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Deux médailles scientifiques récompensent Karim Benzerara, scientifique de la ligne HERMES

Karim Benzerara, scientifique sur la ligne de microscopie X-mous HERMES, s’est vu décerner la Médaille de Bronze du CNRS 2009 et la Médaille Houtermans de l'European Assocation of Geochemistry 2010. De quoi donner envie d’en savoir plus sur le parcours et les recherches effectuées par ce jeune scientifique.

 

Karim, vos deux médailles récompensent respectivement : « le premier travail d'un chercheur, qui fait de lui un spécialiste prometteur dans son domaine » et « le travail d’un scientifique de moins de 35 ans, qui a apporté une contribution exceptionnelle au domaine de la géochimie ». Sur quoi porte ce travail ?

Mon travail a porté sur l'étude des interactions entre les microorganismes et les minéraux, ou comment les microorganismes peuvent former ou dégrader des minéraux. Il s'agit de mieux comprendre les  mécanismes impliqués dans ces processus grâce à une caractérisation fine à la fois des minéraux mais aussi des polymères biologiques impliqués. Il y a diverses implications. La première est que ces interactions laissent dans les roches des traces qui peuvent subsister pendant des milliards d'années. Ces études aident alors à mieux comprendre quelles traces de la vie peuvent être recherchées dans les roches et ce qu'elles nous apprennent.

Une deuxième implication est plus environnementale. Certains microorganismes peuvent former des minéraux qui vont piéger des polluants inorganiques, d'autres peuvent dégrader des minéraux contenant des polluants et participer donc au relargage de polluants. Il donc important de mieux saisir l'importance de ces processus dans l'environnement et les paramètres contrôlant leur variation.

Enfin, il y a bien sûr des implications pour les gens intéressés par la microbiologie environnementale (c'est à dire comment les microorganismes interagissent avec leur milieu), ainsi que des implications médicales puisque certaines calcifications pathologiques peuvent avoir une origine infectieuse.

 

Quel a été votre parcours professionnel, jusqu'à ces recherches ?

Après une thèse à l'université Paris 7_IPGP soutenue en décembre 2002, je suis parti en post doctorat à l'université de Stanford chez le professeur Gordon E Brown où j'ai découvert l'utilisation du rayonnement synchrotron et notamment la microscopie utilisant les X mous (STXM) au Lawrence Berkeley National Laboratory. J'ai ensuite été recruté au CNRS, en 2005, en tant que chargé de recherche.

A HERMES, je vais continuer à exercer dans le domaine de la Biominéralogie (que l’on peut aussi appeler Géomicrobiologie).

 

Que pourra vous apporter la ligne HERMES pour effectuer ces recherches ?

La spectromicroscopie dans le domaine des X mous permet de caractériser la spéciation d'éléments légers comme le carbone, l'azote, l'oxygène et le soufre qui sont autant d'éléments majeurs des polymères biologiques. Elle permet aussi d'étudier la spéciation (notamment l’état rédox) d'éléments plus lourds comme le fer ou l'arsenic. Le tout à nanoéchelle. C'est donc à ce jour un instrument unique pour étudier les systèmes qui m'intéressent et qui mêlent le vivant et le minéral à des échelles submicrométriques.

Si, pendant longtemps, les lignes de STXM dans le domaine des X mous n'ont été accessibles qu'aux USA, elles se sont développées eu Europe ces dernières années (SLS, Bessy II). La possibilité d'avoir enfin une telle ligne en France sera une chance inestimable de pouvoir aller beaucoup plus loin dans l'utilisation de ces potentialités, en développant des nouvelles méthodes de préparation, de détection et de traitement des données, et d'animer une communauté nationale diversifiée au niveau des thématiques scientifiques et des savoir faire.

 

Et que pensez-vous pouvoir apporter à l'équipe HERMES et aux utilisateurs de la ligne ?

J'espère apporter mon expérience d'utilisateur du STXM (préparation des échantillons, acquisition des données et traitement); faire profiter de ma connaissance de la communauté internationale des utilisateurs et opérateurs de STXM pour améliorer sans cesse les performances du microscope qui sera mis en place. Et enfin, utiliser ma connaissance des communautés nationales des sciences de la Terre et de l'environnement ainsi que de la microbiologie environnementale pour permettre le développement de la communauté des utilisateurs de la ligne HERMES.

 

Comment souhaitez-vous faire évoluer votre travail - en termes de sujet  de recherche notamment ?

J'envisage deux pistes pour les quelques années à venir. Mieux comprendre les acteurs biochimiques au sens large (enzymes, polymères polysaccharidiques etc..) impliqués dans la formation de minéraux par les microorganismes. D'autre part, mieux comprendre les conséquences de la formation de minéraux sur la physiologie des cellules, leur viabilité et notamment déterminer si la formation de minéraux est létale, un avantage ou bien neutre pour les cellules ou les populations microbiennes.

HERMES sera un formidable outil qui impliquera aussi des développements méthodologiques spécifiques et nécessitera le développement d'une meilleure compréhension des spectres XANES mesurés sur les échantillons complexes, car très hétérogènes, qui sont souvent inhérents aux sciences de la Terre, de l'environnement ou du patrimoine.

 

* la ligne HERMES (High Efficiency and Resolution beamline for x-ray Microscopy and Electron Spectromicroscopy) ouvrira aux utilisateurs en 2011

Karim Benzerara au cours d’une de ses expériences de ‘Scanning Transmission X-ray Microscopy’ (STXM) au synchrotron NSLS (Brookhaven) en Mars 2009.