Une équipe internationale de chercheurs français, italiens et slovènes a décidé de mettre au point un nouveau type de revêtement, plus résistant, pour protéger les statues en bronze de notre mobilier urbain.
Ils sont venus l'étudier sur la ligne de lumière ANTARES du synchrotron SOLEIL, en 2016. Dans le cadre de notre série "Chapitre suivant", nous avons retrouvé les scientifiques filmés en 2016 et leur avons demandé comment leurs travaux de recherche ont avancé depuis.
Dans la vidéo filmée en 2016, Luc Robbiola (TRACES, CNRS) montre sur la statue en bronze "Les Bourgeois de Calais" (Musée Rodin) la détérioration graduelle liée aux intempéries et à la pollution.
Les statues de bronze qu'il nous arrive d'admirer dans l'espace public s'abîment inexorablement. On peut le voir à leur surface zébrée : la pluie fait ruisseler petit à petit le cuivre issu du bronze, et donne une teinte verdâtre au chef-d’œuvre. Comme si ce n'était pas suffisant, un dépôt de pollution urbaine vient recouvrir certains endroits d'une croûte noire. Si rien n'est fait pour contrecarrer ces processus, la statue risque tout simplement, à terme, de disparaître.
Il existe des cires et des résines que l'on peut appliquer sur le métal afin de le protéger. Mais leur efficacité ne dure qu'une dizaine d'années, et n'est pas optimale. Pour défendre notre patrimoine, et mettre au point un meilleur revêtement, il faudrait savoir ce qu'il se passe à l'échelle moléculaire, au plus près de la surface de l’œuvre. Voilà une mission pour... un « archéométallurgiste ». Luc Robbiola est spécialiste de la physico-chimie des métaux anciens, et en 2016, il vient au synchrotron SOLEIL pour mener l'enquête sur les pellicules protectrices.
Il soumet un fragment de bronze enduit, aux puissants rayons X de la ligne de lumière ANTARES. Il comprend ainsi un peu mieux quelles liaisons se forment entre les atomes du polymère et le cuivre, l'étain, le zinc ou le plomb présents dans le bronze. C'est un projet conduit en réalité par une équipe internationale : la France est chargée de la caractérisation, la Slovénie porte son attention sur les composés fluorés, et l'Italie sur les organosilanes. « Le produit élaboré par les italiens donnait de bons résultats – il avait cependant un défaut, il sentait l'ail », se souvient Luc Robbiola avec un sourire.
Ce ne sont pas moins de huit publications qui viennent couronner l'avancée de ces recherches, de 2017 à 2020. Et la doctorante Julia Masi se voit décerner un prix par la revue Coatings.
Pourtant, l'édifice international complexe que constitue un tel projet vient à manquer de financements pour passer à l'étape pré-industrielle. « Nous avons changé de stratégie. Notre méthode était au point, nous avions les outils, la compréhension des phénomènes. Nous sommes passés à un autre métal, l'aluminium ancien » résume Luc Robbiola. Car il existe des objets de patrimoine faits de ce métal : les avions, à partir des années 20. Certains sont des épaves historiques récupérées en mer et amplement dégradées.
Luc se plonge dans « l'archéologie industrielle », afin de connaître les procédés employés par exemple pendant la Seconde Guerre mondiale, pour protéger les aéroplanes. C'est sur la ligne LUCIA du synchrotron SOLEIL qu'il vient analyser les altérations qui interviennent dans le processus de corrosion. Et cette fois, avec un projet rassemblant des équipes française, italienne et tchèque.
Une avalanche de publications résulte à nouveau de l'avancée de ces travaux. « Un produit écologique est même à l'étude, conçu avec des cuticules de tomates, entre autres ingrédients. Il est prometteur, mais il possède une légère teinte orangée non souhaitable ».
Nombreuses sont les questions à résoudre avant d'obtenir le polymère protecteur idéal, et de pouvoir l'évaluer de manière industrielle. Mais Luc Robbiola et son équipe internationale, tel un alliage qui traverse le temps, tiennent bon.