La mission japonaise JAXA Hayabusa2 a rapporté des échantillons de l'astéroïde primitif carboné Ryugu. Les analyses de ces échantillons par un groupe international dirigé par le Prof. Tomoki Nakamura (Univ. Tohoku, Japon), ont permis de proposer un scénario retraçant l'histoire de Ryugu, incluant sa formation lors de la fragmentation de son astéroïde parent.
Les laboratoires français impliqués sont IAS, ICP, IJCLab, ISMO (Université Paris-Saclay/CNRS), SOLEIL, IMPMC (Sorbonne-Université/CNRS/MNHN), IPAG (Univ. Grenoble-Alpes/CNRS), IPGP (Univ. Paris Cité/CNRS) et LESIA (Observatoire Paris-Meudon/CNRS), avec le soutien du CNES.
Les échantillons de Ryugu contiennent des minéraux (silicates hydratés, carbonates, magnétite) ainsi que des matériaux organiques et de l'eau carbonatée. Une petite proportion des minéraux de la surface de Ryugu se sont formés proche du Soleil. Ryugu a une composition remarquablement similaire à la météorite d'Orgueil, tombée en France en 1864, qui est conservée au MNHN à Paris. Orgueil appartient à une classe rare de météorites, elle est utilisée comme référence pour la composition moyenne du système solaire. Les échantillons de Ryugu offrent ainsi un aperçu unique sur ce type de matériau primitif.
Le champ magnétique primordial enregistré dans les minéraux magnétiques de Ryugu suggère que son astéroïde parent s'est formé dans des régions éloignées du Soleil. Une simulation numérique tenant compte des caractéristiques mesurées dans les échantillons de Ryugu, suggère que le corps parent de Ryugu faisait une taille ~100 km et s'est formé ~2 millions d'années après la formation du Système Solaire. Au cours des 3 millions d'années suivantes, sa température a atteint ~50°C, entraînant des réactions d’altération aqueuse. Par la suite, un impacteur (de taille < ~10 km) a désagrégé l’astéroïde parent. L’astéroïde Ryugu s'est ensuite agrégé à partir de matériau qui était éloigné du point d'impact.Les résultats des recherches de l'équipe d'analyses initiales « Stone » d’Hayabusa2 (dirigée par le Prof. Tomoki Nakamura, Université de Tohoku, Japon) ont été publiés dans Science le 22 Septembre 2022.
Figure 1 (A) Image microscopique optique du plus grand échantillon C0002 analysé et (B) Vue tomographique de l'intérieur de l'échantillon obtenu par analyse de micro-tomographie aux rayons X par rayonnement synchrotron à SPring-8 (Japon). On peut voir que l'ensemble de l'échantillon est composé d'un matériau à grain fin (gris).
Contribution de l’IAS et de SOLEIL
Les équipes de l'IAS et de la ligne SMIS de SOLEIL se sont focalisées sur l'étude de la composition minérale de différents échantillons de Ryugu, allant de petits grains de quelques microns jusqu'à des pierres de taille millimétrique. Ces travaux ont utilisé l'imagerie hyperspectrale* infrarouge (2D et 3D) dans une large gamme de longueurs d'onde, couplée à la microscopie Raman et à la microscopie électronique (ICMMO, CentraleSupelec), grâce à des préparations d'échantillons développés spécifiquement pour cette mission (collaboration CentraleSupelec, IEMN-Lille). Les spectres infrarouges des grains de Ryugu ont été comparés à ceux de différentes météorites primitives pour contraindre son origine et son évolution.
Sur SMIS, les cartes hyperspectrales ont été réalisées sur des échantillons submillimétriques de l'astéroïde Ryugu, dans le domaine dit de l’infrarouge moyen (longueurs d’onde entre 3 et 15 µm), à la plus haute résolution spatiale accessible –mesures effectuées tous les 10 µm environ. Des spectres globaux supplémentaires ont été enregistrés pour chaque échantillon dans l'infrarouge lointain (longueurs d’onde entre 15 µm et 1 mm).
Ces cartes hyperspectrales révèlent la variabilité des groupements chimiques fonctionnels à l’échelle de quelques micromètres et l'association intime des phyllosilicates et des composants aliphatiques de l'astéroïde. Ces mesures montrent que les échantillons de Ryugu rapportés sur Terre par la mission japonaise Hayabusa 2 de la JAXA sont dans l'ensemble similaires aux chondrites de type CI1 (chondrites pierreuses carbonées), mais avec un taux de groupements chimiques CH2/CH3 sensiblement plus élevé que celui généralement mesuré dans ce type de chondrites collectées sur Terre.
* imagerie hyperspectrale : en couplant la microscopie et la spectroscopie d’absorption, simultanément à plusieurs longueurs d’onde (ici dans le domaine infrarouge), sur une zone de l’échantillon, on obtient une cartographie de la composition chimique de la zone étudiée.