Aller au menu principal Aller au contenu principal

PSICHE : Imagerie 3D en temps réel et en conditions extrêmes

La caractérisation des matériaux dans des conditions de pression et de température élevées présente un grand intérêt en sciences de l’Univers et science des matériaux. Beaucoup d’efforts ont été consacrés au développement de l'imagerie tomographique tridimensionnelle (3D) in situ en conditions extrêmes, pour des études non destructives de matériaux de structure hétérogène.
Sur la ligne PSICHE il est possible de réaliser des expériences de tomographie X à grande vitesse dans des conditions de hautes pression et température. Ceci permet d’acquérir des tomographies complètes à haute résolution en 10 secondes seulement, au lieu des 20 minutes habituellement nécessaires avec cette technique. On obtient ainsi une visualisation directe de systèmes en évolution rapide ou instables, tels que les liquides en écoulement ou les composants en réaction, tout en évitant les hypothèses d'interprétation dans le cas d’échantillons trempés*.

La tomodensitométrie à rayons X (XCT) est l’outil non destructif le plus puissant permettant de visualiser la structure interne d’un échantillon. Il est couramment utilisé pour étudier le comportement des matériaux sous contrainte. Le XCT est largement appliqué aux échantillons trempés. Cependant, les caractérisations in situ peuvent être cruciales dans les cas de phases non trempables ou d’études dynamiques pour lesquelles l’approche « presser, chauffer et observer » n’est pas suffisante. Un paramètre critique pour la caractérisation précise de ces propriétés est la résolution temporelle (par exemple, le temps d’acquisition) à laquelle les changements peuvent être observés, détectés et / ou mesurés.

L'image 3D reconstruite est calculée à partir d'une série de radiographies à rayons X bidimensionnelles. Un ensemble de radiographies est enregistré par petits incréments angulaires sur une rotation de 180 ° par rapport à un axe perpendiculaire au faisceau de rayons X incident. À haute pression, l’imagerie 3D est généralement réalisée à l’aide d’une presse statique haute pression dans laquelle les enclumes peuvent pivoter sous une charge uniaxiale transmise par des paliers de butée. La durée d'acquisition d'un tomogramme dans un tel appareil est principalement limitée par la difficulté de transmettre la charge axiale importante aux enclumes en rotation à travers les roulements ; de ce fait, les durées d'acquisition typiques sont de 20 minutes ou plus.

En utilisant un faisceau rose (large bande spectrale) de flux élevé traversant une presse de type Paris-Edimbourg (PE), l’équipe de PSICHE a pu diminuer ce temps d’acquisition à seulement 10 s. La presse PE est directement installée sur la platine de rotation à forte charge et haute précision de la ligne (Figure 1). Une fois que la valeur de pression souhaitée est atteinte, la presse est isolée de la conduite hydraulique et déconnectée, ce qui lui permet de tourner librement. La température élevée est atteinte grâce à un four interne au porte échantillon, tandis que les enclumes sont refroidies en continu à l'aide d'un circuit d'eau.

Figure 1 : Photographie (en haut) et schéma (en bas) du montage expérimental de la presse de type Paris-Edimbourg (PE) sur la ligne PSICHE. La presse PE est directement installée sur la platine de rotation pour la tomographie. La configuration de la diffraction de César et la configuration de la caméra peuvent être activées et désactivées selon que l’on souhaite travailler en mode diffraction ou imagerie.

L'imagerie à grande vitesse est particulièrement utile pour étudier le comportement et les propriétés des liquides: mesure de la viscosité, tension de surface sur une interface liquide-liquide ou immiscibilité des liquides, par exemple. Pour démontrer le potentiel de ce nouveau dispositif, l’équipe de PSICHE a présenté de premières mesures de propagation du silicate fondu à travers une matrice de silicate solide. Les matériaux de départ consistaient en un mélange de roche magmatique rhyolitique naturelle finement broyée, la matrice de silicate solide étant constituée de cristaux d'olivine grossièrement broyés. Le mélange a été pressurisé à 3 GPa puis chauffé jusqu'au point de fusion de la rhyolite (1100 K), ce qui correspond à des conditions d'environ 100 km de profondeur dans le manteau terrestre. Du fait des quatre colonnes de la presse PE, seule une ouverture angulaire de 135° est disponible pour le scan tomographique.

En appliquant la technique de reconstruction algébrique (ART), un algorithme adapté aux angles de visibilité restreints de l'échantillon, les chercheurs ont pu reconstruire le rendu 3D de la fusion de rhyolite dans le volume de l'échantillon (Figure 2).

Figure 2 : Rendu en volume de la distribution de la masse fondue (en brun) dans le volume d’échantillon, à 3 GPa et 1600 K. En jaune, les billes de fer. La barre d'échelle représente 500 µm.

 

Le XCT haute vitesse offre la possibilité d’observer en temps réel l’évolution de l’échantillon (Figure 3). Il a ainsi été possible d’observer les mouvements de liquide à travers la matrice et la cristallisation de billes de fer. Le taux de cristallisation pourrait également être mesuré, par exemple.
Le XCT peut être combiné à la diffraction des rayons X à dispersion d'énergie, afin d'étudier la structure des matériaux aux échelles microscopique et atomique.

Figure 3 : Coupe reconstituée de l'évolution de l'échantillon en fonction de la température et du temps.


Cette étude a par ailleurs conduit au développement d'une nouvelle presse, « UToPEC », qui permettra l’obtention d’images 3D en moins de de 10 secondes avec une vue à 165° de l'échantillon.

 

* Echantillon trempé : l’échantillon, d’abord porté à haute pression-haute température, est ramené à pression et température ambiantes. L’objectif est d’essayer de figer la forme qu’il avait dans les conditions HP-HT, mais la plupart du temps cela ne marche pas. D’où la nécessité de faire les mesures in situ, quand l’échantillon est à HP-HT.