Aller au menu principal Aller au contenu principal

Aimants torsadés : des nanomatériaux imprimés en 3D révèlent de nouveaux états magnétiques

Des scientifiques ont utilisé l'impression 3D pour façonner des nanomatériaux imitant la structure torsadée de l'ADN, révélant ainsi de nouvelles façons de contrôler le magnétisme par la géométrie. Une équipe internationale — comprenant des chercheurs de la ligne de lumière HERMES, du laboratoire national d'Argonne, de l'université de Loughborough et de l'Université Technique de Vienne (TU Wien) — a montré que ces structures magnétiques chirales peuvent héberger des vortex magnétiques complexes.
En utilisant la ptychographie magnétique par rayons X sur la ligne HERMES, ils ont imagé ces états avec une grande précision, démontrant ainsi comment la forme tridimensionnelle peut influencer le comportement magnétique dans les technologies informatiques du futur.

Une équipe internationale de chercheurs a démontré comment la géométrie peut être exploitée pour contrôler le magnétisme à l’échelle nanométrique, en imprimant en 3D des nanostructures artificielles imitant la forme de l'ADN. Ce travail ouvre de nouvelles perspectives pour le développement des dispositifs magnétiques de prochaine génération, destinés à l’informatique avancée.

De nombreux objets dans la nature sont chiraux, ce qui signifie ne peuvent être superposés à leur propre image dans un miroir — comme nos mains ou la célèbre double hélice d'ADN. En nanomagnétisme, les scientifiques s'intéressent particulièrement à la création de textures magnétiques chirales, telles que les vortex et les skyrmions. Ces motifs tourbillonnants à base de spin pourraient un jour servir à stocker ou à traiter des données dans des mémoires ou dispositifs logiques magnétiques.

Jusqu’à présent, la majorité des nanostructures magnétiques étaient plates et bidimensionnelles. Les chercheurs s'intéressent désormais à la manière dont des géométries tridimensionnelles pourraient générer de nouveaux comportements magnétiques, nécessitant pour cela de nouveaux outils pour les fabriquer et les observer.

Grâce à une impression 3D de pointe, l'équipe a créé de minuscules structures en cobalt en forme de double hélice — semblable à un brin d'ADN, mais fabriqué à partir d'un matériau magnétique (figure 1). Cette structure combine des torsions gauches et droites, offrant une plateforme unique pour étudier comment la géométrie influence les propriétés magnétiques.

Figure 1 : Image en microscopie électronique de la double hélice de cobalt imprimée en 3D, combinant une région à chiralité droite (RH : haut) et une région à chiralité gauche (LH : bas), se rejoignant au niveau du plan noté *.

Parce que le cobalt est magnétique, la forme de ces nanofils favorise la formation de textures d’aimantation en vortex, en accord avec leur chiralité. Mais en raison de la complexité de la structure, des états magnétiques encore plus exotiques peuvent également apparaître.

Le rôle clé de SOLEIL : imager le magnétisme à haute résolution

Pour observer ces états magnétiques, l'équipe a utilisé la ptychographie magnétique par rayons X sur la ligne de lumière HERMES du synchrotron SOLEIL. Cette technique d'imagerie, développée sur HERMES, combine la microscopie STXM et de la diffraction cohérente. Elle permet d’atteindre une résolution extrêmement élevée, non limitée par la diffraction des optiques classiques.

Grâce à la ptychographie magnétique par rayons X (figure 2), les chercheurs ont pu visualiser directement l’arrangement des spins magnétiques dans les nanofils dans différentes conditions.

Figure 2 : Schéma de la technique de ptychographie magnétique par rayons X utilisée sur HERMES pour imager l’état magnétique de la nanostructure en double hélice.

Ils ont découvert qu'à champ magnétique nul, les nanofils développaient des tubes de vortex magnétiques dont la chiralité correspondait à celle de la structure. En appliquant puis retirant un champ magnétique externe selon une séquence précise, ils ont également pu générer un état plus complexe : un skyrmion fractionnaire, dans lequel l’alignement entre la chiralité magnétique et la chiralité géométrique est rompu dans certaines régions (figure 3).
Ces observations confirment que c'est la géométrie 3D elle-même, et non uniquement la nature du matériau, qui permet de contrôler l'état magnétique.

Figure 3 : Image obtenue par ptychographie magnétique par rayons X de la nanostructure en double hélice et simulations des états magnétiques associés (vortex en haut et skyrmion fractionnaire en bas) dans les deux régions chirales.

Ce travail a été réalisé par une collaboration internationale impliquant des chercheurs du synchrotron SOLEIL (ligne HERMES), du laboratoire national d'Argonne, de l'université de Loughborough, de TU Wien, de l'université de Cambridge, du Laboratoire Albert Fert, de l’Institut Max-Planck de physique chimique des solides et de l’université de Glasgow. Il a été principalement financé par le projet ERC 3DNANOMAG. Les capacités d'imagerie de la ligne HERMES ont été essentielles pour observer et valider directement les textures magnétiques.

Cette avancée ouvre une nouvelle voie pour concevoir et contrôler le magnétisme en 3D, en utilisant la géométrie comme outil. Les prochaines étapes viseront à fabriquer des nanostructures 3D encore plus complexes pour explorer d'autres états magnétiques exotiques, tels que des textures nouées ou protégées topologiquement.
En approfondissant notre compréhension des interactions entre géométrie et magnétisme, cette recherche ouvre la voie à de nouvelles technologies magnétiques, plus petites, plus rapides et plus efficaces, essentielles pour les technologies vertes de demain. Elle souligne également la puissance des techniques d'imagerie avancées, comme la ptychographie magnétique développée à SOLEIL, pour visualiser des états magnétiques complexes avec une résolution exceptionnelle.