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Mise en évidence d’un auto-assemblage en bicouche de feuillets d’oxyde de graphène à l’interface air-eau

L’oxyde de graphène est très étudié depuis quelques années, notamment pour son utilisation potentielle comme précurseur du graphène dont les applications sont multiples. Dans ce cadre, la formation de film d’oxyde de graphène de densité et d’épaisseur contrôlée est un point crucial.  Une voie possible consiste à déposer des feuillets d’oxyde de graphène à l’interface air-eau (film de Langmuir).
Dans une étude menée au Synchrotron SOLEIL et à l’ESRF, des chercheurs de l’Université Paris 6, de l’ECE Paris et de l’Université de Saragosse ont déterminé pour la première fois la structure microscopique des films d’oxyde de graphène à la surface de l’eau.

En déposant des feuillets d’oxyde de graphène à l’interface air-eau, les films formés présentent l’avantage d’avoir une densité de surface facilement ajustable et d’être transférables sur un substrat solide. Cependant, la maîtrise du procédé de dépôt impose de connaître la structure de la couche sur l’eau (avant transfert) et de la comparer à celle obtenue sur le substrat solide (après transfert).

L’évolution de la structure d’un film d’oxyde de graphène à la surface de l’eau peut être suivie macroscopiquement par la mesure de la pression de surface en fonction de la densité à la surface. Cette mesure à température constante est représentée sur la Figure 1 en fonction de l’aire de la couche par millilitre déposé (isotherme p-A). Trois régions peuvent être identifiées. La première, à pression nulle, correspond à la coexistence entre deux phases, les feuillets de graphène ne couvrant pas toute la surface de l’eau. La seconde région dans laquelle la pression augmente jusqu'à 15 mN.m-1 est identifiée à la percolation des feuillets d’oxyde de graphène et la troisième  de compressibilité plus faible est associée à la compression d’un film homogène.

Figure 1 : Compression isotherme de feuillets d'oxyde de graphène à l'interface air-eau à 20°C.

Les chercheurs ont étudié ces films d’oxyde de graphène à la surface de l’eau à l’échelle microscopique par des mesures de Diffraction des rayons X rasants (GIXD) sur la ligne de lumière SIRIUS à SOLEIL, couplées à des mesures de réflectivité X (XRR) sur la ligne ID10 de l’ESRF. Ces mesures sont présentées en Figure 2. L’épaisseur d’un feuillet d’oxyde de graphène en milieu humide est de l’ordre de 10 Å. Cependant, les spectres de réflectivité ne peuvent être ajustés que par une couche d’épaisseur de 20 Å pour toutes les valeurs de pression. Ceci indique que le film déposé à l’interface eau-air est formé d’une bicouche de feuillets (modèle présenté en insert de la Figure 2 (b)). Les mesures de GIXD confirment cette hypothèse. En effet, les formes des deux pics de diffraction observés pour des pressions superficielles non nulles traduisent la présence de deux structures différentes, l’une formée par des feuillets parallèles à la surface de l’eau (pic symétrique), l’autre par des feuillets désorientés par rapport à cette surface (pic asymétrique). Cette structure en bicouche se comprend par la présence de molécules d’eau intercalées reliées aux  feuillets de chaque couche par des liaisons hydrogène. Quand la bicouche est comprimée, les feuillets parallèles et en contact avec la surface de l’eau atteignent rapidement une densité forte tandis que ceux de la couche supérieure se désorientent progressivement.

Figure 2 : Mesures de diffusion des rayons X sur de l'oxyde de graphène déposé à l'interface air-eau. (a) Spectres de XRR réalisés à différentes pressions superficielles. (b) Spectre de GIXD à 15 mN-1.

Les mesures de diffusion de rayons X sur surface liquide ont donc permis d’interpréter la courbe de la Figure 1. La réflectivité X révèle la présence de deux couches différentes et la diffraction des rayons X rasants révèle la désorientation des feuillets dans l’une de ces couches. On observe donc sur l’eau la formation spontanée d’une bicouche de feuillets d’oxyde de graphène. Durant la compression, les structures des deux couches se différentient. Cependant, les observations par AFM d’un film transféré indiquent une épaisseur correspondant plutôt à une monocouche (Figure 3). Ceci démontre que le mécanisme de transfert est plus complexe pour ce système que pour les monocouches de Langmuir « classiques ». Une différence de la nature amphiphile des différents feuillets qui composent chacune des couches pourrait expliquer ce phénomène.

Figure 3 : Cartes de topologie mesurée par AFM réalisées à  différentes pressions superficielles.