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Diffusion des électrons dans l’eau liquide - une image au niveau moléculaire donnée par des agrégats d’eau en phase gazeuse

Les processus de diffusion des électrons lors de la photoionisation de l’eau, puis lors du transport de ces électrons quasi-libres à travers le liquide, sont un point crucial pour comprendre les dommages liés aux radiations dans les organismes vivants. Or, les études expérimentales n’avaient jusqu’à présent pas permis d’en donner une image au niveau moléculaire. Des scientifiques de l’ETH Zürich et de SOLEIL ont récemment pu apporter un nouvel éclairage sur ces processus, en utilisant une méthode expérimentale qui permet de mesurer les caractéristiques de la diffusion sur des agrégats triés en taille.

Des électrons lents ayant des énergies cinétiques inférieures à 50 électron volts (eV) interagissent fortement avec les modes électroniques et vibrationnels de l’eau liquide. Le comportement de diffusion des électrons ayant moins de 10 eV d’énergie cinétique est particulièrement complexe. Contrairement à la diffusion à haute énergie, ce régime de diffusion ne peut pas être décrit par des modèles universels et il n’est possible d’obtenir des données précises que par le biais d’expériences. Or, ces électrons lents sont importants pour une meilleure description des processus de dommages liés aux radiations dans les milieux biologiques, dans lesquels des électrons secondaires ayant des énergies cinétiques inférieures à 10 eV sont abondamment libérés après interaction avec une radiation ionisante.

Cette étude des chercheurs de l’ETH a été centrée sur les processus de diffusion d’électrons lors de la ionisation par des photons d’énergie allant jusqu’à 35 eV. Il a été suggéré qu’à ces énergies, deux types principaux de processus de diffusion d’électrons se produisent dans l’eau liquide (Fig. 1) :

i/ la photoionisation elle-même, à savoir la formation d’électrons libres dans la bande de conduction par photoexcitation des électrons de valence (Fig. 1a)

ii/ la diffusion des électrons libres pendant leur transport à travers le liquide (Fig. 1b).

La description du second processus a récemment été établie par un modèle de transport d’électron détaillé par l’équipe de l’ETH. Toutefois, la description du premier processus à partir des données relatives à l’eau liquide est difficile puisque ces données ne fournissent pas d’informations sur le nombre de molécules impliquées.

Figure 1 : (a) Processus de photo-ionisation : Formation d’électrons libres dans la bande de conduction par photoexcitation des électrons de valence. (b) Transport d’électrons : Diffusion d’électrons par les degrés de liberté électroniques et vibrationnels de l’eau liquide.

En fonction de la taille de l’agrégat

Cette question a été abordée par les scientifiques de l’ETH et de SOLEIL, qui ont enregistré des spectres de photoélectron résolus en angle pour des agrégats d’eau de différentes tailles, contenant jusqu’à 20 molécules d’eau individuelles. Ces agrégats sont si petits que toute contribution provenant d’un second processus de diffusion (Fig. 1b) peut être négligée et permet donc l’étude du seul premier processus (Fig. 1a).

Le spectromètre à coïncidence de photoélectrons/photoions par double imagerie (i2PEPICO) de la chambre à jet moléculaire SAPHIRS disponible sur DESIRS a été crucial pour ces études, car il fournit des informations spécifiques à la taille de l’agrégat et évite les problèmes liés à la contribution dominante du monomère d’eau. Des informations sur la diffusion liée au processus de photoionisation lui-même ont été obtenues par l’analyse de l’énergie cinétique et des distributions angulaires des images photoélectroniques mesurées et filtrées en masse. L’évolution, selon la taille de l’agrégat, du paramètre d’asymétrie (b) des distributions angulaires des photoélectrons (PAD) tel que présenté sur la Fig. 2, a révélé que la contribution du processus de photoionisation (Fig. 1a) est totalement décrite en considérant un agrégat d’eau comportant approximativement six molécules d’eau. Cette taille correspond à la première couche de solvatation et à la taille de l’agrégat la plus petite pour laquelle des structures topologiques en anneau deviennent moins stables que des réseaux de liaison hydrogène en trois dimensions.

Figure 2 : Lignes colorées : Paramètre d’asymétrie de la distribution angulaire des photoélectrons (paramètre β) des agrégats d’eau de taille différente correspondant à l’ionisation en couche de valence externe. n est le nombre de monomères d’eau dans l’agrégat. Losanges rouges : Prédiction pour l’eau liquide. Triangle rouge : Donnée expérimentale pour l’eau liquide d’après Nishitani et al., Struct. Dyn., 4, 044014 (2017).

Diffusion d’électrons dans l’eau liquide

Les données expérimentales sur les agrégats et le modèle en deux étapes décrit sur la figure 1 ont permis aux chercheurs de prédire la diffusion d’électrons dans l’eau liquide (losange rouges sur la Fig. 2). La pertinence de cette approche a été récemment confirmée par les premières données expérimentales sur l’eau liquide de Nishitani et al., Struct. Dyn., 4, 044014 (2017) (triangle rouge sur la Fig. 2).

Ce travail ouvre la voie à une meilleure compréhension des processus de diffusion des électrons lents dans l’eau liquide, induits par radiation.