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Des mesures de viscosité sur PSICHE contribuent à dévoiler la structure du manteau inférieur terrestre

Un groupe de recherche international dirigé par le Dr. Longjian Xie de l’université de Okayama (actuellement postdoc à l'Institut bavarois de recherche en géochimie et géophysique expérimentales (BGI) de l'Université de Bayreuth) a réussi pour la première fois à mesurer la viscosité de silicates fondus dans des conditions de pression et de température du manteau inférieur terrestre grâce aux installations disponibles dans les synchrotrons SPring-8 et SOLEIL. Les données obtenues sont compatibles avec l'hypothèse selon laquelle une couche rocheuse riche en bridgmanite s'est formée au début de l'histoire terrestre, lors de l’épisode de cristallisation de « l’océan magmatique », à une profondeur d'environ 1000 kilomètres - à la frontière avec le manteau supérieur. En outre, ces données indiquent que cette couche aurait pu survivre jusqu’à maintenant. Les chercheurs ont présenté leurs résultats dans la revue scientifique Nature Communications.

Afin d’atteindre les températures nécessaires à ces mesures, les chercheurs ont utilisé un élément chauffant de leur conception à base de diamant dopé au bore, un conducteur électrique présentant un très haut point de fusion. Ils ont notamment été en mesure d'examiner des échantillons dans une presse multi-enclumes à des pressions atteignant 30 gigapascals et à des températures de près de 3000 degrés Celsius, qui sont des conditions semblables à celles régnant dans le manteau inférieur des débuts de la Terre. Ces échantillons ont été choisis en raison de leur composition semblable aux minéraux principaux rencontrés dans le manteau inférieur. Les processus de fusion se produisant dans la presse multi-enclumes ont été observés au moyen d'une caméra ultra-rapide (1000 images/seconde), et la viscosité du matériau fondu a pu être mesurée par l’enregistrement de la chute d’une petite bille de rhénium placée au-dessus de l’échantillon (Fig. 1).

Figure 1 : Observation expérimentale de la chute de la bille
(a) Images radiographiques séquentielles enregistrées à ~24 GPa et ~2873 K durant la chute d’une bille de rhenium d’environ 65 μm de diamètre.
(b) Position de la bille en fonction du temps. Cette position a été ajustée à l’aide d’une fonction gaussienne sur chaque image (symbolisée en bleu). La viscosité du liquide peut être calculée une fois déterminée la vitesse limite (ligne pointillée en rouge)

(c) Courbe de vitesse de la bille en fonction du temps (intervalles de 10ms). La ligne rouge pointillée représente le meilleur ajustement des données localisées au niveau du “plateau de vitesse”, correspondant à la vitesse limite.

Les premières expériences réussies ont été menées sur la ligne de lumière PSICHE du Synchrotron SOLEIL (Fig. 2) et avec l’aide de l’équipe de la ligne de lumière ANATOMIX pour la partie imagerie rapide. Grâce à l’utilisation d’un faisceau rose à basse énergie les données bénéficient d'un excellent contraste (essentiel pour bien mesurer la position de la bille à chaque image (voir fig.1) alors que le flux de faisceau X très élevé rend possible l’enregistrement d’images à haute cadence (1000 i/s). Deux temps de faisceau sur PSICHE ainsi que des expériences complémentaires à SPring-8 (ligne BL04B1) ont été nécessaires pour collecter suffisamment de données.

Figure 2 : Le Dr. Longjian Xie préparant une expérience sur la ligne de lumière PSICHE du Synchrotron SOLEIL, à Saint Aubin, près de Paris.
© Dr Longjian Xie, avec son aimable autorisation.

Les données obtenues permettent de mieux comprendre les mécanismes en jeu lors de la cristallisation du manteau terrestre à partir de l’océan magmatique primordial. Une cristallisation fractionnée et donc un fractionnement chimique, avec un enrichissement en MgO d’un large réservoir mantellique à une profondeur d'environ 1000 kilomètres est clairement envisagé. « Les données que nous avons mesurées sont compatibles avec l'hypothèse de la formation à cette profondeur d'une couche rocheuse contenant une forte teneur en bridgmanite sous l'action de processus de cristallisation. Cette couche pourrait être responsable de la viscosité élevée observée à cette profondeur dans les études géophysiques antérieures » explique le Dr. Longjian Xie.