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Calculer avec des molécules : un grand pas pour la spintronique moléculaire

À la différence de l'électronique conventionnelle, la spintronique (ou électronique de spin) utilise le spin des électrons pour la détection, le stockage, le transport et le traitement d'informations. Ses avantages potentiels sont la non-volatilité, une vitesse accrue de traitement des données, une plus faible consommation de puissance électrique, et une plus forte densité d'intégration que dans les dispositifs à semi-conducteurs conventionnels. La spintronique moléculaire vise l'étape ultime de miniaturisation de la spintronique en tentant de contrôler activement les états de spin de molécules individuelles.

Des chimistes et des physiciens de l'université de Kiel se sont associés à des collègues de la ligne de lumière DEIMOS à SOLEIL et du synchrotron SLS pour concevoir, déposer et actionner des interrupteurs de spin à molécule unique sur des surfaces. Les molécules nouvellement développées possèdent des états de spin stables et continuent à fonctionner après adsorption sur des surfaces. Ces résultats ont été publiés dans Nature Nanotechnology.

Les états de spin de ces nouveaux composés sont stables pendant au moins plusieurs jours.  « Nous avons utilisé une astuce de conception qui ressemble aux circuits électroniques fondamentaux des ordinateurs, les bascules. La bistabilité ou la commutation (entre 0 et 1) est réalisée en rebouclant le signal de sortie dans l'entrée », explique le Dr. Manuel Gruber, physicien expérimentateur de l'Université de Kiel. Ces nouvelles molécules ont trois propriétés qui sont couplées dans une telle boucle de rétroaction : leur forme (planaire ou plate), la proximité de deux sous-unités (appelée coordination, qui représente oui ou non), et l'état de spin (spin haut ou spin bas). Les molécules sont ainsi verrouillées dans l'un ou l'autre de ces états. Après sublimation et dépôt sur une surface d'argent, les interrupteurs s'auto-assemblent en grilles hautement ordonnées. Dans une telle grille, chaque molécule peut être adressée séparément avec un microscope à effet tunnel, et commutée entre les états en appliquant une tension positive ou négative.

Chaque molécule peut être adressée séparément avec un microscope à effet tunnel, et commutée entre les états en appliquant une tension positive ou négative.
© Jan-Simon von Glasenapp et Prof. Dr. Rainer Herges

« Notre nouveau commutateur de spin réalise avec une seule molécule ce qui nécessite plusieurs composants (transistors et résistances) dans l'électronique conventionnelle. Il s'agit d'une grande avancée vers davantage de miniaturisation » expliquent le Dr. Manuel Gruber et le Dr. Rainer Herges, professeur spécialiste de chimie organique. La prochaine étape consistera à augmenter la complexité des composés pour mettre en œuvre des opérations plus sophistiquées.

La nouvelle molécule a trois propriétés. Seuls deux combinaisons de ces propriétés sont stables. La commutation entre les différents états est réalisée en appliquant de faibles courants tunnels. © Prof. Dr. Rainer Herges

Les molécules sont les plus petites constructions pouvant être conçues et construites avec une précision atomique et des propriétés prévisibles. Leur réponse aux stimuli électriques ou optiques, et leurs fonctionnalités chimiques et physiques conçues sur mesure, en font des candidats uniques pour développer de nouvelles classes de dispositifs tels que des catalyseurs de surface contrôlables ou des dispositifs optiques.

 

La contribution de la ligne de lumière DEIMOS

La ligne de lumière DEIMOS a développé un environnement expérimental bien adapté à l'étude du magnétique moléculaire par la spectroscopie d'absorption de rayons X (« X-ray absorption spectroscopy » en anglais : XAS) et le dichroïsme circulaire magnétique de rayons X (« X-ray Magnetic Circular Dichroism » en anglais : XMCD). Ceci s'applique non seulement aux températures ultra-faibles (à partir de 200 mK) et aux champs magnétiques intenses (jusqu'à 7 T) de la station expérimentale, mais aussi à la possibilité de fabriquer in-situ des films moléculaires auto-organisés et ultra-fins.

Dans le cas présent, XAS et XMCD ont été utilisés sur le système étudié de Ni-porphyrine déposé sur un substrat d'Ag(111) pour qualifier dans un premier temps la transition d'un spin bas à un spin haut. Ces techniques ont aussi été utilisées pour vérifier que le film moléculaire déposé conservait sa structure électronique après sublimation sur la surface d'Ag(111).

Le projet a été financé par le fonds CRC 677 « Function by Switching » (Fondation allemande pour la recherche) et par le programme de recherche et d'innovation de l'union européenne Horizon 2020 avec le numéro d'allocation 766726.