A l’été 2021, quelques milligrammes de grains de poussière prélevés sur l’astéroïde Ryugu à plus de 340 millions de kilomètres de la Terre, dans le cadre de la mission spatiale japonaise Hayabusa-2, ont pu être analysés par différents laboratoires internationaux. Parmi ces laboratoires, la ligne de lumière SMIS de SOLEIL.
Excitation de la découverte de ces précieux échantillons, premières analyses… suivez l’équipe de l’Institut d’Astrophysique Spatiale d’Orsay sur la ligne SMIS en regardant notre nouvelle vidéo.
Transcription audio
- Il y a quelque chose là ! Il est beau, il est magnifique…
- Mets au point !
Voix off
Rares sont les grains de poussière qui suscitent autant d’enthousiasme. Mais ces grains-là ont fait un très long voyage avant d’arriver jusqu’au synchrotron SOLEIL. Prélevés sur l’astéroïde Ryugu à plus de 340 millions de kilomètres de la Terre, ils ont déambulé dans l’espace durant presque deux ans avant d’être récupérés en Australie, en décembre 2020, par l’Agence spatiale japonaise responsable de la mission Hayabusa-2.
Rosario Brunetto, responsable de l’équipe Astrochimie et Origines (IAS/CNRS)
La mission a collecté 5,5 grammes de matière à la surface de l’astéroïde, à deux endroits différents. Et une fraction de ces grains sont en ce moment en train d’être analysés par différents laboratoires dans le monde. Une mission comme celle-là est quand même assez exceptionnelle.
Il est beau le grain, il est grand…
Voix off
Les équipes de l’Institut d’Astrophysique Spatiale et du synchrotron SOLEIL n’en sont pas à leurs premiers échantillons extra-terrestres. Familières des météorites, elles ont aussi eu l’occasion d’analyser des poussières de la comète Wild-2 et de l’astéroïde Itokawa dans le cadre de la mission Hayabusa-1. Mais cette fois-ci, les chercheurs ont la primeur des analyses.
Zélia Dionnet, post-doctorante en physique (IAS/CNES)
Stefano Rubino, doctorant en physique (IAS)
Là on est un peu dans une avant-première parce qu’on découvre les grains, il y a de la matière carbonée, il y a des choses intéressantes... ce n’est pas du tout le même contexte. La dernière fois que l’on a fait ça pour Hayabusa-1, c’était dans le cadre d’un appel d’offres, cela faisait 5 ans que les grains circulaient dans la communauté, on connaissait. On n’avait pas le même ressenti du tout...
Là, on est à la frontière de ce que l’on est en train de découvrir.
Il y a une espèce de sentiment de découverte qui est beaucoup plus excitant.
Voix off
Une excitation d’autant plus palpable que les petits grains reçus appartiennent à un astéroïde primitif d’un genre à part.
Zahia Djouadi, physicienne et maître de conférences (IAS/Université Paris-Saclay)
Ça été choisi parce que c’est un petit astéroïde de type C, c’est-à-dire que normalement il est censé contenir de la matière organique. Parce que l’idée, derrière, en fait, c’est d’essayer de regarder l’origine de la vie.
Rosario Brunetto
Par rapport à la question de l’apport sur la Terre primitive d’eau ou de matière organique – qui aurait pu éventuellement aider à l’émergence de la vie sur Terre, on ne sait pas en fait – la question de l’apport relatif entre astéroïdes et comètes reste ouverte. Mais on a de plus en plus l’idée que les astéroïdes ont joué un rôle important dans cette histoire.
Alice Aléon-Toppani, géologue et maître de conférences (IAS/Université Paris-Saclay)
Le but d’étudier ces astéroïdes, c’est de se dire qu’on a des petites poussières qui se sont formées, qui ont enregistré ce qui s’est passé, il y a 4,5 milliards d’années. Nous on joue au détective, et à partir de la compréhension de ces petites poussières, on essaye de remonter au moment de la formation de notre système solaire.
Zahia Djouadi
Là l’idée c’est d’agrandir la fenêtre d’analyse et de voir si j’arrive à mieux le « faire parler ».
Voix off
Les scientifiques ont reçu de l’Agence spatiale japonaise une trentaine de grains de sable noir, mesurant entre 50 et 100 microns, enfermés dans des porte-échantillons. Et c’est ici, sur la ligne SMIS que ces messagers originaires de la lointaine ceinture d’astéroïdes vont délivrer leurs premières informations.
(Rosario)
Donc là nous avons 6 grains de l’astéroïde sur ce porte échantillon, et maintenant on va aller les mesurer sur le microscope infrarouge.
(Stefano)
Lui, il est petit, il doit faire 50 microns par 50 microns. La mesure est faite en prenant en compte tout le faisceau qui passe à travers cette fenêtre de 100 microns.
Christophe Sandt, scientifique de la ligne SMIS (Synchrotron SOLEIL)
La spectroscopie infrarouge est une spectroscopie d’absorption, donc on va regarder quelles sont les longueurs d’onde qui sont absorbées par l’échantillon. Et de ces absorptions, qui vont donner des pics assez fins, on va être capable de dire « il y a telles liaisons chimiques dans l’échantillon », par exemple on va voir qu’il y a des liaisons silicium-oxygène dans les minéraux qui composent le grain, et peut-être des liaisons carbone-hydrogène dans la matière organique qui est intégrée dans ce grain.
Alice Aléon-Toppani
Donc c’est une technique non-destructive, mais qui caractérise à la fois la matière silicatée -qui compose plutôt les roches- et puis la matière organique. C’est assez puissant en fait, puisqu’on arrive à voir un peu les deux à la fois, ce qui n’est pas le cas de toutes les autres techniques.
Voix off
Après une analyse globale de ces grains, ces derniers vont être sortis avec précaution de leur écrin pour être auscultés en 3D grâce à la micro-tomographie, à SOLEIL et au synchrotron SPring-8 du Japon, puis ils vont être tranchés en fines sections afin de pousser encore plus loin les investigations sur l’astéroïde Ryugu. Les premiers résultats sont attendus fin 2021.
Christophe Sandt
On a tout un catalogue de spectres avec qui on peut comparer pour identifier quels sont les composés chimiques présents dans les grains. Et le Graal, ce serait de découvrir des fonctions chimiques inattendues, aussi.
Alice Aléon-Toppani
De toutes façons, cet échantillon n’existe pas dans nos collections, donc moi je peux m’attendre à tout.
Zahia Djouadi
Il y a toujours des surprises de toutes les façons ! On s’attend aussi à des surprises…