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Étude operando d'une interface métal-oxyde catalytiquement active

Les matériaux bimétalliques ont ouvert une nouvelle voie susceptible de contrôler la structure électronique et les liaisons chimiques dans les catalyseurs, avec pour conséquence une amélioration des performances catalytiques. Cependant, malgré des efforts considérables consacrés à l'étude de diverses réactions catalytiques, de nombreuses questions ouvertes subsistent quant à l’origine de cet accroissement d’activité. Les variations de structure, de composition chimique et d'état d'oxydation des matériaux bimétalliques dans les conditions de réaction compliquent la compréhension de l'origine de l'activité catalytique accrue des matériaux bimétalliques. 

En combinant la spectroscopie de photoélectrons de rayons X à pression proche de l'ambiante sur la ligne de lumière TEMPO, et la microscopie à effet tunnel à pression ambiante au Japon, des chercheurs en Corée (Institute of Basic Science, Korean Advanced Science and Technology, Gwangju Institute of Science and Technology), au Japon (Keio University, Institute of Materials Structure Science, PF-KEK), et en France (Sorbonne Université) ont montré que la formation d'interfaces métal-oxyde était le facteur essentiel à l'origine de l'effet synergique catalytique dans les catalyseurs bimétalliques.

Les catalyseurs bimétalliques de platine-nickel (Pt-Ni) sont bien connus pour leur excellente activité catalytique en électrochimie et en catalyse hétérogène comme par exemple pour la réaction de réduction de l'oxygène (RRO) des piles à combustibles à hydrogène ou pour l'oxydation du CO. Des études récentes ont révélé que la présence de sites d'interface métal-oxyde formés par la ségrégation en surface de nanoparticules bimétalliques améliorait considérablement l’activité catalytique. Cependant, la nature physico-chimique et le rôle fondamental des interfaces oxyde-métal n'ont pas encore été clarifiés en raison de l'absence de données décisives. 

Pour répondre à ces questions captivantes, une étude a été réalisée dans le cadre d'une collaboration entre des équipes de recherche internationales de Corée (Institute of Basic Science, Korean Advanced Science and Technology, Gwangju Institute of Science and Technology), du Japon (Keio University, Institute of Materials Structure Science, PF-KEK) et de France (Sorbonne Université), ainsi que le centre synchrotron SOLEIL. En combinant la spectroscopie de photoélectrons de rayons X à pression proche de l'ambiante (NAP-XPS) sur la ligne de lumière TEMPO et la microscopie à effet tunnel à pression ambiante (AP-STM) au Japon, cette étude collaborative visait à comprendre à un niveau fondamental le mécanisme de réaction des catalyseurs bimétalliques.

L'équipe a réalisé des observations in-situ de la modulation structurale et des variations chimiques sur des catalyseurs bimétalliques Pt-Ni en conditions d'oxydation du CO, et ont démontré que les catalyseurs bimétalliques Pt-Ni présentaient diverses structures en fonction des conditions de réaction. En conditions de ultra haut vide (UHV), une couche superficielle de Pt se forme sur la surface de l’'alliage Pt-Ni. Sous pression d’oxygène (>100 mbar) il se produit une ségrégation sélective du Ni aboutissant à la formation d'agrégats d'oxyde de Ni en surface. La coexistence de ces agrégats d'oxyde de Ni sur la couche de superficielle de Pt conduit à la formation de nanostructures d'interface Pt-NiO1-x améliorant considérablement l’activité catalytique de l’oxydation du CO dans les conditions de réaction avec un mélange de gaz CO/O2 (1/5). (Fig. 1)

Figure 1. (A-C) Images AP-STM de la surface Pt3Ni(111) exposé à 300K à un mélange de gaz CO/O2 (120 mTorr ; rapport 1:5) obtenues à différents instants de la ségrégation d'oxyde de Ni sur la couche superficielle de Pt [Vs = 1,40 V ; It = 0.21 nA] à (A) 0 s, (B) 54 s, et (C) 108 s . (D) Spectres AP-XPS des niveaux de cœur Ni 2p ( = 1200 eV) et Pt 4f ( = 180 eV) sur la surface de Pt3Ni(111) recouverte de la couche superficielle de Pt sous 100 mTorr d'un mélange de gaz CO/O2 (rapport 1:5) et UHV.

L'équipe de recherche a constaté que la formation de nanostructures d'oxyde de Pt-Ni est une étape importante dans l’augmentation de l’activité de la réaction d'oxydation du CO. Il s'agit de la première visualisation de surfaces bimétalliques en conditions de réaction, et d'une démonstration de l'importance des interfaces métal-oxyde dans la catalyse hétérogène. En outre, l'équipe a calculé la voie réactionnelle thermodynamiquement favorable pour les oxydes de Ni sur la surface de Pt-Ni au moyen de la théorie de la fonctionnelle de la densité. En conclusion, les équipes de recherche ont confirmé que les nanostructures d'interface métal - oxyde métallique offraient une voie réactionnelle thermodynamiquement efficace en abaissant la chaleur de réaction à la surface, ce qui leur confère d'excellentes performances catalytiques.