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Prix Haüy-Lacroix 2023 attribué à Rémy Pierru, par la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie

La thèse de Rémy Pierru, intitulée « Fusion du manteau à haute pression et haute température : Application à la dynamique de la Terre primitive » avait pour objectif de reproduire expérimentalement les conditions de fusion du manteau terrestre. Le Prix Haüy-Lacroix 2023 récompense la nouveauté de l’approche expérimentale mise en place, notamment pour détecter les premières traces de fusion partielle, et le caractère unique de ces expériences, dont la plupart ont été réalisées sur la ligne de lumière PSICHE, à SOLEIL.

Le travail de thèse de Rémy Pierru, effectué au Laboratoire Magmas et Volcans (LMV, Université Clermont-Auvergne) sous la direction de Denis Andrault et Geeth Manthilake, présente plusieurs nouveaux résultats importants d’expériences de fusion réalisées dans des conditions de pression et de température représentatives du manteau terrestre sec. Plusieurs techniques expérimentales et analytiques ont été utilisées afin d’évaluer correctement comment les processus de fusion affectent la dynamique du manteau, de l’Hadéen jusqu’au Phanérozoique, c’est-à-dire de nos jours (figure 1).

Figure 1 : échelle des temps géologiques
© lelivrescolaire.fr

Des expériences à haute pression ont été réalisées à l’aide de plusieurs presses multi-enclumes, ainsi que d’une cellule à enclumes de diamant (DAC), permettant ainsi de couvrir toute la gamme de pressions du manteau terrestre, soit ≈2-140 Gigapascal, ou 20.000-1.400.000 bars (rappel : la pression atmosphérique est d’environ 1 bar).

Les propriétés de fusion (ou fonte) d’un échantillon de composition de type pyrolitique (composition du manteau inférieur primitif) et de deux échantillons de types bridgmanites (minéraux que l’on retrouve à grande profondeur ≈ 720 km) ayant des chimies différentes, ont été mesurées au laboratoire LMV. Les mesures ont été réalisées à partir des conditions de pression correspondant à la fin de la zone de transition (environ 25 GPa) jusqu’à la limite manteau-noyau (environ 140 GPa), à l’aide d’une cellule à enclumes de diamant couplée à un chauffage laser. L’utilisation de lasers infrarouge pour le chauffage permet de reproduire des températures de plusieurs milliers de degrés kelvin (≈1500-4000K), ce qui est suffisant pour étudier la fusion du manteau terrestre.

Figure 2 : Coupe schématique de la structure de la Terre 
© encyclopedie-environnement.org

D’autre part, sur la ligne PSICHE de nouvelles courbes de fusion pyrolitiques ont été mesurées en presse multi-enclumes couplée à des mesures de diffraction de rayons X, permettant de proposer un nouveau diagramme de phase du manteau supérieur jusqu’à environ 30 GPa (≈800 km). La chimie des phases minéralogiques et du liquide a été analysée avec précision afin de comprendre l’évolution de la chimie suivant le taux de fusion, la température et la pression.

Grâce à ce travail de thèse, l’évolution du taux de fonte du liquide et des proportions volumiques des minéraux dans les échantillons fondus en fonction de la température et de la pression a pu être déterminée avec précision en effectuant des mesures in situ.  Ainsi plusieurs techniques ont été utilisées comme la conductivité électrique de l’échantillon (LMV), l’étude de la minéralogie de l’échantillon par diffraction des rayons X (PSICHE), et finalement la détection de la chute d’une sphère de rhénium dans un échantillon partiellement fondu par imagerie de contraste aux rayons X (PSICHE). Cette étude de la chute de la sphère est une preuve in situ de la fonte de l’échantillon et apporte aussi des informations sur les changements de viscosités au sein de l’échantillon.

Les liquides obtenus ont été comparés à plusieurs laves précambriennes très anciennes pauvres en silice mais riches en fer et magnésium, dans le but de mieux comprendre l’origine des magmas mantelliques et d’identifier les types de liquide qu’il est possible de produire en fondant le manteau supérieur. Un modèle chimique du manteau supérieur a finalement été développé afin d’estimer plusieurs paramètres selon le taux de fusion : les minéraux présents, la chimie, les proportions volumiques, la température ainsi que les propriétés de fusion.

Les implications des résultats de cette thèse pour la compréhension de l’évolution de la fusion du manteau au cours de l’histoire de la Terre, comme la source des magmas des grandes provinces magmatiques archéennes, dépassent largement le cadre de la pétrologie expérimentale.

Rémy Pierru, à présent post-doctorant dans l’équipe MP3 (IMPMC - Sorbonne université), ici à côté de la presse multi enclume de l'IMPMC.