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Crever des bulles – Holographie inclinée de bulles magnétiques sur SEXTANTS

Les skyrmions magnétiques sont des vortex d’aimantation nanoscopiques dotés du potentiel d'ouvrir de nouvelles applications passionnantes pour les dispositifs de spintronique grâce à leurs propriétés topologiques et de transport novatrices.

Une équipe internationale de chercheurs de SOLEIL (ligne de lumière SEXTANTS), du Projet Skyrmion UK (Universités de Durham, Cambridge et Warwick au Royaume-Uni) et de l'Université d'Exeter a utilisé l'holographie résonante de rayons X pour étudier les états exotiques de paires de skyrmions appelés biskyrmions, dont l'existence a été rapportée dans certains systèmes ferromagnétiques centrosymétriques.

Ces résultats publiés dans la revue ACS Nano prouvent que ces biskyrmions pourraient ne pas exister, ce qui suggère que les publications précédentes auraient mal identifié des bulles magnétiques isolées. Cette étude a utilisé l'imagerie holographique avec des géométries d'échantillon inclinées pour cartographier la chiralité des parois de domaine formant ces domaines-bulles et déterminer leur structure topologiquement qui se révèle être triviale.

Les premiers signalements de biskyrmions proviennent d'études par microscopie électronique à transmission de Lorentz (LTEM), une technique courante d'imagerie électronique utilisant la déviation d'électrons traversant le champ magnétique d'un échantillon pour imager la structure magnétique de ce dernier. Cette technique offre une résolution spatiale élevée mais cartographie aussi le champ magnétique parasite de l'échantillon, ce qui peut déformer les images et complexifier l'interprétation. L'imagerie par rayons X, qui sonde uniquement l’aimantation d'un échantillon, a été utilisée dans cette étude pour déterminer sans ambiguïté la structure de ces textures magnétiques (Figure 1).

Figure 1 : Projections d'imagerie de rayons X de skyrmions, de bulles topologiquement triviales et de biskyrmions à incidence normale et inclinés à 30ͦ. Schéma de la géométrie holographique inclinée.

Les chercheurs ont utilisé l’imagerie holographique à transformée de Fourier sur la ligne de lumière SEXTANTS pour produire des images de rayons X à très haute résolution des textures magnétiques contenues dans un alliage ferromagnétique centrosymétrique MnNiGa. Le contraste magnétique de telles images est obtenu en accordant l'énergie (correspondant à un niveau d’absorption X du matériau) et la polarisation du faisceau de rayons X en exploitant un phénomène nommé dichroïsme circulaire magnétique (XMCD). Ceci permet ainsi de réaliser une imagerie à l’aimantation spécifiques des atomes de l’alliage, ce qui a permis dans cette étude de montrer que l'ordre magnétique des sous-réseaux Mn et Ni était mutuellement ferromagnétique (Figure 2). Ces résonances spécifiques aux éléments sondés se situent à différentes énergies. Grâce à la haute résolution spatiale accessible sur la ligne de lumière SEXTANTS, il a ainsi été possible d’observer le changement dans les résolutions spatiales des images qui correspond à une différence de longueurs d'onde de rayons X. Ainsi des résolutions spatiales de 23 ± 4 nm sur le seuil Mn-L3 et de 17 ± 4 nm sur le seuil Ni-L3 ont été obtenues. La différence de résolution spatiale est directement visible dans la figure 2.

Figure 2 : Images holographiques de rayons X du même état de bulle désordonné sur les seuils d'absorption résonants Mn-L3 et Ni-L3.

Les bulles à simple cœur observées n'étaient pas compatibles avec la structure proposée pour les biskyrmions. Cependant, avec des images projetées uniquement à la normale du plan de l'échantillon, il n'était pas possible de déterminer la direction d'enroulement des parois de domaine des bulles, ce qui constitue une caractéristique essentielle pour déterminer la topologie des états de type vortex. En inclinant l'échantillon, une contraction symétrique des bulles compatible avec des bulles topologiquement triviales a été observée (Figure 3).

Figure 3 : Images holographiques de rayons X de bulles magnétiques triviales à incidence normale et inclinée. Des balayages en ligne de l'état et les profils simulés associés sont présentés.

Dans un contexte plus large, cette étude présente des preuves convaincantes de l'utilité des méthodes d'imagerie de rayons X résonants dans le domaine du magnétisme à l'échelle nanométrique. Les projections inclinées ouvrent la voie vers des méthodes d'imagerie tomographiques et laminographiques plus avancées, qui constituent l'étape suivante en imagerie magnétique sur les synchrotrons.