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Des skyrmions à la surface – Un nouvel état magnétique topologique découvert par diffusion élastique résonante de rayons X sur SEXTANTS

La quête de meilleurs supports de l'information reste une tâche majeure en recherche sur les technologies de stockage de données. Le candidat idéal doit être stable face aux perturbations extérieures telles que des fluctuations de température ou de champ magnétique, il doit pouvoir être déplacé à faible coût énergétique, et lu facilement, tout en présentant un faible encombrement permettant des densités de stockage élevées. Les skyrmions magnétiques remplissent ce cahier des charges, c’est pourquoi ils font l’objet d’un contrôle de leur capacité à stocker les données.

Des chercheurs de la ligne de lumière SEXTANTS, de l'université ShanghaiTech, de Diamond Light Source (groupe de Spectroscopie magnétique), et de l'Université d'Oxford ont découvert un nouvel état de skyrmions de surface existant dans les champs appliqués dans le plan, ce qui contraste fortement avec la géométrie habituelle hors du plan. Leurs résultats sont publiés dans NanoLetters.

Le principal avantage des skyrmions est dû à leurs propriétés topologiques : la configuration particulière de leur moment magnétique, c'est-à-dire la structure auto-protectrice en vortex, résiste à certaines distorsions. Leur topologie induit aussi des effets électromagnétiques nouveaux permettant de les manipuler et de les détecter beaucoup plus efficacement.

Figure 1 : Illustration (a) de l'état de skyrmions conventionnel dans le plan, et (b) du nouvel état perpendiculaire de skyrmions dans le système non centrosymétrique de Cu2OSeO3. Tandis qu'un skyrmion planaire conventionnel occupe une aire de A=d2 (où d est le diamètre du skyrmion), un skyrmion perpendiculaire présente un encombrement latéral bien inférieur de A = w d (où w est la largeur de la crête), ce qui est avantageux pour les applications de mémoires à base de skyrmions.

En principe, la manière la plus directe d'utiliser les skyrmions dans des dispositifs de mémoire consiste à affecter l'état logique 0 ou 1 à l'absence ou à la présence d'un skyrmion dans une mémoire à circuit magnétique. Beaucoup des composants nécessaires à une réalisation expérimentale de cette technologie ont été décrits récemment dans la littérature. Deux problèmes essentiels subsistent néanmoins. Premièrement, les skyrmions doivent être contrôlés pour qu'ils restent à distance pendant leur mouvement le long du circuit, c'est-à-dire que l'information codée doit être préservée. Deuxièmement, la densité de stockage dans cette conception conventionnelle de circuit est régie par le diamètre du skyrmion, comme illustré dans la Fig. 1a. De manière analogue à la création d'une mémoire perpendiculaire, une version améliorée peut être réalisée en disposant les bits en une « grille de skyrmions perpendiculaires » comme illustré dans la Fig. 1b. Dans ce cas, la densité de stockage est seulement régie par la profondeur des skyrmions, car l'épaisseur des skyrmions tend théoriquement vers zéro en raison de leur nature bidimensionnelle !

Figure 2 : Géométries d'une expérience REXS sur une grille de skyrmions magnétiques. (a) Géométrie dans le plan. (b) Géométrie hors du plan présentant les tubes de skyrmions typiques.

Lorsqu'elle a réalisé l'étude REXS avec la géométrie dans le plan (Fig. 2a) et non avec la géométrie hors du plan couramment étudiée (Fig. 2b) sur le cristal bien connu de Cu2OSeO3, l'équipe de recherche a été surprise de l'émergence d'un état de réseau de skyrmions exotique. L'équipe a constaté que le réseau de skyrmions survivait à très basse température, contrairement aux skyrmions classiques connus pour n‘exister que dans des petites poches dans les champs hors du plan (Fig. 3a). En fait, à basse température, les skyrmions se contentent de « flotter » à la surface de l'échantillon volumique, au-dessus d'une mer de spirales coniques, à la manière d'une « terrine de chocolat aux cigarettes russes » (Fig. 3b). L'épaisseur de cet état de surface est estimée à seulement 120 nanomètres en tirant parti de la dépendance énergétique de la profondeur de sondage (Fig. 3c). En effet, la longueur de pénétration REXS (notée λ et correspondant à une baisse d'intensité de 1/e) est tracée dans la figure en fonction de l'énergie de photon. Les points bleus représentent les énergies utilisées pour les états sensibles à la surface (931,2 eV) et sensibles au volume (926,2 eV). En outre, en appliquant un champ magnétique oblique, l'équipe a démontré que le réseau de skyrmions de surface était fortement « accroché » à la surface et résistait aux inclinaisons du champ.

Figure 3 : (a) Diagramme de phase magnétique déterminé par REXS. Hormis l'état de skyrmions de volume bien connu, qui existe dans une petite poche (rouge) du diagramme de phase, l'état de skyrmions de surface a été détecté dans un espace des paramètres beaucoup plus étendu. (b) Cet état de surface ressemble au célèbre dessert français, avec des tubes de skyrmions liés à la surface. (c) Le facteur essentiel pour mesurer la dépendance à la profondeur des structures magnétiques est la dépendance énergétique de la profondeur de sondage magnétique. Tandis que la profondeur sondée est très superficielle à la résonance (~32 nm), les photons sondent une profondeur bien plus importante hors de la résonance (~120 nm).

La découverte de skyrmions accrochés à la surface a des implications importantes pour les applications technologiques à base de skyrmions magnétiques. Premièrement, la surface fournissant un potentiel attractif pour les skyrmions, la conception des surfaces et des interfaces permet un contrôle précis des propriétés des skyrmions. D'autre part, la robustesse des skyrmions de surface contre les variations de température et de champ magnétique en fait des prétendants idéaux pour réaliser des bits magnétiques. Enfin, la capacité à créer une orientation perpendiculaire rendra possible de nouveaux concepts techniques pour les mémoires à base de skyrmions.

 

Remerciements :

Semiconductor Research Corporation (SRC)
EPSRC (UK) (EP/N032128/1)
SOLEIL et Diamond pour le temps de faisceau