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Étude in situ de la synthèse de films TiS2 par dépôts alternés de molécules organiques & inorganiques

Les dichalcogénures de métal*, lamellaires, constituent une classe de matériaux exceptionnels présentant des propriétés électroniques et chimiques remarquables à l'échelle de quelques monocouches.
Des scientifiques de Grenoble et Lyon font état de la synthèse en deux étapes d'un film mince lamellaire de disulfure de titane (TiS2) sur une plaquette - ou « substrat plan » - d'oxyde de silicium thermique.
Un ensemble de techniques d’analyse mises en œuvre sur la ligne de lumière SIRIUS de SOLEIL, associé à l’ellipsométrie, ont permis d’observer et contrôler in situ le processus de synthèse dans son entier.

Le disulfure de titane (TiS2) est le plus léger et le moins cher des dichalcogénures de métal de transition*. Ses propriétés électriques lui confèrent de nombreuses applications potentielles telles que les électrodes positives dans les batteries Li-ion ou les supercondensateurs, ou d'autres domaines d'application (optique, thermoélectricité, photovoltaïque...).

Figure 1 : schéma de l’organisation atomique du composé lamellaire TiS2. Les atomes de titane sont entourés de 6 atomes de soufre. Les lamelles ou feuillets de TiS2 sont séparés de 0,57 nm. (©Phys. Rev. B 99, 165122).


L’accès à des films ultraminces, continus, cristallins et texturés (caractéristique relative à la dimension latérale et l’orientation des feuillets dans le film), sur des substrats possiblement non cristallins et de grande surface, est nécessaire à leur intégration dans les filières applicatives.

Des scientifiques du LMGP, du CEA-Leti, du CEA-IRIG, du CP2M, de l'IRCELyon, de l'IPVF et de la ligne SIRIUS ont réussi à fabriquer des films ultra-minces continus et texturés de TiS2 sur des substrats plans d’oxyde de silicium, et ce en utilisant une voie de synthèse en deux étapes. De plus, la mise en œuvre de techniques d’observation et d’analyse in situ sur la ligne SIRIUS leur a permis d’étudier les mécanismes de croissance et de recuit, et d’accélérer la mise au point du processus de fabrication.

La synthèse en deux étapes a été développée dans un réacteur portable construit sur mesure au LMGP et monté sur la tour à 6 axes du diffractomètre NewportTM de la ligne SIRIUS (Figure 2). Cette installation permet d'utiliser un ensemble complémentaire de techniques d’analyse in situ : la réflectivité des rayons X, les spectroscopies de fluorescence et d'absorption des rayons X et la diffusion des rayons X en incidence rasante.

Figure 2 : Réacteur de dépôt chimique en phase vapeur (processus « ALD/MLD », cf texte) construit pour des études synchrotron in situ sensibles à la surface, installé sur la tour du diffractomètre de la ligne de lumière SIRIUS.

À l’issue de la première étape, un film amorphe (de type thiolate de titane) est obtenu à 50°C par réaction entre un précurseur de métal inorganique (le tétrakis(diméthylamido)titane) et une molécule organique contenant du soufre (1,2-éthanedithiol, une source de soufre moins toxique que le gaz H2S) déposés alternativement sur un substrat plan SiO2/Si de 100 nm d'épaisseur (processus dit « ALD/MLD » pour « atomic layer deposition /molecular layer deposition »).

Les caractéristiques uniques de la ligne SIRIUS permettent d'enregistrer simultanément les intensités d’émission de fluorescence X du titane et du soufre, elles ont rendu possible le contrôle de leurs teneurs respectives lors du processus de fabrication (figure 3). De même, les spectres d’absorption X du titane et du soufre ont pu être enregistrés dès les premiers stades du dépôt du film, apportant ainsi des informations sur l’évolution de l’environnement atomique des deux atomes.

Figure 3 :
(a)
intensité d’émission de fluorescence X de Ti
(b) spectres d’absorption X de Ti.

Lors du recuit thermique, le film se transforme et fait apparaître des feuillets TiS2 orientés préférentiellement parallèlement à la surface du substrat SiO2 (texture). La qualité des films a été évaluée par une combinaison de techniques d’analyse dont la spectroscopie d’absorption X (figure 3 (b)), la spectroscopie Raman (figure 4 (a)), la microscopie électronique à transmission (figure 4 (b)) et la spectroscopie de photoémission réalisée en laboratoire (CEA-Leti), post-fabrication.

Figure 4 :
(a) Spectre de diffusion Raman
(b) image de microscopie électronique à transmission en coupe transversale d’un film mince recuit (40 cycles ALD/MLD).

Cette dernière a montré la présence de TiS2 et de carbone résiduel. La texture du film a été confirmée à l’échelle macroscopique par dichroïsme linéaire d’absorption X.

De plus, les mesures de résistivité et l’ellipsométrie spectroscopique suggèrent que les films minces synthétisés sur les substrats plans SiO2/Si se comportent comme des semi-conducteurs fortement dopés.

 

Conclusion

En recherchant des méthodes de dépôt à grande échelle pour fabriquer des films ultra-minces de chalcogénures de métal lamellaires, texturés, sur substrat amorphe, les scientifiques ont appliqué une stratégie de synthèse innovante basée sur le dépôt alterné d'un précurseur de métal et d’une molécule organique soufrée suivi d'un recuit spécifique pour préparer du disulfure de titane (TiS2). Le contrôle du processus de synthèse a pu être effectué grâce à des études réalisées in situ sur SIRIUS au cours de l’ensemble du processus, à des caractérisations structurales et chimiques ex situ approfondies réalisées post-fabrication et à la modélisation chimique expérimentale sur des billes de silice de grande surface.

 

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet ANR ANR-18-CE09-0031.

 

* Les dichalcogénures de métaux de transition (TMD en anglais) sont des matériaux qui existent sous forme de « feuillets » constitués de 3 couches d’atomes seulement, séparés par un intervalle dit de van der Waals qui limite l’interaction entre les feuillets ; on parle de matériaux à 2 dimensions. Leurs propriétés physiques sont très anisotropes. Ils sont du type MX₂ : M est un atome de métal de transition, X un atome chalcogène, le plan d'atomes M est pris en sandwich entre deux couches d'atomes X.