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Plus de 70 ans après : le modèle Cabrera-Mott d'oxydation des métaux confirmé sur la ligne TEMPO

En 1949, le prix Nobel de physique Sir Nevill Mott jetait les bases, avec Nicolás Cabrera, de la théorie de l'oxydation des métaux. Aujourd'hui, ce modèle est encore très utilisé, y compris en nanofabrication.
Des chercheurs du LCPMR (Sorbonne Université), en collaboration avec la ligne TEMPO, proposent une méthodologie basée sur la spectroscopie de photoémission X à pression ambiante (AP-XPS) pour étudier la croissance de films d'oxyde minces en temps réel, et tester les principes implicites du modèle Cabrera-Mott pour l'aluminium. Cette méthode peut être appliquée à d'autres métaux technologiquement pertinents, par exemple ceux utilisés dans les qubits supraconducteurs pour l'informatique quantique.

Les phénomènes d'oxydation sur les surfaces métalliques jouent un rôle clé dans de nombreux domaines technologiques, allant de la science de la corrosion à la conception de dispositifs électroniques. Par conséquent, ils couvrent un vaste champ dans la recherche scientifique fondamentale et ont attiré une attention considérable tant du point de vue expérimental (microscopie électronique à transmission, XPS, mesures de potentiel de surface) que théorique (calculs de la théorie de la fonctionnelle de densité). La plupart de ces études ont été interprétées sur la base de la théorie de Cabrera-Mott (CM), qui suppose un équilibre thermodynamique des électrons entre le métal et la surface de l'oxyde couverte d’atomes d'oxygène. L'idée centrale de cette théorie est que le transport des ions pendant la croissance de l'oxyde a lieu grâce à un champ électrique intégré E dérivant d'un potentiel dit potentiel de CM (voir Figure 1), créé par l’existence de la charge négative des anions oxygène adsorbés d’une part, et de la charge positive opposée qui apparaît du côté du métal d’autre part (comme dans un condensateur à plaques parallèles).

Figure 1. (a) Système métal/oxyde/ O2 gazeux. (b) Energie potentielle d'un cation métallique migrant M+ en fonction de sa position en présence d'un champ électrique E, selon Cabrera et Mott.

Depuis 70 ans, le modèle CM a été essentiellement testé par des études cinétiques de croissance des oxydes, qui n'ont pas fourni une description approfondie de l'interface métal/oxyde/gaz. La preuve directe que le potentiel CM (et le champ E) est établi dans le film en croissance a dû attendre l'avènement de l’AP-XPS. En effet, c'est la seule technique capable de donner une image détaillée de la structure électronique à l'interface gaz/solide.

En combinant une approche thermodynamique originale à des mesures précises des énergies de liaison, les chercheurs ont pu vérifier les principes du modèle CM dans le cas de l'oxydation de l'aluminium et interpréter les changements dans la structure de bande et la vitesse d'oxydation en fonction de la pression d'O2 (jusqu'à 1 mbar) avec la fameuse loi de vitesse CM.

Outre l'aluminium, la AP-XPS pourra avantageusement être utilisée pour étudier l'oxydation (ou la corrosion) de nombreux métaux d'importance technologique. De plus, sa mise en œuvre sera certainement pertinente aussi dans le cas analogue des capteurs de gaz en conditions de fonctionnement.

De gauche à droite : Fabrice Bournel (LCPMR), Lucía Perez Ramirez (SOLEIL), Jean-Jacques Gallet et François Rochet (LCPMR).