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Des couches de nanoparticules poreuses activées, pour adsorber CO2 et méthanol

Les structures organométalliques (MOFs) poreuses sont des matériaux hybrides conçus spécifiquement, entre autres, pour l'assimilation sélective de certaines molécules. Leurs applications pratiques sont nombreuses : procédés de séparation, stockage de gaz, ou encore capteurs. Après leur synthèse, les nanoparticules de MOF contiennent des molécules (solvants et autres composés chimiques) qui doivent être éliminées par un processus d'activation avant utilisation.

Une équipe internationale de chercheurs de l'Institut des nanosciences et des matériaux d'Aragón (INMA, CSIC et Université de Saragosse, Espagne), de la ligne de lumière SIRIUS de SOLEIL, de l'Institut des nanosciences de Paris (INSP, Sorbonne Université) et de l'Institut des Matériaux Poreux de Paris (ENS Paris), a utilisé sur des couches de MOFs la technique de fluorescence des rayons X en réflexion totale (TXRF) pour étudier la cinétique d'un processus d'échange de solvants – étape, bien connue, utilisée pour obtenir une activation efficace des MOFs.

Les processus d'échange de solvants eau-chloroforme à l'interface air-eau, qui permettent d'optimiser l'activation de la couche -avec une augmentation de 30 % de la capacité d'adsorption du CO2 par les MOFs- ont ainsi pu être étudiés par caractérisation in situ sur SIRIUS. Ces résultats sont publiés dans Journal of Colloid and Interface Science.

Dans ces travaux, deux aspects cruciaux pour le développement des applications pratiques des nanoparticules (NP) à base de structures organométalliques (MOF) ont été étudiés : la formation de couches de MOFs denses et ordonnées avec des nanoparticules de différentes tailles, et l'activation de ces films pour les utiliser dans l'adsorption du CO2 et du méthanol.

La technique de Langmuir-Blodgett (LB) est une méthode très utile pour fabriquer des monocouches compactes et denses de nanoparticules de MOFs à l'interface air-eau, qui peuvent alors être déposées comme revêtements uniformes sur des substrats de différentes natures et formes tels que le quartz, le mica, les électrodes solides entrelacées et sur des tissus contenant des électrodes textiles (Figure 1). En particulier, des études antérieures ont montré que les films LB du MOF microporeux de trimesate d'aluminium appelé MIL-96(Al) (MIL signifiant Matériau de l'Institut Lavoisier) peuvent être utilisés comme couche active dans des capteurs de méthanol et d'humidité, ainsi que pour étudier les processus d'adsorption et de désorption du CO2.

Figure 1 :
Haut : schéma de la formation d'une couche de nanoparticules de MOF à l'interface air-eau par la méthode de LB.
Bas : Image MEB d'une monocouche de LB déposée sur un substrat de verre, et caractérisation in situ du film de nanoparticules de MOF à l'interface air-eau sur la ligne de lumière SIRIUS par GISAXS révélant une couche structurée.

La ligne de lumière SIRIUS de SOLEIL est l’une des rares installations au monde permettant la caractérisation in situ de monocouches à l'interface air-eau. Dans cette étude, la diffraction de rayons X en incidence rasante (GIXD) a prouvé que les nanoparticules maintiennent leur cristallinité interne lors de la formation de couches 2D denses et homogènes et la diffusion de rayons X aux petits angles en incidence rasante (GISAXS) a montré qu’elles s’organisent entre elles (Figure 1). En outre, la technique de fluorescence des rayons X en réflexion totale (TXRF) a été utilisée pour étudier la cinétique d’échange du chloroforme à l'interface air-eau. Les expériences réalisées confirment que le signal Kα du chlore provenant du chloroforme retenu initialement à l'intérieur des particules diminue en continu pendant la formation de la couche (Figure 2). Un modèle bi-exponentiel a été utilisé pour analyser les données expérimentales. Il est caractérisé par un temps caractéristique court (τ1) et un autre significativement plus long (τ2), imputables respectivement au procédé d'échange de solvants du chloroforme faiblement liées puis à l’élimination progressive des molécules de chloroforme fortement liées.

Figure 2 : Étude du procédé d'échange eau/chloroforme à l'interface air-eau sur la ligne de lumière SIRIUS par TRXF. Lors de la compression de la couche, la pression de surface augmente et le signal Kα du chlore diminue.

Les conclusions tirées de ce modèle ont permis d'optimiser l'activation des couches de LB de MOF qui nécessitent différentes durées d'échange selon la taille des nanoparticules. L'activation peut être réalisée in situ (des monocouches sont laissées à l'interface eau-air avant la décomposition de la couche) ou ex situ (des couches de LB déposées sur des capteurs de microbalance à Quartz (QCM) sont ensuite immergées dans de l'eau), ces deux méthodes produisant des valeurs d'adsorption du CO2 semblables. En outre, l’organisation de la couche obtenue par la méthode de LB augmente l'adsorption du méthanol par les couches par rapport à des méthodes plus simples telles que le drop-casting (Figure 3).

Cette étude démontre l'intérêt de la technique de LB pour l'investigation des processus d'adsorption-désorption des gaz et des composés organiques volatiles, ainsi que pour le développement de capteurs de gaz basés sur des couches de MOFs.

Figure 3 :
Haut : Schéma de capteurs QCM (capteur microbalance à quartz) utilisés pour les études d'adsorption du CO2 / méthanol (non couverts et couverts avec une monocouche de MOF).
Bas : Comparaison de l'adsorption du méthanol sur les couches de LB et obtenues par drop-casting, et étude de l'adsorption du CO2 sur des couches de LB non traitées et activées.