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Phosphorescence longue durée : l’influence du chrome sur les biomarqueurs

Des scientifiques de l’Université de Goa (Inde) et de l’Ecole Chimie ParisTech (France) sont parvenus à démontrer que le ZnGa2O4 dopé au Cr était un excellent biomarqueur émettant dans la région du spectre rouge – proche infrarouge. De plus, ils ont mis en évidence que son activation pouvait se faire in-vivo. Ces résultats, publiés dans la revue Physical Chemistry, Chemical Physics, laissent entrevoir son utilisation pour l’imagerie optique de la vascularisation, des tumeurs ou des cellules greffées.

Un biomarqueur, ou marqueur biologique, désigne une caractéristique mesurée qui peut être  utilisée comme indicateur de conditions biologiques. En médecine, un biomarqueur peut être une substance traçable, introduite dans l’organisme comme moyen d’examiner les fonctions organiques ou d’autres aspects de santé. Des chercheurs de l’université de Goa en Inde et de l’Ecole Chimie Paris-Tech en France sont parvenus à développer de nouveaux biomarqueurs émettant dans le rouge en Phosphorescence Longue Durée[1] (PLD), et pouvant servir en imagerie optique in vivo chez les petits animaux. Ces biomarqueurs sont d’abord excités en UV ou en rayons X pendant quelques minutes à l’extérieur du corps de l’animal avant d’y être injecté. Ils émettent alors une lumière rouge/infrarouge détectable pendant plusieurs heures après l’injection.

Spectre XANES expérimental au seuil K du chrome

Figure : Spectre XANES expérimental au seuil K du chrome comparés à des spectres calculs avec des environnements différents pour le Crome ; 2. Spectre XANES expérimental au seuil K du chrome avec ajustement linéaire pour (a) ZGO, (b) MGO et (c) ZAO ; 3. Variation des valeurs d’intensité de luminescence persistante près de l’infra-rouge à différents instants t en fonction du pourcentage de clusters de chrome présents dans ZGO, MGO et ZAO.

Parmi ces marqueurs, le ZnGa2O4 dopé par le Cr apparait être un excellent biomarqueur qui émet dans la région rouge/infrarouge (pic d’émission à 695 nm) suite à une excitation sous X et sous UV. Des expériences complémentaires ont par ailleurs révélé que la PLD pouvait également être réalisée via une excitation en lumière visible. Dans cette étude, l’excitation du trou d’électron intervient à travers le champ cristallin fissuré des niveaux 3d des ions Cr. Cette méthode laisse entrevoir une nouvelle possibilité d’émission prolongée par ré-excitation du biomarqueur Cr-ZGO à l’intérieur du corps du petit animal via une lumière visible relativement inoffensive. Cette activation in-vivo du Cr-ZGO le rend utile pour l’imagerie optique de la vascularisation, des tumeurs et des cellules greffées.

L’excitation en lumière visible de ZGO-Cr indique également que certains défauts responsables de la PLD sont centrés autour de l’ion Cr ; il devient donc nécessaire de comprendre la structure locale du chrome dans la matrice ZnGa2O4. Les spectres XANES et EXAFS du Cr au seuil K ont été enregistrés sur la ligne de lumière SAMBA du synchrotron SOLEIL. Les données collectées permettent de conclure sur la présence de défauts d’inversion des sites cationiques autour de Cr3+ et sur leur rôle dans la PLD dans un processus de charge à faible énergie photonique (lumière visible). Les calculs ab-initio des spectres XANES au seuil K du chrome ont mis en évidence la présence et le rôle clé des clusters de chrome. L’analyse témoigne du lien évident entre la quantité de chrome regroupé et l’étanchement de l’intensité du phénomène de PLD induit par lumière visible.

Dans le but d’améliorer la compréhension du mécanisme de phosphorescence longue durée, il est maintenant important d’étudier les conséquences de ce regroupement de Cr en mettant en corrélation la forte inhomogénéité de distribution du Cr3+ avec d’autres études, comme celles portant sur la luminescence thermiquement stimulée, sur la spectroscopie de résonance paramagnétique électronique et les calculs de principes fondamentaux.

[1] La PLD est engendrée par la présence de niveaux défectueux dans le fossé énergétique interdit. L’irradiation de l’échantillon par la lumière UV génère des électrons libres et des trous qui se retrouvent piégés dans les niveaux défectueux. Ces électrons et trous piégés sont par la suite relâchés du fait de l’excitation thermique et recombinés en un centre luminescent qui mène à une émission.