour la première fois dans le monde, les chercheurs ont réalisé une tomographie 3D aux rayons X in situ d’un métal en cours de déformation sous hydrogène gazeux à haute pression. Ces résultats ont été obtenus dans le cadre d'un post-doctorat conjoint PSICHE / Centre des Matériaux (CMAT), illustrant la collaboration étroite entre les deux institutions.
Ceci a été rendu possible grâce à une machine de traction sous pression d’hydrogène conçue sur mesure en partenariat avec la PME française Top Industrie. Ce dispositif intègre une chambre haute pression miniature couplée à une cellule de traction, permettant de réaliser des scans tomographiques synchrotron à une résolution micronique (taille de voxel ~0,65 µm) pendant la déformation, sous des pressions d’hydrogène allant jusqu’à 200 bars.

Cette configuration unique a permis de visualiser et de quantifier en temps réel l’évolution des endommagements, révélant comment l’hydrogène modifie les mécanismes de rupture par rapport aux essais réalisés à l’air. Au lieu d’un endommagement plastique uniforme, l’hydrogène favorise la fissuration localisée et l’accélération de la croissance des microfissures. Les premiers résultats, présentés à EUROMAT 2025, ont mis en évidence le rôle de la ferrite delta dans la fragilisation par l’hydrogène de l’acier inoxydable 316L, les fissures nucléant et se propageant préférentiellement le long des bandes de ferrite.

Figure 1 :Tomographie in situ aux rayons X d’une éprouvette miniature d’acier ferritique testée sous 190 bars d’hydrogène gazeux sur la ligne PSICHE. Les dommages produits peuvent être visualisés en 3D pendant le chargement, permettant l’observation directe des mécanismes de rupture induits par l’hydrogène.


Contribution de SOLEIL

Le succès de cette première expérience repose sur la capacité de la ligne PSICHE à fournir des rayons X de haute énergie et de haut flux, avec des temps de scan rapides, tout en accueillant des dispositifs expérimentaux complexes.
Un aspect crucial a été la sécurité : la machine de traction sous pression, développée avec Top Industrie, intègre une chambre miniature à très faible volume d’hydrogène, rendant les essais intrinsèquement plus sûrs. Cette conception a permis de réaliser l’expérience de preuve de concept en dehors des conditions ATEX, en étroite collaboration avec les services de sécurité de SOLEIL. Sans cette synergie entre performances avancées de la ligne et ingénierie de sécurité rigoureuse, une telle première mondiale en imagerie 3D de l’acier sous hydrogène gazeux n’aurait pas été possible.
 

Figure 2 : Salle de contrôle de la ligne PSICHE lors des premières expériences mondiales de tomographie sous hydrogène. La collaboration étroite entre chercheurs, ingénieurs et services de sécurité de SOLEIL a permis l’exploitation en toute sécurité du dispositif de traction spécialement conçu.


Prochaines étapes

Cette avancée marque le point de départ d’une série d’expériences menées dans le cadre du projet européen HYWAY (2024–2028), coordonné par Mines Paris – PSL. Les futurs travaux porteront sur d’autres alliages, microstructures et vitesses de déformation, afin d’élucider systématiquement les interactions hydrogène–plasticité. À terme, ces études visent à établir des critères de conception robustes et des protocoles d’essai pour les matériaux des infrastructures hydrogène.

Impact

En imageant directement les dommages induits par l’hydrogène dans les aciers, cette recherche ouvre des perspectives inédites pour relier microstructure, environnement et mécanismes de rupture. Elle constitue une étape décisive vers des aciers plus sûrs pour les canalisations, réservoirs de stockage et infrastructures énergétiques critiques à l’hydrogène.

Figure 3 : Visualisation en temps réel de l’initiation et de la propagation de fissures dans un acier inoxydable 316L sous hydrogène gazeux. Les fissures nucléent aux bords de l’éprouvette et suivent les bandes de ferrite, démontrant le rôle de la microstructure dans la fragilisation par l’hydrogène.