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Optoélectronique : apports des structures hybrides ferroélectrique/semiconducteur

Les nanocristaux semi-conducteurs sont des briques élémentaires très prometteuses pour l'optoélectronique. Au cours des trois dernières décennies, de grands progrès ont été réalisés sur leur synthèse pour contrôler leur taille, leur forme et élargir la gamme de matériaux utilisés. En dépit de ces efforts, la modulation de leur dopage (réglage fin entre leur comportement métallique et isolant en générant des porteurs de charges électriques libres) reste un point bloquant pour leur intégration.

Des scientifiques de l'INSP et du C2N, en collaboration avec la ligne de lumière ANTARES, ont exploré une méthode générique où le contrôle du dopage est réalisé en couplant les couches de nanocristaux avec des domaines ferroélectriques*.

Grâce à leur coût de croissance maitrisé et à leur large accordabilité spectrale (possibilité de changer leur couleur y compris au-delà du visible), les nanocristaux à faible bande interdite -compatibles avec une longueur d'onde d'absorption dans l'infrarouge- apparaissent très prometteurs pour l'optoélectronique infrarouge en particulier pour la détection, domaine dans lequel les technologies actuelles, trop coûteuses, ne peuvent être utilisées pour le marché grand public. Au-delà du choix de la bande interdite, la modulation des propriétés électriques, et en particulier du dopage, joue également un rôle central. Pour les semi-conducteurs "traditionnels" le dopage peut se faire notamment par ajout de petites quantités dimpuretés. Mais dans les nanocristaux des effets d'auto-purification empêchent l'introduction d'impuretés ou conduisent à des dopants électriquement inactifs, c'est-à-dire des charges qui ne transportent pas d'électricité. En raison de cette difficulté, des méthodes reposant sur des transistors ont été développées. Un dispositif à double grille peut être utilisé pour construire à façon le profil de dopage et ainsi former une jonction pn, un élément central de l'optoélectronique utilisé pour les LEDs et les détecteurs. Bien que le concept ait été développé, l'introduction d'électrodes supplémentaires rajoute du bruit dans le composant. Il serait donc préférable de développer des stratégies passives, c'est-à-dire sans appliquer de tension externe pour générer la jonction pn.

Ici, la possibilité de remplacer la grille par des domaines ferroélectriques a été explorée. Un consortium composé du C2N pour la croissance du matériau ferroélectrique, de l'INSP pour la croissance des nanocristaux et de la ligne de lumière ANTARES pour la nano-imagerie, a démontré comment les matériaux ferroélectriques peuvent être utilisés pour générer une jonction pn dans un film semi-conducteur nanocristallin. Les équipes ont choisi le PbZrxTi1−xO3 (PZT) comme matériau ferroélectrique, puis par microscopie piézoélectrique (PFM) ils ont défini deux domaines de polarisation opposée. Enfin, le dispositif a été recouvert d'un film de nanocristaux infrarouges qui est utilisé pour absorber la lumière, voir la figure 1b. Enfin, le nano faisceau de la ligne de lumière ANTARES a permis d’apporter une démonstration directe du couplage entre le matériau ferroélectrique et la structure électronique nanocristalline, voir Figure 1a.

Figure 1 : a. Schéma du dispositif de microscopie à photoémission. b. Schéma du dispositif couplant les domaines ferroélectriques au film de nanocristaux. c. Carte de l'énergie de liaison de l'état 5d du Hg du film de HgTe à la surface des deux domaines ferroélectriques.

Le nano-faisceau leur a permis d'imager comment la structure électronique des nanocristaux est affectée au contact des deux domaines ferroélectriques de polarisation opposée. Ils ont en particulier observé un décalage en énergie pouvant atteindre 115 meV, ce qui correspond à ≈1/4 de la bande interdite optique, voir Figure 1c.

Enfin, les scientifiques ont effectué des mesures électriques et confirmé que les nanocristaux couplés aux domaines ferroélectriques de polarisations opposées, conduisent bien à la formation d'une diode présentant une caractéristique courant-tension rectificative, c’est-à-dire une courbe IV asymétrique dans laquelle le dispositif laisse passer le courant dans un sens, tout en limitant le courant dans le sens opposé.

L'intérêt de cette stratégie est la possibilité de la généraliser à d’autres configurations et matériaux puisqu'elle ne nécessite aucune modification de la couche absorbant la lumière. Désormais, les travaux futurs devront se concentrer sur des stratégies pour coupler cet effet de surface avec une forte absorption de la lumière comme cela est nécessaire pour les photodétecteurs.

 

* Les matériaux ferroélectriques présentent une polarisation électrique spontanée qui peut être inversée par application d’un champ électrique. Cette propriété fait d'eux des candidats très intéressants pour enter dans la composition d'une nouvelle génération de dispositifs électroniques, peu consommateurs d’énergie, avec une grande rapidité de lecture et une densité de stockage très élevée.