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Décryptage du comportement électronique de la molécule de CO ionisée

Des expériences de spectroscopie Auger et de photoémission menées à SPring8 et SOLEIL aident à décrypter le comportement électronique de la molécule de CO ionisée.

Les résultats, publiés dans New Journal of Physics par des chercheurs de laboratoires suédois, japonais, allemand et français, montrent que ce type d’analyses pourrait dorénavant permettre d'étudier des états électroniques hautement excités d'ions moléculaires se recouvrant partiellement avec des structures provenant des spectres Auger normaux, et n'ayant pas été observés directement par spectroscopie de photoélectrons.

Lorsqu'un atome ou une molécule isolée sont exposés à un rayonnement électromagnétique d'une énergie élevée, un électron de cœur peut être promu vers une orbitale vide ou bien être éjecté dans le continuum.

Le premier processus, la photoexcitation, est résonant, ce qui signifie qu'il se produit à une valeur d'énergie de photon correspondant à une transition spécifique, généralement située en dessous d'un seuil de photoionisation.

Le processus de photoionisation (cas n°2) peut se produire pour toute valeur d'énergie de photon supérieure à la valeur du seuil d'ionisation. Toutefois, d'autres phénomènes résonants sont susceptibles de se produire dans le continuum de photoionisation. Les résonances du continuum les plus couramment étudiées sont des résonances dites de forme ; il s'agit d'effets monoélectroniques dans le continuum, juste au-dessus des seuils d'ionisation des niveaux de cœur. Ils sont dus à l'existence d'une barrière de potentiel capable de piéger temporairement un photoélectron, qui finit par la franchir par effet tunnel et à s'en échapper. Les états doublement excités constituent un autre type de résonance du continuum ; ils peuvent se trouver au-dessus d'un seuil d'ionisation et se superposent fréquemment avec les résonances de forme. Ces états se désexcitent de la même façon que les processus Auger résonants, avec un électron de valence comblant le trou de la couche interne et un autre étant éjecté dans le continuum. Le trou du cœur créé par un processus de photoionisation se relaxe par un processus Auger normal.

Deux synchrotrons pour combiner les techniques

Dans cette étude réalisée à plusieurs énergies de photons, dont une correspondant à la résonance de forme, les chercheurs ont effectué une analyse très détaillée des spectres Auger normaux de CO obtenus après photoionisation de O 1s. Cette approche leur a permis de séparer les contributions résonantes - non résonantes qui se superposent dans certaines gammes d’énergie cinétique. De plus, ils ont réussi à identifier l'état initial doublement excité et l'état final ionisé du processus Auger résonant. Cet état final s'est avéré être un état hautement excité, d'énergie supérieure aux régions étudiées jusqu'à présent par spectroscopie de photoélectrons.  

Une première série d'expériences de spectroscopie Auger a été menée sur la ligne de lumière 27SU (X-mous) du centre de rayonnement synchrotron SPring-8, au Japon.

Une deuxième série d'expériences, incluant la répétition des spectres électroniques Auger et la mesure de spectres complémentaires haute résolution de photoélectrons O 1s, a été menée sur la ligne de lumière PLEIADES (X-mous), à SOLEIL.

Les Figures 1 et 2 correspondent aux spectres Auger et de photoélectrons O 1s de CO, enregistrés à 600 eV (Fig. 1) et 550 eV (Fig. 2) d’énergie de photons. La différence principale entre les spectres de photoélectrons O 1s réside dans la variation de la forme spectrale, attribuée à un effet PCI (pour Post Collision Interaction) : le photoélectron dont l’énergie cinétique est faible lorsque l’énergie de photon est juste au-dessus du seuil d’ionisation, se voit doubler par l’électron Auger, généralement très énergétique. Cet effet dépend de l'énergie de photon. En ce qui concerne les spectres Auger, outre les variations de forme spectrale causées par les changements observés dans les spectres de photoélectrons, la différence principale réside dans la présence d'une composante supplémentaire, notée res. Auger, dans le spectre obtenu à 550 eV.

Figure 1 : Spectres (a) de photoélectrons et (b) Auger relevés à une énergie de photon de 600 eV. Dans les deux spectres, les lignes en trait plein reliant les points de données représentent les résultats de l'ajustement, et les lignes pointillées représentent le fond. Dans les spectres de photoélectrons, les sous-spectres représentent les différents sous-états vibrationnels de l'état de cœur ionisé, tandis que les sous-spectres des spectres d'électrons Auger indiquent les progressions vibrationnelles des décroissances Auger vers les états finaux a1S+, b1P et A3S+

Figure 2 : Spectres de (a) photoélectrons et (b) Auger relevés à une énergie de photon de 549,85 eV. Le sous-spectre en trait plein gras du spectre d'électrons Auger représente les contributions des décroissances résonantes Auger de l'état doublement excité.

Les chercheurs ont clarifié la nature de la composante supplémentaire en s’appuyant sur sa dépendance angulaire (non montrée), sur des procédures de fits avancées, et sur des arguments énergétiques. Ils l’ont identifiée comme étant dérivée de la relaxation d'un état doublement excité situé dans le continuum, vers un état final avec deux trous de valence et un électron excité.  De manière plus détaillée, la structure électronique d'un tel état final est 4s−2 3ls.

Jusqu'à présent, les transitions Auger résonantes étaient le plus souvent étudiées dans un régime d'énergie cinétique situé en dessous des transitions Auger normales. Cette étude permet de conclure qu'en combinant une résolution expérimentale de pointe et des procédures de fits avancées, il est possible d’extraire un processus de relaxation électronique complexe, subséquent à une photoexcitation vers des états doublement excités se recouvrant avec une résonance de forme.

De telles analyses permettront d'étudier des états hautement excités d'ions moléculaires partiellement confondus avec des structures provenant des spectres Auger normaux, et n'ayant pas été observés directement par spectroscopie de photoélectrons.