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Maîtriser le transport de faisceaux d'électrons par accélération laser-plasma

Dans le cadre de la subvention du Conseil européen de la recherche (ERC Advanced Grant) « COXINEL » (chercheur principal : M. E. Couprie), une ligne de manipulation spécifique a été conçue et construite au Synchrotron SOLEIL. Ce dispositif est désormais installé au Laboratoire d'Optique Appliquée (LOA), où les électrons LPA sont produits et accélérés.

La découverte des lasers, suivie de celle des lasers à électrons libres (FEL), ont conduit à la mise en œuvre de FEL dans le domaine des rayons X, ouvrant ainsi de nouveaux espaces d'investigation de la matière. En 2018, le prix Nobel de Physique a couronné le domaine des lasers en étant décerné à Gérard Mourou (professeur membre du Haut-collège de l'École Polytechnique) et à Donna Strickland pour leurs recherches sur la génération d'impulsions optiques intenses ultra-brèves, ainsi qu'à Arthur Ashkin pour ses travaux sur les « pinces optiques » qui ont permis de manipuler des cellules vivantes, des virus et des bactéries.

L'invention de G. Mourou et D. Strickland concerne une méthode d'amplification (« amplification par dérive de fréquence ») qui permet de multiplier la puissance du laser par un facteur très élevé. Outre la découverte fortuite de l’impact ciblé d'un laser à haute puissance sur une cornée, qui a conduit à la chirurgie laser pour le traitement de la myopie, ces lasers ultra-rapides ont aussi donné la possibilité de créer et d'accélérer des électrons jusqu'à plusieurs GeV sur des distances ultra-courtes. Le développement de l'accélération à fort gradient par sillage plasma-laser (LPA) est prometteur : il permet de produire des énergies comprises entre 100 MeV et 10 GeV, des courants de crête de l'ordre du kA, des paquets ultra-courts, et des faisceaux d'émittance normalisée de 1 πmm.mrad. Les espoirs placés dans la technologie LPA pour produire du rayonnement synchrotron sur onduleur ou de type laser à électrons sont conditionnés par les paramètres LPA qui n’atteignent pas celles obtenues sur accélérateur conventionnel, en particulier en termes de dispersion d'énergie et de divergence. La démonstration d'un contrôle convenable du faisceau d'électrons constitue le premier défi à surmonter pour des LPA visant à produire du rayonnement FEL, et ceci nécessite de manipuler les propriétés du faisceau d’électrons.

 

Dans le cadre d'une subvention du Conseil européen de la recherche (ERC Advanced Grant) intitulée COXINEL (chercheur principal : M. E. Couprie), une ligne de manipulation spécifique a été conçue (voir la Fig. 1) et construite au Synchrotron SOLEIL, en considérant des faisceaux de 200-400 MeV avec 1 % de dispersion d'énergie, une divergence de 1 mrad, une taille transverse de 1 µm et un courant de crête de 4 kA. Ce dispositif est désormais installé au Laboratoire d'Optique Appliquée (LOA), où les électrons LPA sont produits et accélérés. La divergence est rapidement gérée à l’aide d’un triplet de quadrupôles magnétiques permanents de type QUAPEVA, de force variable et de centre magnétique réglable. Une chicane magnétique étire ensuite le faisceau dans la direction longitudinale, trie les électrons selon leur énergie, et sélectionne la plage d'énergie pertinente via une fente amovible et réglable installée au milieu de la chicane. Un deuxième jeu de quadrupôles adapte le faisceau dans l’onduleur sous vide (onduleur typique de SOLEIL : U20 de 2 m de long, U18 cryo-ready, ou U15 cryogénique de 3 m). Le faisceau d'électrons est caractérisé à l’aide de  transformateurs de courant, de moniteurs de position, et par des écrans scintillateur.

 

Figure 1 : Faisceau COXINEL avec son équipement associé

Le développement du LPA (au LOA) dans le cadre d'une subvention ERC  Advanced Grant X-FIVE utilise un système laser Ti:Saphir délivrant des impulsions de 30 fs d'une énergie de 1,5 J. Pour l'expérience COXINEL (voir la Fig. 2 de la ligne installée), le laser est focalisé sur un jet supersonique de mélange de gaz (Hélium, azote) en régime d’injection d'ionisation pour que le LPA fonctionne de manière stable, en fournissant des faisceaux sur une large plage d'énergie jusqu'à 200 MeV avec une charge de ~ 100 pC de charge et une divergence de 1-5 mrad. Les composants de la ligne de transport et le laser LPA sont alignés à ± 100 μm sur le même axe de référence.

Figure 2 : la ligne COXINEL installée

Après un premier transport de faisceau grossier le long de la ligne où les effets chromatiques jouent un rôle important, une stratégie d'alignement de la position du faisceau utilisant les matrices réponse a été développée pour corriger séparément la dispersion et la position du faisceau grâce à un réglage adapté de l'axe magnétique des QUAPEVA, ce qui permet de limiter les fluctuations de pointé. La force du QUAPEVA est ensuite réglée finement pour optimiser la focalisation à l’énergie souhaitée. Les mesures de transport de faisceau sont en accord avec les simulations pour les caractéristiques mesurées du faisceau (spectre en énergie, profil spatial), comme illustré sur la Fig. 3.

Figure 3 : Faisceau d'électrons COXINEL / mesures de photons et simulations

Une fente dans la chicane sélectionne la plage d'énergie souhaitée. Le rayonnement d'onduleur U18 est caractérisé au moyen d'une caméra CDD avec des filtres passe-bande pour la sélection spectrale, et avec un spectromètre équipé d'une caméra CCD produisant un profil de type  en forme de lune (« moon shape ») qui donne des informations sur la qualité du faisceau. La possibilité d'observer l'amplification FEL dépend fortement des paramètres du faisceau LPA qui peuvent être obtenus expérimentalement, et la qualification du LPA pour l'application FEL reste encore à l'état de Graal.

En conclusion, les chercheurs ont montré que les propriétés du faisceau d'électrons LPA peuvent être manipulées dans une ligne de transport adéquate qui permet de gérer la dispersion en énergie et la divergence. Ces résultats ouvrent la voie au rapprochement des communautés des accélérateurs conventionnels et LPA en vue d’applications futures, telles que les lasers à électrons libres ou les futurs collisionneurs, qui nécessitent plusieurs étages de modules d'accélération LPA.