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Comment le bois sèche-t-il ?

Le séchage du bois repose sur des mécanismes mal connus, où intervient de l’eau sous forme liquide dans les cavités (lumens) des cellules, mais aussi adsorbée dans ses parois. Des scientifiques du laboratoire Navier (CNRS/École des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel), de la ligne ANATOMIX à SOLEIL et du Laboratoire de mécanique et génie civil (CNRS/Université de Montpellier) ont montré que l’eau adsorbée sert de « pont » pour que l’eau liquide puisse s’extraire des lumens du bois, lui permettant ainsi d’atteindre la surface et de s’y s’évaporer. Cette étude est parue dans la revue Physical Review Applied.

Après la coupe des arbres, le bois dit « vert » est le plus souvent séché pour qu’il soit en équilibre hygroscopique avec le milieu de son utilisation. Ce séchage permet de réaliser des ouvrages plus stables en limitant les variations dimensionnelles et de diminuer les risques de dégradations par des attaques biologiques. Bien que ce matériau soit utilisé depuis des millénaires, les mécanismes internes du séchage restent mal connus. On sait cependant que, dans le bois « vert », l’eau existe essentiellement sous deux formes différentes. L’eau libre est présente en phase liquide dans les fibres et les vaisseaux des arbres feuillus. L’eau liée se retrouve quant à elle dans les parois des cellules, sous forme d’eau adsorbée au niveau des composés lignocellulosiques constitutifs des parois

Afin de comprendre comment l’eau libre atteint la surface du bois pour s’en évaporer, une équipe de scientifiques du laboratoire Navier menée par Sabine Caré et Philippe Coussot, de SOLEIL et du Laboratoire de mécanique et génie civil a multiplié les mesures et observations pendant le séchage d’échantillons de bois de peuplier, prélevés après l’abattage de l’arbre (figure 1 a). Outre les pesées successives de ces échantillons permettant de suivre l’évaporation de l’eau au cours du temps d’une manière globale, l’équipe a effectué des analyses plus sophistiquées. D’une part, elle a utilisé la résonance magnétique nucléaire (RMN) au laboratoire Navier pour un suivi dynamique du départ de l’eau libre et l’eau liée. D’autre part, avec l’aide initiale d’un autre chercheur de Navier et utilisateur fréquent de SOLEIL, Michel Bornert, l’équipe a conduit une série de mesures de microtomographie aux rayons X par contraste de phase (figure 1 b) disponible sur la ligne de lumière ANATOMIX du Synchrotron SOLEIL avec des mesures in-situ effectuées à une résolution de 1,3 µm (taille de voxel). Ces analyses ont permis d’identifier les mécanismes de séchage en analysant les mouvements de l’eau libre à l’échelle des lumens. Ces résultats ont été possibles grâce aux caractéristiques d’imagerie 3D rapide de la ligne ANATOMIX qui permet des suivis des évolutions avec une excellente résolution temporelle.

Figure 1 - Gauche : Photo d’un échantillon de peuplier maintenu verticalement dans un récipient obtenu par impression 3D permettant des essais in situ d’imbibition et monté sur la station de microtomographie d’ANATOMIX (Crédit photo : Navier).
Droite : Image par microtomographie aux rayons X de peuplier en cours de séchage. Les vaisseaux et fibres avec de l’eau libre apparaissent en bleu, les vaisseaux et fibres sans eau libre en blanc-orange clair et les parois des cellules en orange foncé. (Crédit image : Penvern et al.)

L’équipe a constaté que le bois séchait à vitesse constante, ce qui correspond habituellement à des effets capillaires dominants. Or, une bonne partie de l’eau libre se situant dans les lumens des fibres très peu connectées entre elles, ce phénomène de capillarité n’est pas possible. Les résultats obtenus par l’équipe ont permis à celle-ci d’établir un modèle selon lequel l’eau libre est adsorbée dans les parois du bois et se transforme ainsi en eau liée. Celle-ci sert alors de « pont » pour acheminer l’eau jusqu’à la surface. Au fur et à mesure que cette eau liée s’évapore à la surface libre, l’eau libre restante se répartit dans le bois et le processus d’évacuation se poursuit jusqu’à un séchage suffisant pour des applications techniques et industrielles.

Figure 2 : Principe du séchage du bois : (I) état initial, (A) et (B) départ de manière homogène de l’eau libre des fibres et vaisseaux vers les parois cellulaires et diffusion de l’eau liée vers la surface libre, (C) présence d’un gradient de teneur en eau avec départ de l’eau liée par évaporation au niveau de la surface supérieure. © Penvern et al.