Aller au menu principal Aller au contenu principal

Auto-assemblage en épitaxie « verticale » de nanofils d’alliages ferromagnétiques : une approche combinatoire

Des chercheurs de l’Institut des NanoSciences de Paris (CNRS-UPMC), en collaboration avec des équipes de SOLEIL et de l’UVSQ, ont mis au point une nouvelle technique d’élaboration de nanofils d’alliage épitaxiés en matrice. Ces résultats  sont publiés dans la revue ACS Nano.

L’hétéro-épitaxie1 de structures « horizontales » est un moyen bien établi d’obtenir un empilement cohérent de matériaux distincts et, de fait, d’élaborer des systèmes aux propriétés originales ayant un intérêt dans de nombreux domaines de la physique : de l’optoélectronique à l’électronique de spin en passant par le magnétisme. Ces dernières années ont vu émerger un nouveau type d’hétérostructures épitaxiales, dites « verticales », où un matériau croît sous forme de nano-piliers ou nanofils en épitaxie dans une matrice d’un autre matériau. Cette géométrie permet par exemple d’envisager des progrès dans le domaine des nano-composites multifonctionnels, ou encore le contrôle des déformations le long de l’axe des fils…

Une nouvelle technique pour obtenir des nanofils d’alliage

La technique d’élaboration utilisée dans cette étude repose sur une approche combinatoire de l’ablation par laser pulsé illustrée en figure 1. En déposant de façon séquentielle, en proportions contrôlées dans un régime sub-monocouche, du Co, du Ni et de l’oxyde de cérium sur un substrat de SrTiO3(001), il est possible d’obtenir des nanofils (de diamètre 4 nm) auto-assemblés d’alliage CoxNi1-x dans une matrice monocristalline de CeO2/SrTiO3(001).

Figure 1: Schéma de principe du procédé combinatoire utilisé pour la croissance de nanofils d’alliage cobalt-nickel épitaxiés dans CeO2/SrTiO3(001). En ajustant la séquence des tirs laser sur les cibles pour déposer le cobalt, le nickel et la matrice en quantités contrôlées dans un régime sous-monocouche, il est possible d’obtenir des nanofils d’alliage cobalt-nickel de composition souhaitée, auto-assemblés et en épitaxie verticale dans la matrice.

Plusieurs techniques pour caractériser les nanofils

Le caractère métallique de ces fils a été démontré par des mesures d’absorption X aux seuils K du Ni et du Co réalisées sur la ligne SAMBA. La cartographie chimique des échantillons, par microscopie électronique en transmission filtrée aux seuils L du Ni et du Co, a permis de mettre en évidence la formation des nanofils au sein de la matrice et de confirmer la formation d’un alliage : Co et Ni sont bien présents simultanément dans les fils. Cette conclusion est renforcée par les mesures d'absorption X aux seuils K : la structure autour des atomes de nickel et de cobalt est modifiée en même temps et suivant le rapport entre les deux espèces.

Figure 2 : (a-b) Vues planes en microscopie électronique, filtrées aux seuils L du cobalt et du nickel. Les disques sont la signature de la présence des fils d’alliage vus selon la direction de croissance, [001]. (c) Cartographie du réseau réciproque d’un système de fils de nickel épitaxiés dans CeO2/SrTiO3(001). (d) Spectres d’absorption des rayons X aux seuils K du nickel et du cobalt montrant le caractère métallique des fils et la formation d’alliage cobalt-nickel. Dans les spectres des fils d’alliage, l’intensité des deux pics repérés par les traits pointillés verticaux est caractéristique d’une structure cubique fcc.

Le système obtenu est épitaxial : CoxNi1-x est en épitaxie cube-sur-cube avec la matrice, elle-même épitaxiée sur le substrat. Ceci a pu être établi par des mesures de microscopie électronique en transmission à haute résolution et de diffraction des rayons X, notamment sur la ligne SIXS.

Une composition des nanofils programmée

La possibilité de contrôler la composition par la séquence utilisée pour la croissance a été vérifiée : le rapport Co/Ni dans les fils est bien celui programmé. Ceci permet d’ajuster l’anisotropie magnétique des fils obtenus : en partant de fils de nickel pur et en augmentant la proportion de cobalt, on obtient des nanofils avec une anisotropie magnétique de plus en plus grande.

En principe, cette méthode est généralisable à d’autres composés et permet de contrôler une propriété physique dépendant de la composition des nanofils ou nanopiliers épitaxiés. Dans le cas des alliages cobalt-nickel, les travaux dans un futur proche s’orientent vers une optimisation du rapport Co/Ni tout en conservant une structure cristallographique cubique. Ceci n’est pas possible en volume pour des pourcentages trop élevés de Co : le système transite alors vers la phase hexagonale compacte. La situation pourrait s’avérer différente dans des fils de très faible diamètre épitaxiés en matrice…

D’une manière générale, il reste encore beaucoup à comprendre sur l’épitaxie, les contraintes et leur relaxation dans ce type de nano-objets.

Ces activités ont bénéficié du soutien financier du C’nano IdF et de l’ANR (ANR-2011-BS04-007-01).

 

1 – Epitaxie : technique de croissance orientée, l'un par rapport à l'autre, de deux cristaux possédant un certain nombre d'éléments de symétrie communs dans leurs réseaux cristallins. On distingue l'homo-épitaxie, qui consiste à faire croître un cristal sur un cristal de nature chimique identique, et l'hétéro-épitaxie, dans laquelle les deux cristaux sont de natures chimiques différentes (d’après Wikipédia).