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Le cristal qui se prenait pour une éponge : Chapitre suivant

Au synchrotron SOLEIL, sur la ligne de lumière CRISTAL, des chercheurs sont venus en 2014 étudier un matériau aux propriétés étonnantes : une poudre, dont chaque grain est constitué de molécules organisées sous forme de cristaux qui, à l'échelle nanométrique, se comportent comme des éponges. Ces éponges absorbent notamment l'hydrogène, et pourraient par exemple être utiles pour concevoir le réservoir des voitures à hydrogène de demain.
Dans le cadre de notre série "Chapitre suivant", nous avons retrouvé les chercheurs filmés en 2014 et leur avons demandé comment leurs travaux de recherche ont avancé depuis.

En 2014, dans le cadre de sa thèse, Damien Foucher était venu sur la ligne de lumière CRISTAL étudier un matériau aux propriétés étonnantes.

 

Nous sommes en 2014, sur la ligne de lumière CRISTAL de SOLEIL. Lorsque Damien Foucher, doctorant, vient éclairer ses échantillons avec les rayons X produits par cette ligne, il mène une recherche fondamentale. Il veut étudier une molécule étrange : une structure cristalline possédant des trous, des pores, dans lesquels d'autres molécules peuvent être capturées, par exemple de l'eau.
Ces travaux, repris par le chimiste Christian Serre, prennent place en réalité dans l'abondante galaxie des « MOFs », les Metal-Organic Frameworks. Il s'agit de solides poreux et flexibles, dont les pores constituent des pièges particulièrement intéressants pour toute application visant à s'emparer d'autres molécules.

Christian Serre se souvient : « Les MOFs ont été découverts dans les années 90 et ont littéralement explosé dans les années 2000, avec une première application permettant de capturer le dioxyde de carbone des fumées de cimenteries. » Depuis, ce filet à papillons moléculaire a fait l'objet d'une kyrielle de travaux à travers le monde.
Par exemple, si l'on pense à l'hydrogène, gaz auquel on s'intéresse tout particulièrement aujourd'hui, certains MOFs peuvent être employés de façon à le purifier, ou bien le stocker, ou bien encore le séparer de ses isotopes (deutérium, tritium) au cœur des centrales nucléaires.

Mais pour que les pores d'un MOF soient libres et le matériau « activé », il convient de les « nettoyer » au préalable. Paradoxalement, ces interstices sont souvent occupés par des molécules organiques nécessaires à la synthèse même des MOFs. Habituellement, on calcine ces molécules afin de s'en débarrasser – un procédé qui ne permet guère d'envisager une production en quantité industrielle. En 2022, Christian Serre met au point une autre méthode à base de solvant « vert », qui autorise l'activation de plusieurs centaines de grammes de MOF – de quoi passer à l'échelle supérieure. Un brevet sur ce procédé est d'ailleurs déposé avec le CNRS.

Christian Serre crée dans le même esprit une start-up, SquairTech, qui développe des matériaux performants dans l'amélioration de la qualité de l'air, en permettant notamment de se débarrasser des polluants de l'atmosphère intérieure que sont les formaldéhydes – reconnus comme cancérogènes. Les MOFs trouvent ainsi un rôle au sein d'applications surprenantes. « L'armée américaine a même conçu des textiles pour les vêtements militaires, pouvant neutraliser des agents gazeux neurotoxiques », commente le chimiste.

En vue d'étayer la compréhension de ces « cristaux-éponges », Christian Serre a fréquemment recours à un outil de caractérisation polyvalent : le synchrotron. Depuis huit ans, il vient sur PROXIMA 2 à SOLEIL, où il collabore fidèlement avec William Shepard, responsable de la ligne, pour analyser les nouvelles structures cristallines qu'il met au point. Sur la ligne ROCK, il s'attache à la question de la production d'hydrogène à partir de la photolyse de l'eau. Et enfin, la ligne CRISTAL lui permet de décrire ce qui se produit au niveau de MOFs se présentant sous une forme poudreuse. Des MOFs prometteurs parmi beaucoup d'autres...