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La caféine en cosmétique – optimiser sa libération dans l’organisme grâce aux « MOFs »

Les matériaux hybrides poreux cristallisés ou MOFs sont des candidats très prometteurs pour des applications dans des domaines stratégiques tels que la catalyse, la séparation ou, plus récemment, la biomédecine. Une équipe de l’Institut Lavoisier de Versailles, pionnière dans le domaine biomédicale des MOFs, a étudié – notamment sur la ligne CRISTAL - l’encapsulation et la libération de la molécule caféine, qui présente un grand intérêt pour l’industrie cosmétique de par son activité liporéductrice.

Les MOFs (Metal-Organic-Frameworks) sont typiquement constitués d’un assemblage d’entités inorganiques (clusters, chaînes, plans…) et de ligands organiques associant plusieurs fonctions complexantes (carboxylates, phosphonates…)[i].

Ces solides cristallisés possèdent un réseau de cavités ou de canaux avec une porosité considérable (diamètre des pores F= 3 - 60 Å ; Surface spécifique SBET = 100-6000 m2.g-1 ; volume total des pores V = 0.2-4.0 cm3g-1). La versatilité de leur structure (connectivité/porosité et topologie modulables,…) et de leur composition chimique font des MOFs des candidats très prometteurs pour des applications dans des domaines stratégiques tels que la catalyse, la séparation[i,ii] ou, plus récemment, la biomédecine.[iii] Notamment, leur porosité importante et régulière ainsi que la présence d’un environnement amphiphile (possédant à la fois une partie hydrophile et un groupement hydrophobe; cation et ligand organique), bien adapté à l’adsorption de médicaments de structure et de composition variées, ont permis d’atteindre des capacités d’encapsulation remarquables et des libérations progressives en conditions physiologiques.[iv,v] Une compréhension approfondie tant de l’encapsulation que de la libération du principe actif à partir de vecteurs de type MOFs s'avère cruciale pour mieux contrôler ces processus. Cela a motivé les travaux récents d’une équipe de l’Institut Lavoisier, pionnière dans ce domaine, qui se sont focalisés sur la rationalisation de l’encapsulation de molécules thérapeutiques dans une série de MOFs.[vi]

Dans ce contexte, une étude systématique des principaux facteurs gouvernant l’encapsulation des principes actifs et leur cinétique de libération depuis des MOFs présentant des topologies et des compositions chimiques diverses a été réalisée en combinant diverses techniques expérimentales avec la simulation numérique. La caféine qui, pour le domaine de la cosmétique, possède une activité liporéductrice remarquable, a été sélectionnée. En effet, la faible efficacité actuelle des formulations de caféine sur le marché est due principalement à sa forte tendance à cristalliser, ce qui conduit à des capacités faibles (< 5% en masse) et des libérations non contrôlées. [vii]

Les MOFs se sont révélés des candidats très prometteurs afin de surmonter ce verrou technologique de l’industrie cosmétique (publication associée). Notamment, des taux d’encapsulation exceptionnels de 50 % en masse ont été atteints en utilisant des MOFs biocompatibles, tels que le trimésate de fer(III) mésoporeux MIL-100(Fe). En outre, la structure de MOFs  flexibles contenant la caféine a pu être analysée grâce à une combinaison de données de diffraction X poudre haute résolution collectées sur CRISTAL, et de simulations numériques (Théorie de la Fonctionnelle de la Densité), afin de mieux comprendre la conformation de la caféine et ses interactions avec les atomes formant les pores.

 

Par ailleurs, la libération de caféine dépend fortement de la nature du milieu : en conditions sériques (tampon phosphate pH = 7.4, 37°C), la caféine est rapidement libérée suite à la dégradation du MOF, tandis qu’en milieu cutané physiologique simulé (eau pH = 6.3, 37°C), la caféine est délivrée progressivement principalement à cause de son degré de confinement et des interactions MOF-caféine. Ainsi, considérant une administration cosmétique type comprise entre 8 et 24 h, les MOFs poreux les plus prometteurs pour l’administration voie cutanée de la caféine sont le trimésate de fer(III) mésoporeux MIL-100(Fe) et le téréphtalate de zirconium microporeux UiO-66(Zr), qui associent des capacités d’encapsulation records et des libérations progressives sur 24 h.

 

[i] Férey G., Chem. Soc. Rev., 2008, 37, 191; Chem. Soc. Rev, 2009, 38, 1201; Chem. Rev., 2012, 112, 673.

[ii] Acc. Chem. Res, 2005, 215; J. Solid State Chem., 2005, 2409; Férey G. et al., Chem. Soc. Rev., 2011, 40, 550.

[iii] Horcajada P. et al., Chem. Rev., 2012, 112, 1232; Della Rocca J. et al., Acc. Chem. Res., 2011, 44, 957;. Imaz I. et al., Chem. Comm., 2011, 47, 7287.

[iv] Horcajada P. et al., Angew. Chem. Int. Ed., 2006, 118, 6120.

[v] Horcajada, P. et al., Nature Mater. 2010, 9, 172.

[vi] Gaudin C. et al., Micropor. Mesopor. Mater., 2012, 157, 124 ; Cunha D. et al., J. Mater. Chem. B, 2013, 1(8), 1101.

[vii] Touitou E., Junginger H. E., Weiner N. D., Nagai T., and Mezei M., J. Pharm. Sci., 1994, 83, 1189.